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Une nouvelle arme contre le terrorisme … l’action !

21/07/2016 | par Laurence Vanin | dans Politique | 14 commentaires

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La France a encore payé un lourd tribut suite aux attaques terroristes du 14 juillet à Nice et chaque fois, au lendemain de ce type d’événements, les mêmes réactions : de la stupeur, des fleurs, des bougies, des visages en pleurs, du recueillement, des silences habités par l’absence des disparus et les souffrances des victimes à jamais traumatisées…

Mais pour combien de temps encore ?

Les célébrations, les hommages puis les discours des politiques et des spécialistes s’enchaînent et de mois en mois, chacun espère des solutions mais rien…

L’intégrisme sévit, l’idéologie gagne des batailles et conquiert des territoires. Et dans cette guerre asymétrique, l’offensive intégriste avec ses frappes illégitimes, soudaines et meurtrières est ressentie douloureusement. Parce que l’art d’une guerre traditionnelle consiste non seulement à affronter directement un ennemi identifié et selon des usages codifiés mais qu’en l’occurrence dans le cadre du terrorisme l’ennemi frappe lâchement et de manière plus anarchique. Alors la défensive (qui correspond dans notre République laïque à anticiper sur les menaces pour les empêcher, à poser un arsenal de mesures juridico-politiques et non guerrières dans le respect des droits de l’homme) demeure imperceptible car elle est quasi inexistante ou inopérante. Alors comment – dans ce climat particulier – refuser les larmes, l’abattement, et réinvestir notre rôle de résistant à défaut de se faire soldat, puisqu’il ne s’agit pas d’une guerre traditionnelle ?

A cela s’ajoute une surmédiatisation de la détresse humaine avec un voyeurisme indécent qui renforce ce sentiment de déroute et ajoute à cette gouvernance des émotions. Que reste-t-il au peuple démuni quand le politique a perdu son autorité et son efficace, que la justice demeure inopérante car incapable d’accoucher de sa propre réforme et d’un arsenal de mesures et de sanctions protectrices, que la menace terroriste demeure permanente car le théorème de la sécurité publique n’est pas assuré ?

Lorsque nous y réfléchissons, les incohérences ne manquent pas. Défiler en brandissant des crayons symboles de la liberté d’expression après les attentats de Charlie Hebdo ; des chorales improvisées devant le Bataclan comme pour dire que la fête continue malgré tout ; les baigneurs qui posent leurs serviettes sur la plage longeant la Promenade des Anglais et ses mausolées de fleurs, etc. semblent des réponses bien dérisoires face à cette barbarie idéologique à laquelle les peuples sont confrontés. Certains rassemblements publics témoignent d’une nécessité de se retrouver pour communier et recréer en apparence ce lien social qui vole en éclat chaque fois que la violence idéologique et djihadiste frappe. Le malaise s’étend davantage lorsque certains entonnent la Marseillaise, hymne national qui traditionnellement réveille les forces vives, suscite des comportements patriotes, dynamiques et catalyse les forces et la fierté nationales ; ce chant dont l’écho surgissait dernièrement et glorieusement depuis les stades durant l’Euro de football et qui s’élève maintenant comme la complainte d’un butor au crépuscule de sa vie.

Il suffit d’ajouter à cette situation des phrases absurdes ou fatalistes : « il faut continuer à vivre » comme si chacun allait y renoncer, ou encore « nous n’avons pas peur » alors que dans le fond, les actes du quotidien lorsqu’ils se déroulent dans l’espace public n’ont plus la même saveur qu’auparavant tant l’insécurité alimente les craintes.

Il faut bien l’admettre : l’inquiétude est là, empreinte de morosité et propice à l’inaction.

Nous assistons alors à l’installation progressive d’une nouvelle forme d’immobilisme, marquée d’une certaine capitulation, de la tristesse. Avec en arrière fond tous ces politiques qui nous invitent non pas à une lutte salvatrice mais à nous préparer à recevoir d’autres coups. La prédisposition au malheur et la faiblesse du pouvoir appellent ainsi aux prochaines victimes dans une sorte de banalisation fataliste…

L’ennemi invisible veut installer la terreur et mener le peuple à la léthargie. Dans un souci sécuritaire les hommes se replient sur eux-mêmes. C’est le renoncement. Et pour reprendre l’interrogation de Bergson : « Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire ». Ainsi la plus grande menace terroriste consiste à anéantir toute capacité de se réinventer…

Moins disposé à rire, à consommer, à profiter de la vie, certains se laissent gagner par ce pessimisme, par le désenchantement. Chacun tombe alors sous le joug de la gouvernance des émotions, qui mène l’homme à être agi par les circonstances plutôt qu’à disposer de sa liberté, de ses choix, de sa destinée. Cette passivité sert la cause terroriste, déstabilise le pays, met à mal son économie.

Pour s’extraire de la torpeur, la formule nietzschéenne semble bien à propos : « ce qui ne te tue point, te rend plus fort » !

Ceci dit il paraît évident qu’à une pensée mortifère seule la vie peut répondre. La vie dans sa dynamique particulière qui recentre en elle l’énergie d’aller de l’avant. De produire pour demain et de maintenir les forces vives. Il s’agit de concevoir, au carrefour de l’engagement individuel et de la destinée collective, un champ de possibilités qui s’ouvre aux citoyens et aspecte d’un nouvel horizon de sens : prévention, anticipation, résistance, etc. Cette situation nous invite à réinvestir notre rôle car nous avons cette chance « d’être condamnés à être libre ». Et c’est là notre force. Nous pouvons ainsi nous demander si c’est selon l’ordre de la rationalité qu’il faut examiner l’histoire collective et en ce cas le djihadiste nous propose sa logique absurde, où s’il s’agit de la comprendre par le prisme de la dynamique, qui en l’homme rejoint la volonté, associée à la force engendrée par les contradictions ou les révoltes susceptibles de favoriser des mouvements de résistance. Dès lors, la Cité devient, dans son effectivité, le lieu de l’expression d’une liberté négative [1] dont les individus participent – et pourtant se désespèrent – puisqu’ils prétendent à cet Être-pour-la-collectivité selon un droit naturel à leur sécurité.

« L’idée de liberté négative – qui intervient donc pour répondre à la question : « de quoi suis-je maître » dans mon existence sociale ? – consiste à affirmer que les individus sont d’autant plus libres qu’un plus grand nombre d’aspects de leur existence dépend de leur choix et de leur seule décision. »

L’action sera le seul remède à celui qui se refuse à pleurer. Ce sera une arme anti-terroriste puissante et efficace… Agir pour être vigilant et rompre avec le processus de panique et de peur, comme se préparer à vivre heureux et fort malgré les menaces et la guerre. Prendre soin de soi en s’informant davantage des mesures de sécurité, en intégrant les premiers gestes de survie, en se familiarisant avec l’idée de l’urgence.

Aimer la vie alors que d’autres la méprisent et se projeter vers demain, un demain qu’il nous faudra réinvestir de la joie d’être vivant et résistant.

Faire triompher nos valeurs le goût pour la culture, les arts, le rire face à cet « endoctrinement djihadiste » qui a opté pour le sang, la mort, le refus de la vie devient l’ultime enjeu de nos existences. Il s’agit donc d’en terminer avec le militantisme, les spéculations pour faire advenir cette sentinelle de l’action et réinvestir le champ de nos possibles… ACTION !

[1]  Les critiques de la modernité politique, La discussion républicaine du libéralisme moderne, p. 337, Ed. Calmann-Lévy, Paris, 1999. Cf. également l’ouvrage de Nemo Philippe, Histoire des idées politiques aux temps modernes et contemporains, P.U.F, 2002. Ou encore l’ouvrage de Ricci Jean-Claude, Histoire des idées politiques, Dalloz, 2008.

 

Laurence Vanin

Docteur en philosophie et en épistémologie, essayiste, Laurence Vanin enseigne à l'Université de Toulon, où elle est directrice pédagogique de l'Université du Temps libre, et est membre du groupe de recherche supérieur en Droit constitutionnel européen à l’Université autonome de Barcelone. Elle dirige la collection De Lege Feranda chez E.M.E Intercommunication (avec D. Rémy) et la collection Label-Idées aux éditions Ovadia. Elle vient de publier Leibniz et Hobbes : Réflexions sur la justice et la souveraineté aux éditions Ovadia.

 

 

Commentaires

Je découvre avec tristesse et consternation qu’il est possible d’avoir un très beau CV, et d’écrire mal une pensée confuse.

Pauvre France.

Voici ton élite.

Je regrette de vous critiquer publiquement, madame, mais vous gagneriez à faire preuve de plus de modestie, et à travailler vos publications.

par jourdan - le 21 juillet, 2016


excellente réflexion

par Merci , merci Madame pour cette publication, car vous osez dire ce que peut de Français osent dire ou simplement penser, tellement leur pensée d'idéal composée d'images et de textes bien posés par de soit disant savants écrivains liés au pouvoir politique bloque... De peur de perdre leurs acquis ! Les acquis ne valent d'être vécu que dans un monde en paix . Je vous suis Madame tellement votre modestie mériterai d'être suivie d'une plus grande attention ! - le 22 juillet, 2016


Merci, Larence Vanin, pour cette réflexion dont je partage le sens et le rappel de l’interrogation de Bergson à garder en mémoire : « qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire ».

par isabelle - le 22 juillet, 2016


Article pertinent ! Il propose un état des lieux intéressant et réaliste ! .
Mieux il termine sur la proposition d’une nouvelle dynamique sociale.
J’espère que vous écrirer un nouvel article afin de détailler les solutions que vous suggérées dans votre article !
Merci Laurence Vanin bouger
Les lignes …

par Laurent - le 22 juillet, 2016


Cher Laurence.
Merci pour cette analyse pleine de bon sens. …
Je suis touché par tant de clairvoyance et d’objectivité.
L’obscurantisme est dû à l’homme par lui-meme.
Il s’agit pourgence l’humanitété entière de vivre ou de mourir .
Alors agissons comme vous le dites :  » Action  »
« Perit attendre vivat »!
Raoul.

par Berrais - le 22 juillet, 2016


A mon sens, cette analyse n’est pas philosophique: vous décrivez ces modes de conscience comme relevant de l’affectif et en tant que tel, manquant de rationalité. Mais vous ne proposez aucune analyse, pas plus d’ailleurs que les principes philosophiques qui fonderaient l’analyse. Sartre permet de faire prendre conscience de notre liberté, puisque celle-ci n’est pas détruite par ce qui nous opprime. Mais quel effet positif peut-on attendre de la mise en oeuvre de celle liberté-là quand ce qui opprime se tient dans la pensée elle-même, sous la forme que peut prendre une idéologie dominante, laquelle, en imposant sa vision du monde, invite à l’action en court-circuitant la réflexion critique. Et il me semble que vous vous trouvez dans la même position, la même attitude, celle qui vise l’action sans véritable réflexion.

par schneider georges - le 22 juillet, 2016


Merci Laurence pour cet article faisant un état des lieux tellement réaliste. Ainsi que vous le précisez la barbarie idéologique commence à s’installer et n’est pas sans rappeler (pour certains) comment le nazisme s’est installé et que personne ne voulait voir. Bien sûr l’inquiétude est là… mais ce n’est pas pour autant qu’il faille s’installer dans une « léthargie ». OSONS AGIR, Ne craignons pas de faire triompher nos valeurs, ayons le goût pour les arts, la culture… le vivre ensemble en s’investissant et en se respectant les uns les autres… Ce n’est pas en critiquant les propositions des autres et surtout en restant caché derrière son ordinateur et en pratiquant la « phraséologie négative » que l’on pourra créer la capacité de se réinventer !!!
Le monde a tellement besoin de se « ré-enchanter »… et si nous commencions maintenant en osant agir.
Encore merci Laurence.. je ne désespère pas que votre article puisse amener à réfléchir.

par Brigitte - le 22 juillet, 2016


Qu’apprend-on ou que comprend-on à la lecture de cet article ?

Deux choses : que les institutions de la République n’agissent pas contre le terrorisme ; qu’il faudrait enfin agir.

Bien.

Arguments en faveur de l’idée que le gouvernement n’agit pas ? Néant.

Eclaircissements sur la nature de l’action souhaitable ? Néant.

Qu’apprend-on ou que comprend-on à la lecture de cet article ?

par Eric Dumaître - le 22 juillet, 2016


Mais des humbles agissent, madame.
J’admire le motard lambda qui fait des 8 devant un camion meurtrier pour le ralentir et jette son engin sous les roues au risque d’y passer lui-même (sait-on seulement ce qu’il est devenu ? Son sort vous préoccupe-il ?)…
J’admire l’inconnu qui monte dans la cabine pour retenir le conducteur fou (même s’il y renonce en le voyant armé… pensez-vous qu’il fut lâche ?)…
J’admire les autres qui ne sont pas restés sidérés, ont poussé, catapulté, tiré celui-ci, celle-là hors du sillage infernal…
Et bien d’autres encore qu’il resterait à connaître mais qui ne se manifesteront pas.
Soyez assurée que sans tambours ni trompettes sans théâtres ni concerts, ils ne vous ont pas attendue pour agir.
Sans héroïsme, sans médailles, sans remerciements de la république ( il faut être un G.I. en vacances au moins dans un T.G.V. pour cela).
Honte à nous de ne les célébrer nulle part et de ne pas les suivre.

par Francis Roinel - le 22 juillet, 2016


Trop de mauvaise politique tue !
Nous sommes les victimes d’un système qui fabrique ses propres terroristes, aussi !
Devant l’échec d’une providence réduite à l’état de nébuleuse, les esprits les plus faibles préfèrent se venger en attaquant la société, incapable de se substituer à une foi qui en vaut bien d’autres, massacrée au nom d’une laïcité compromise dans un amalgame redoutable . Celui qui, reconnaissant justement une communauté respectable, s’en est allé ignorer qu’elle pouvait nourrir des monstres !
– « Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur et non des cadavres, des troupeaux ou des croyants. Des créateurs qui inscrivent des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles. »
Ainsi parlait Zarathoustra ! C’était au dix-neuvième siècle !

par Guienne - le 24 juillet, 2016


Merci Laurence pour votre analyse de la situation, pour vos réflexions toujours pertinentes, n’en déplaise à vos contempteurs.
Assez de larmes comme vous le dites si bien, ne donnons pas le spectacle de notre détresse, réflexion et action.
« Je vous enseigne le surhumain. L’homme n’existe que pour être dépassé. »
Ainsi parlait Zarathoustra Nietzsche.
Et surtout pas de méprise sur le mot surhumain trop d’erreur sur sa signification.

par Monique - le 24 juillet, 2016


En quoi l' »Action »que vous préconisez diffère-t-elle de l’attitude que vous semblez critiquer « il faut bien continuer à vivre » ou « même pas peur » ?
Quelle est votre analyse du moment particulier de notre évolution sociétale qui voit éclore en son sein ce « terrorisme djihadiste » ?
En résumé, en quoi votre article apporte-t-il un sens nouveau et une solution nouvelle à ces événements ?

par patrick - le 24 juillet, 2016


Je viens de lire et relire ta Newsletter « Nouvelle arme contre le terrorisme : l’Action ».
Je pense que pleurer est un phénomène naturel, une réaction du corps à une trop grande émotion. J’ai connu des vieux baroudeurs, anciens d’Indochine ou d’Algérie qui pleuraient aux deux premières notes d’une Sonnerie aux Morts. Les souvenirs, les amis, les parents disparus, tout se bouscule dans notre mémoire et fait chavirer nos certitudes, nos bases jusque-là inébranlables, tout ce de quoi nous sommes faits. Oui, il arrive un moment où l’on pleure. Mais sur qui ? Sur quoi ? En fait c’est peut-être sur nous-mêmes que nous pleurons. Qui pourrait le faire aussi sincèrement ?
Nombreux de ceux qui sont venus se recueillir à Nice ou au Bataclan ou autres lieux de commémoration, se sont projetés en s’imaginant eux-mêmes à la place des victimes Que pouvaient-ils faire d’autre si ce n’est que de partager un moment d’émotion ?
La seule gloire de celui qui pleure c’est celle de faire partie des vivants mais jusqu’à quand… ?
Agir en aimant la vie c’est ce que nous faisons tous les jours mais je n’y vois rien d’efficace contre la folie meurtrière de ceux qui n’ont plus de lien avec la société et que rien ne retient à la vie telle que nous l’imaginons dans nos foyers. Faire triompher nos valeurs ! Ceux qui assassinent ne semble pas en vouloir mêmes les plus constructives alors que nous-mêmes, nous nous intéressons à leurs religions (certaines sont empreintes de sagesse), à leur art, à leurs philosophes (Ne dit-on pas que c’est à l’Orient que point la Lumière ?).
Et puis, j’ai peur de la réaction des Hommes, de nos réactions, j’ai peur de la soif de vengeance. C’est souvent l’aveuglement qui commande l’esprit vengeur. Rappelons-nous comment réagissaient les allemands (et pas seulement les nazis) quand les résistants abattaient un officier dans la rue : prise d’otages aveugles puis condamnation la plupart du temps au peloton d’exécution. Rappelons-nous les « ratonnades » durant la guerre d’Algérie, les exécutions sommaires de part et d’autre avant et après.
La seule arme en laquelle nous devons croire c’est en notre cohésion nationale et en l’application de la Loi telle que des hommes l’ont écrite et continue à la faire évoluer et surtout pas en ces indignes déchirements qui ajoutent une couche sombre sur un tableau déjà bien noir.

Alain

par HUC - le 26 juillet, 2016


Action ! Passer son brevet de secours ? Connaître les mesures de sécurité ? Ouvrir son sac aux agents de sécurité dans les grands magasins, soyez obéissant, faire preuve de soumission devant l’autorité, les zombies sont admis avec vigilance.

par Masque - le 21 avril, 2017



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