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Taxis : une nuit du 4 août est à refaire

27/06/2015 | par Julien Mirabole | dans Politique | 6 commentaires

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La couverture médiatique du cas « taxis vs UberPop » s’en tient à la surface des choses. Abordons le fond. Pourquoi les taxis sont-ils universellement détestés ? Parce qu’ils offrent un service médiocre à un prix élevé. Pourquoi en est-il ainsi ? Non parce que les chauffeurs de taxis seraient, pour une raison mystique, des gens moins polis que la moyenne nationale ; mais tout simplement pour des raisons structurelles, socio-économiques. A savoir : leur profession est protégée de la concurrence par le mécanisme de la licence.

Le fond de l’affaire est là. En effet, la licence des taxis, tout comme les autres formes de numérus closus ou barrières à l’entrée, protège un groupe de nantis contre la concurrence extérieure, avec toujours le même résultat : dégradation de la qualité du service et augmentation du prix. A ce titre, les taxis ne sont qu’un cas parmi d’autres. De nombreuses professions, en France, bénéficient de privilèges corporatistes hérités de l’Ancien régime (numérus closus des professions médicales, juridiques, etc.).

La nuit du 4 août est à refaire : en effet, l’abolition de ces privilèges permettrait de partager le travail et les richesses, ce dont notre société a le plus grand besoin. Elle permettrait, au passage, de restaurer ces valeurs oubliées, devenues mythologiques, que sont la liberté, l’égalité et la justice. Mais dans le cas des taxis, le scandale est double : car le crime — le privilège — ne profite même pas aux chauffeurs de taxis. La plupart d’entre eux, aujourd’hui, subissent ce système : locataires de leur licence, ils sont en réalité exploités par les propriétaires de licence ou les sociétés de taxis. Une licence se loue 140 € par jour à Paris, soit 4 000 € par mois. C’est un racket. Une mafia. Ces mots sont forts, mais parfaitement pesés. Cet argent ne correspond à rien, à aucune réalité, aucun service ; il ne rémunère qu’une rareté soigneusement organisée. C’est une exploitation à l’état chimiquement pur. Pire : extorquer ces sommes aux travailleurs est ce qui permet de maintenir une faible qualité de service. La quintessence du parasitisme social est atteinte.

L’État est complice de cette mafia constituée par les sociétés de taxis. La preuve, suffisante et éloquente, c’est qu’il lui aurait suffi, pour mettre fin au scandale, de distribuer davantage de licences pour en faire baisser le prix. C’est encore cela qu’il devrait faire aujourd’hui, de manière à supprimer, à terme, la licence de taxis, et créer un statut unique et simplifié, avec une fiscalité unique, pour tous les chauffeurs de taxis, VTC, Uber, etc. Mystérieusement, cette solution simplissime n’est jamais évoquée dans le débat public.

Profitons donc des événements actuels pour faire éclater ce scandale au grand jour, et pour exiger de l’État cette solution simple et efficace : (1) augmenter progressivement le nombre de licences de taxis distribuées pour en faire baisser le prix, et à terme, l’abolir purement et simplement ; (2) au lieu d’interdire UberPop, simplifier au contraire la réglementation des taxis pour aboutir à un cadre unique et allégé régissant cette profession sous toutes ses formes (taxi, VTC, Uber, etc.). Économiquement, socialement et philosophiquement, nous devons comprendre à quel point ces privilèges corporatistes, dans tous les domaines, sont néfastes pour notre pays. Ils nuisent à l’activité, à l’emploi, à la qualité du service fourni, à l’égalité économique, à la liberté, à la justice. Ils entretiennent dans la société française de profonds sentiments de jalousie, de frustration, d’exclusion et d’injustice qui la gangrènent terriblement.

 

Julien Mirabole

Diplômé de Sciences Po et d'un master de Mathématiques, Julien Mirabole est agrégé de philosophie. Professeur de lycée, il se consacre à l'écriture et à l'action politique alternative.

 

 

Commentaires

Fichtre , voilà qui a le mérite de la clarté ! Si vos chiffres sont les bons , nous sommes effectivement face au scandale d’une exploitation des travailleurs  » à l’état chimiquement pur  » , comme vous l’écrivez . Il va être intéressant de voir si un gouvernement de gauche est capable d’y mettre fin .

par Philippe Le Corroller - le 27 juin, 2015


Votre critique est pertinente sur le système des taxis comme exploitation au sens marxiste du terme. Cependant, je regrette quelque peu que vous ne parliez pas des VTC car une boîte comme Uber crée un monopole plus fort encore que celui des taxis bleus. L’exploitation qui naît de l’empire Uber est à mon avis bien pire encore …

par A. Terletzski - le 27 juin, 2015


Ah bon ?
Ce monsieur est donc agrégé de philosophie ?
J’en perds mon latin.
J’ai rarement lu un argumentaire aussi empreint de naïveté paradant sous une façade de lucidité suffisante venant de quelqu’un portant le titre… officiel… de philosophe.
La philosophie déchoit-elle ?
On peut se permettre de voir que la valeur que tout un chacun attribue de façon… naturelle ? à ce qui est rare découle de la nature même de notre perception quand elle singularise un objet en l’ELISANT (le faisant sortir du lot). Essayez un peu.. d’ELIRE un T-Shirt fabriqué en Chine à bas coût, à des millions d’exemplaires et vous verrez ce que je veux dire sur comment la valeur en vient aux choses et comment elle s’en va, par la même occasion. Et les bonnes intentions ne changeront rien à l’affaire, je crois.
C’est fou comme la simple invocation des mots « liberté, égalité, justice », patin couffin, fait perdre l’esprit, et la raison à tant de personnes que la société a décrété intelligents et instruits. Et… ce n’est pas la première fois…
Réconfortant de voir que même les philosophes peuvent… perdre la tête dans certaines circonstances.
Ça devrait nous rendre.. tous ? plus sages…

par Debra - le 28 juin, 2015


Monsieur Debra, avez-vous des arguments à m’opposer ? L’embryon de raisonnement que vous faites sur la rareté est hélas incompréhensible par un être limité intellectuellement comme moi. J’ai en effet, comme vous l’avez deviné, obtenu mes diplômes (que j’aurais préféré ne pas mentionner d’ailleurs, tant je trouve qu’il y a de la bigoterie dans tous ceux qui attachent quelque importance à ces choses-là, comme vous semblez le faire, et en tout cas davantage qu’aux arguments) par chance, erreur administrative et usurpation. Cela, je l’avoue. En revanche mes arguments restent, et vous n’avez pas apporté l’ombre d’un contre-argument.

par JM - le 29 juin, 2015


Cher Monsieur Mirabole,

Une solide formation aux mathématiques peut conduire à un effort de simplification du réel.

Votre analyse raccourcie de la situation des taxis me semble pécher par une non prise en compte de la réalité complexe du problème. Il est assez facile de dénoncer des privilèges de certains en prenant soin de masquer l’intérêt bien compris des tenants du « grand capital pour parler comme Jojo. Cela est vieux comme de la loi Le Chapelier et le décret d’Allarde qui proscrivit les corporations, puis avec le décret du 18 aout 1792 la dissolution de l’Université et des facultés de médecine, au nom du libre exercice de la médecine, sans qu’il soit nécessaire d’avoir fait des études médicales ou d’avoir un diplôme…
Cette loi révolutionnaire abolie en 1864 fut considérée par Jaurès comme une « erreur terrible »,
A vous lire, il semble que vous voudriez que la profession soit dérèglementée, aucun diplôme de taxi, aucun horaire de travail, libre concurrence sauvage…au profit de qui in fine ? Pourquoi ce libéralisme sauvage?

Votre raisonnement est spécieux à plus d’un titre :

1 Sur quelle analyse établissez vous que les chauffeurs de taxi sont « universellement détestés » ce ni vrai, ni établi. Affirmation gratuite. Postulat numéro UN.

Un service médiocre à un prix élevé ? encore une affirmation sans grand fondement. Postulat numéro DEUX. Le Chauffeur HUBER à charges comparable offrira-t-il un meilleur service ? A qui iront les plus-values réalisées par cette firme multinationale ?
La profession de taxi n’est pas protégée par une licence, mais c’est l’usager qui a priori est garanti de la qualité du service. Les gouvernements libéraux se sont acharnés à déréglementer la profession notamment à Paris où le service de la police des taxis (Boers) a été supprimé. On ne compte plus les taxis clandestins qui maraudent aux abords des gares et les escroqueries non ressencées. Je ne vois pas en quoi il serait contre productif d’avoir des chauffeurs diplômés, bien formés, plutôt que des opportunistes.

Pour ce qui est de l’affaire du « numerus clausus » et non « mumérus closus » (expression latine), regardons ce qui concerne l’université en général et la faculté de médecine en particulier. Il n’est pas certains pour les filières comme l’architecture ou la profession d’avocat que les résultats obtenus par l’abolition du numerus clausus aient été favorables aux diplômés ni à leur montée en compétence. Nous ne regarderons pas dans les filières littéraires ou sociologiques où peu de diplômés parviennent à trouver un emploi. Pour ce qui est des médecins, la déréglementation européenne y pourvoit déjà en autorisant pour les plus fortunés les filières belges.
Oui pour une nuit du quatre Août qui abolira le système féodal mis en place par les multinationales, car c’est bien de cela dont il s’agit:
Comme naguère le postulant ( serf des temps nouveaux- demandeur d’emploi) est adoubé par la Compagnie Seigneuriale il prête allégeance, selon des critères de rentabilité espérée. (Essayez de postuler si vous êtes âgé et handicapé ?)
Contre ces nouvelles féodalités internationales fiscalement orgnisées abolissons les privilèges des google,microsoft,tweeter, qui nous fliquent sans payer l’impôt .(Qui a dit privilège?)
Qui parle de mafia du grand capital néolibéral US ? Qui mettra fin au scandale réel ?
Redonnons des lettre de noblesse perdues à la profession en exigeant une réelle professionnalisation sanctionnée par la réussite à un concours ouvert à tous?
Battons nous contre les trusts qui ont intérêt à la disparition de la réglementation et des indépendants.
Démasquons les impostures rhétoriques des petits esprits inféodés aux intérêts des puissants qui gangrènent l’espace politique , ayatollahs toujours prêts à jeter l’anathème aux petits rebelles et indépendants.
C’est simple comme bonjour et trivial comme une science politique concrète et pour le coup alternative.

par pitdepit - le 30 juillet, 2015


Merci pour votre message. Vous demandez : « à qui iront les plus-values réalisées par les multinationales ». Si on abolit la licence, on passe d’une situation où le chauffeur paie une rente (4000 € / mois) au détenteur de licence, à un système où il ne paie plus rien. Il n’y a pas de plus-value, seulement ses charges et impôts. Ceux qui souhaitent utiliser une application de mise en relation paient une commission au service. Si vous jugez qu’il s’agit d’une « plus-value », créez votre propre application en proposant une commission plus basse. Il n’y a pas lieu d’être « adoubé » par quiconque, mais au contraire d’être maître de soi (comme le sont les taxis actuels, ou plutôt, davantage).

Votre réaction est symptomatique de notre culture française en général et gauchiste en particulier : au nom d’un combat contre de vieilles lunes mythiques (le « capitalisme » ou le « libéralisme »), nous refusons la simplicité, et nous en venons à défendre l’ignominie au nom de magnifiques principes. C’est le scandale de notre gauche (enfin, une partie), devenue instrument d’oppression au nom même des principes qu’elle est censés défendre — un comble désagréable.

En réalité la France n’a jamais su s’extirper de la vieille aristocratie. On n’a pas aboli les privilèges, on les a multipliés, on a offerts des hochets et « privilèges en miettes » au peuple pour mieux en bétonner le principe. On n’a jamais rien compris à sa négation, à savoir la concurrence, comme instrument visant à éviter l’accaparement de biens et la constitution de rentes. Regardez pourtant autour de vous : partout où règne la concurrence, vous recevez un bon service, les gens font des efforts pour vous (normal : sinon ils n’obtiennent pas le contrat). Partout où elle est absente… c’est moins évident !

Tout cela est si simple (et si bien compris par tous les pays d’Europe du Nord, et anglo-saxons) que je ne peux m’empêcher de voir dans votre « antilibéralisme » ou « anticapitalisme » ou « anti-sociétés californiennes » un prétexte. Mais c’est peut-être simplement le poids de l’histoire et de la tradition. Il est vrai que nous avons une lourde tradition de ce discours « antilibéral ». Je crois que c’est pourtant une erreur, comme c’est une erreur d’accuser « les riches » ou « la classe politique ». Certes, la modernité produit des inégalités extrêmes inacceptables, et sans doute nuisibles économiquement, et il faut les rectifier autant que possible, d’une façon ou d’une autre, pour rétablir la justice. Mais les privilèges corporatistes ne sont pas la solution. Ils font partie du problème. Ils en sont une autre expression.

Il est vrai que mon discours « profite », en l’occurrence, aux applications de mise en relation. Mais ce n’est pas le fond de mon argument et si cela nous chagrine vraiment, créons un service français, voire un service public pour assurer cette opération d’ailleurs simple et peu coûteuse. Je n’ai rien contre.

Alors à choisir, oui, plutôt payer une commission à Uber ou autre qu’une rente à l’aristocratie-mafia locale. Car, d’abord, la commission est bien plus faible ; ensuite elle est justifiée ; et celui qui le souhaite est libre de s’en passer, ou d’avoir recours à un autre service. La concurrence et le libéralisme sont une garantie que cette commission est utile et non excessive. S’il s’avère que ce n’est pas le cas (position de monopole, ou autre), alors rien n’empêchera d’agir, comme on le fait dans les autres monopoles, par la réglementation, pour atteindre l’objectif et éviter l’extorsion d’une rente.

Ce point étant précisé, que reste-t-il de votre argument ?

par JM - le 15 janvier, 2016



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