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Note dépassionnée sur le « burkini »

4/09/2016 | par Jean-Sébastien Philippart | dans Politique | 3 commentaires

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Au fond, la stratégie islamiste consiste à nous piéger à même notre propre oscillation (désespérée-désespérante) que fait éclater l’aporie ultralibérale. Profitant d’une vision considérablement plate du politique ne pouvant plus garantir que des droits individuels — c’est-à-dire abstraits —, l’islamisme s’affiche par des actes communautaristes pour le moins sinistres mais défendus par une liberté d’expression. Celle-ci ne veille qu’à la bonne tenue des contrats. Or, face à la panoplie politico-juridique d’un ultra-individualisme qui se retourne contre lui-même, on semble ne pouvoir opposer stérilement qu’une indignation toute « morale », c’est-à-dire reléguée, comme les goûts et les couleurs, à la sphère privée.

La société ultralibérale oscille ainsi entre la prolifération formaliste (publique et quasi-délirante) de droits individuels (en conflit les uns avec les autres) et les passions bridées par leur caractère soi-disant privé et dont les débordements (comme l’islamophobie) seront réprimés soit par le juridisme, soit par la monstruosité que constitue un moralisme politique — mais que sécrète une telle société (qui tente par là, désespérément, de surmonter son oscillation). Devant le spectre du fascisme agité par ledit moralisme, l’opposition invoquera mécaniquement le spectre du marxisme. À cet égard, il est un fait que les attaques contre l’islamisme servent de paravent au racisme.

Toutefois, la violence des opinions dites « islamophobes » dissimule également tout autre chose. Elle manifeste l’inhibition de notre métaphysique des mœurs que le moralisme laisse interdite. Or, si cette métaphysique semble tragiquement ethnocentrée, il reste toujours possible d’en relativiser la pathétique relativité — en direction d’une intelligibilité accrue. Si de cette manière on ne se laisse pas trop intimider par le moralisme politique, renvoyer dos à dos le port du burkini et le naturisme (par exemple) devient réellement absurde. En effet, de façon certes outrancière, le naturisme s’inscrit dans une vieille tradition où la sagesse se parodie dans l’illusion d’une sociabilité spontanée, dénuée de conformisme. Mais l’état de nature fantasmé par l’islamisme n’est pas alors le pendant inverse de la radicalité naturiste.

Croire que le corps féminin cause, par essence, l’agressivité masculine constitue effectivement la négation de toute sociabilité — dont la texture est originairement composée du croisement et recroisement des regards. Au regard d’une réflexivité de notre métaphysique des mœurs, les deux états de nature ne possèdent donc pas la même valeur — en termes d’élargissement de la vie. La négation (islamiste) du contact avec les autres comme avec soi-même — où se joue l’intelligibilité en guise d’inter-esse — devient l’objet pertinent d’un jugement. C’est de cette métaphysique incarnée par notre tradition qu’il s’agirait de faire davantage la publicité, au sens politiquement noble, en la tirant de son sommeil, — car elle échappe au moins latéralement par son potentiel réflexif au champ sous pression de l’implosion ultralibérale. Telle est la possibilité d’une authentique politique citoyenne.

 

Jean-Sébastien Philippart

Agrégé de philosophie, Jean-Sébastien Philippart est conférencier à l'Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc de Bruxelles.

 

 

Commentaires

Le burkini nous révulse parce que nous y voyons l’asservissement de la femme par les adeptes d’une conception archaïque de la religion . En même temps qu’une provocation délibérée de l’islam politique . Mais que répondre à ceux qui y voient , au contraire , une étape dans la libération de la femme musulmane , le moyen pour elle d’accéder à la plage , jusqu’alors interdite ? Même problème avec le communautarisme : il nous révulse parce que nous avons le sentiment de former une nation , où tout le monde se fout de vos origines pourvu que vous partagiez le projet commun minimum : vivre et laisser vivre . Nous refusons donc de voir cette nation éclater en communautés, qui se contenteraient de vivre côte à côte , en réclamant toujours plus de droits spécifiques . Mais que répondre à ceux qui voient dans le communautarisme une étape pour les plus faibles , avant leur intégration et leur assimilation ? De ces deux questions , nous devrions débattre sereinement , dans une société dite démocratique . L’ennui , c’est qu’elles sont instrumentalisées par les droits-de-l’hommistes et les professionnels de l’anti « islamophobie » . Résultat ? Le recours au jugement des énarques du Conseil d’Etat qui , en désavouant les élus du peuple , a révolté tous ceux qui se sentent démocrates dans l’âme ! Seul espoir : qu’un Jean-Pierre Chevènement , respecté des uns et des autres pour sa rigueur intellectuelle et son ouverture , réussisse à créer les conditions d’un débat apaisé . Y’a du boulot pour le Che !

par Philippe Le Corroller - le 4 septembre, 2016


Le mot « burkini » est nouveau pour moi. S’il existait avant cet été, il n’était pas très employé dans les médias.
Force est de constater que sa forme fait penser au mot « bikini », donc, rappelle le bikini dans les têtes.
Fut un temps… c’était un combat pour pouvoir porter un bikini en Occident.
Evidemment, nous sommes allés bien au delà de ce stade…

Ce weekend j’ai vu des images d’un film qui a reçu des accolades à Cannes, un film sur de très jeunes femmes se comportant avec une… violence et une agressivité qui étaient peut-être… masculines, mais bel et bien incarnées chez de jeunes femmes. Nos idées sur cette question sont bien trop simplistes à l’heure actuelle.

Je ne crois pas que les « débats » sur ces questions peuvent être dépassionnés. Ils seront passionnels au plus haut point, parce que l’Homme est un animal déraisonnable (heureusement, d’ailleurs…), et que les enjeux… biologiques ? sociaux ? du statut des femmes sont vitaux pour nous tous.

Pour l’état de la nation, il n’y a pas si longtemps que cela, nos ancêtres étaient bilingues, car ils gardaient leurs appartenances locaux à côté (?) de leur appartenance à la nation. Au moins, dans les campagnes… Différents parlers pour différents endroits.

Pour l’intégration et l’assimilation… l’intégration dans quoi ? l’assimilation dans quoi ? Voilà la question cruciale, à mes yeux.

par Debra - le 5 septembre, 2016


Faire la publicité de la métaphysique des moeurs issu de la tradition de ce pays ? N’est ce pas revenir sur un plan moral ? Valeurs contre valeurs ? Au sens noble de la politique ? Tout dépend ce qu’on entend par politique, ruse, mensonge et violence, l’action peut être noble, tout dépend du point de vue, celui des vainqueurs ou des vaincus ? La loi du plus fort est vraiment la seule qui règne dans ce monde.

par Mehdi - le 23 avril, 2017



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