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Qu’est-ce qui nous lie moralement aux autres ?

19/04/2017 | par Laetitia Ramelet | dans Philo Contemporaine | 4 commentaires

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ANALYSE : Guerre, migrations, tourisme, écologie… Il faut aujourd’hui lire Hugo Grotius, estime Laetitia Ramelet. Le philosophe hollandais du 17e siècle, devenu le père du droit international, se fonde sur la sociabilité des hommes pour justifier qu’il existe une justice valide en tout lieu et en tout temps. La souffrance de nos semblables ailleurs sur la planète nous affecte tous.


Doctorante en Philosophie politique à l’Université de Lausanne, Laetitia Ramelet travaille notamment sur la pensée des philosophes Hobbes, Grotius et Pufendorf. 


En 2017, nombreuses sont les occasions de s’interroger sur ce qui nous lie moralement à des personnes inconnues à travers le monde. Nous y sommes poussés par l’arrivée de milliers de réfugiés en Europe, la consommation de biens transportés d’un continent à l’autre, l’urgence d’actions à niveau global contre les changements climatiques – et plus légèrement, par l’accroissement du tourisme. La plupart d’entre nous sentent bien que ces phénomènes modifient également la dimension morale de notre rapport aux habitants d’autres pays.

Comprendre ce rapport touche à l’une des questions indémodables de la philosophie : pourquoi devrais-je me soucier d’autrui ?

Dans le présent article, nous aimerions vous proposer une réponse extraite des écrits du hollandais Hugo Grotius (1583-1645). Grotius est un auteur célèbre pour sa contribution au droit international, mais aussi à la pensée politique, l’Histoire, la théologie et même la littérature. Ce qui nous intéressera tout particulièrement aujourd’hui sont ses réflexions sur la notion de sociabilité, l’un de ses legs à la pensée occidentale.

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Ses réflexions s’avèrent d’autant plus inspirantes qu’elles ont été formulées dans un contexte d’intensification des relations entre l’Europe et les autres continents, notamment à travers le commerce. Par ailleurs, suite à la Réforme, Grotius et ses contemporains étaient confrontés à des conflits religieux qui déchiraient l’Europe. Il leur fallait alors adapter leur conception des relations humaines à ces nouvelles formes de diversité.

L’ouvrage majeur de Grotius s’intitule Le droit de la guerre et de la paix.[1] Paru en 1625, son retentissement a valu à son auteur le surnom de « père du droit international ». Grotius cherche à y établir les principes du « droit de la guerre »: soit des principes qui doivent être respectés par toutes les parties impliquées dans une guerre. Pour ce faire, il doit commencer par démontrer qu’il existe des normes qui s’appliquent en tout temps et en tout lieu – même en période de guerre. C’est à ce moment qu’intervient son principe de sociabilité.

Une justice universelle ?

Grotius s’attelle dans un premier temps à réfuter les objections les plus courantes contre l’existence de normes de justice universellement valides. Il se désigne un adversaire fictif, Carnéade, en référence à un orateur romain particulièrement brillant. Ce nouveau Carnéade a pour rôle de représenter toutes les positions selon lesquelles il n’y a aucune justice naturelle. Selon lui, l’être humain ne serait pas disposé naturellement à la justice. Au contraire, seul lui importerait son propre intérêt. Cela serait alors uniquement par intérêt personnel qu’il accepterait de se soumettre à des lois, car celles-ci amélioreraient son niveau de vie. Pour une créature si égocentrique, se priver d’avantages par égard pour les autres relèverait carrément de la « folie ». Par ailleurs, Carnéade pense qu’il n’existe aucune loi valable pour tous, mais seulement des lois locales qui varient d’une époque et d’un endroit à l’autre, selon les bienfaits qu’elles procurent à la communauté concernée.[2]

L’être humain, une créature sociable

À aucun moment Grotius ne va-t-il nier la forte propension de l’être humain à suivre son intérêt personnel. En revanche, là où Carnéade se trompe, c’est que les motivations humaines sont loin de se réduire à son égocentrisme. Au contraire, l’être humain est un « animal de nature supérieure ». Or, la sociabilité représente justement l’une de ses caractéristiques distinctives. Grotius affirme que nous avons tous « besoin » de la compagnie de nos semblables. C’est la raison pour laquelle nous avons été dotés de la faculté du langage. La sociabilité est étroitement liée à la deuxième caractéristique distinctive de l’être humain : la noble faculté de la raison. En vertu de ces deux caractéristiques, seule une vie en communauté « paisible » et « ordonnée selon les données de [son] intelligence » serait digne de la condition humaine.[3] À plusieurs reprises, Grotius souligne que le respect de la justice dans nos comportements envers autrui ne se rapporte pas uniquement à ses bienfaits instrumentaux, mais avant tout à la raison.

Une vie harmonieuse en communauté nécessite bien entendu des efforts non négligeables. Selon Grotius, nous sommes naturellement enclins à les fournir – du moins lorsque nous prêtons oreille à la raison. Pour désigner notre inclination à la sociabilité, Grotius emploie les expressions de « penchant social » (appetitus socialis), ou de « soin de la vie sociale » (custodia socialis). Il lui accorde un rôle majeur, puisqu’il déclare ce penchant être la « source » du droit naturel.[4] Et comme le droit positif découle en grande partie du droit naturel, la sociabilité est également la source indirecte du droit civil. Ainsi, la sociabilité ne reflète pas uniquement nos préférences naturelles : bien plus, elle nous impose des obligations morales et légales.

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De quelles obligations s’agit-il ? La raison et la révélation divine nous indiquent les principes fondamentaux du droit naturel qui repose sur notre sociabilité : l’interdiction de nous emparer de ce qui appartient à autrui, l’obligation de réparer les dommages que nous infligeons à autrui, ainsi que l’obligation de tenir nos engagements. Enfin, le droit naturel autorise la punition de ceux qui enfreignent ces principes.

Ces obligations s’appliquent à chaque individu comme à chaque pays. En effet, Grotius conçoit l’humanité entière comme une société. Comme n’importe quelle société, elle nécessite des règles communes pour survivre et prospérer, dont des règles encadrant le commerce et la conduite des guerres. De même, nous somme tenus de respecter ces obligations même envers des personnes avec lesquels nous n’avons pas de lien de parenté ou d’amitié en particulier : notre humanité commune y suffit.

Pour l’instant, il semble que la sociabilité n’exige pas plus de nous que le respect des lois en vigueur dans la plupart des pays. Il convient ici de remarquer que Grotius cherchait des principes concernant n’importe quelle personne, peu importe sa culture, sa religion ou sa place dans la société. De plus, notre auteur écrivait peu après la Réforme, dans un contexte de violents désaccords sur des questions morales et religieuses. Pour ces raisons, il avait besoin de principes simples et pertinents dans tout contexte, de sorte à pouvoir faire l’objet d’un consensus.[5]

Des obligations légales et morales

Nos lectrices et lecteurs les plus exigeants auraient sans doute espéré une plus forte incitation aux vertus de l’altruisme de la part de Grotius. Afin de répondre à cette attente, il convient de distinguer deux types d’obligations auxquelles Grotius fait appel dans ses ouvrages : les obligations légales et morales, qui ne se recoupent pas forcément.

Le droit naturel nous impose des obligations morales, que Dieu ordonne aux êtres humains de respecter. Certaines d’entre elles constituent aussi des obligations légales dans ce que Grotius appelle le droit civil, celui qui est sanctionné par l’État dans lequel se trouve un individu. Par exemple, voler est interdit tant par le droit naturel que par le droit civil (qui n’a d’ailleurs jamais la légitimité de contredire le droit naturel, selon Grotius). Le vol sera condamné par un tribunal humain, celui de l’État ; et très probablement aussi par Dieu. Et dans le cas où Dieu n’existerait pas ? Il s’agit selon Grotius d’une hypothèse qui ne peut être envisagée « sans grand crime », mais à laquelle il apporte une réponse célèbre.[6] Même sans l’autorité divine, toutes les lois naturelles qui reposent sur la sociabilité auraient force de loi : et ce en vertu de leur caractère rationnel.

Revenons-en donc aux obligations issues de la sociabilité. Chez Grotius, toute violation des principes fondamentaux du droit naturel doit être punie par l’Etat, car il s’agit d’obligations à la fois naturelles et civiles. Or, ceci n’implique pas qu’une obligation naturelle non sanctionnée par l’Etat n’ait aucune force morale. Comme nous l’avons vu à l’instant, la raison suffit à produire des obligations morales.

Un premier exemple est celui des promesses. Afin de pouvoir compter sur les autres, nous devons nous-mêmes être fiables. En effet, si personne ne tient ses promesses, nous perdrons tous une pratique d’une immense utilité. Selon Grotius, rompre sa parole revient à affaiblir les liens qui unissent l’humanité (dont nous reparlerons plus bas). De même, s’enrichir sur le dos d’autrui serait contraire à la nature. En effet, si tous en faisaient de même, « la société des hommes, la vie en commun s’écrouleraient nécessairement ».[7]

Par ailleurs, la sociabilité nous enjoint de prêter aide aux autres et d’oeuvrer à leur bien-être. Ce devoir d’aide peut même s’étendre à d’autres pays, si leurs citoyens sont en situation de détresse. L’idée revient à se comporter envers les autres comme nous aimerions qu’ils se comportent envers nous-mêmes en cas de besoin. Dans une œuvre de jeunesse intitulée Le droit de prise, Grotius va jusqu’à écrire que la souffrance de nos semblables ailleurs sur la planète nous affecte tous, en vertu de liens qui unissent tous les êtres humains en tant que tels.

Des liens qui unissent l’humanité

Lorsqu’il évoque la nature de ces liens, Grotius fait appel à divers penseurs de l’Antiquité. Il mentionne le juriste romain Florentinus, selon lequel « la nature a établi entre nous une parenté : d’où la conséquence que c’est un crime pour un homme de tendre des embûches à son semblable (Grotius). » Ceci correspond à la doctrine chrétienne selon laquelle tous les êtres humains seraient nés « des mêmes premiers parents ».[8] De même, Grotius emprunte à Cicéron l’idée d’une fraternité reliant tous les êtres humains.

Par ailleurs, Grotius s’est inspiré d’une notion développée par les stoïciens et reprise par Cicéron: le processus de l’oikeiosis. Nous nous appuierons ici sur les éclaircissements fournis par Christopher Brooke, qui lui témoigne de sa redevabilité à Julia Annas.[9] En grandissant, l’être humain développe naturellement un souci instinctif de son bien-être, puis de celui des autres. Lorsque ses facultés intellectuelles s’affinent, il prend conscience de la valeur intrinsèque de la raison. À l’issue de ce processus, la combinaison de sa rationalité et de son affection pour autrui l’amène à saisir la valeur de la justice.

A plusieurs reprises, Grotius suggère que nous apprécions nos semblables en vertu de notre humanité commune, et ce indépendamment de toutes considérations instrumentales. Toutefois, il n’aura pas échappé à nos lecteurs que le respect de nos obligations s’avère tout à fait compatible avec notre intérêt personnel. Ambiguïté ou pragmatisme ? De manière générale, Grotius se plaît à insister que chacun profite d’une société harmonieuse. Il s’agit là d’une démarche classique en philosophie : comme de nombreuses personnes préfèrent le confort aux contraintes de la moralité, démontrer que les deux se rejoignent est supposé renforcer nos incitations à agir moralement.

La sociabilité aujourd’hui ?

Avant de conclure, il importe de situer un peu mieux ces idées par rapport à leur contexte. Les spécialistes de son œuvre nous rendent attentifs aux objectifs politiques que favorisent certains des arguments de Grotius : par exemple, défendre les actions de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales en Asie du Sud-Est dans Le droit de prise, ou encore la révolte des Pays-Bas contre la domination espagnole.[10] Par ailleurs, il convient de relever que la doctrine de Grotius semble souvent incompatible avec son principe de sociabilité, en comparaison avec nos convictions actuelles. Certain(e)s voient dans son œuvre une apologie de la guerre, du colonialisme, et de la misogynie. Ces frictions sont récurrentes dans l’étude de textes historiques. Mais elles ne nous empêchent pas de choisir les passages de son œuvre les plus pertinents pour nos réflexions – ce que Grotius lui-même et bien d’autres auteurs avant et après lui ont fait de leurs lectures.

En résumé, la sociabilité est premièrement un penchant naturel qui nous incline à nous abstenir de nuire à autrui, voire même à lui faire du bien. Deuxièmement, la sociabilité est un principe normatif encadrant nos rapports à autrui, tant dans nos relations avec nos voisins qu’avec des habitants de contrées lointaines. Nos actions doivent toujours respecter les conditions de durabilité de notre société. Tout comportement rationnel respecte ces conditions, ce qui témoigne d’une reconnaissance de la valeur intrinsèque d’une vie paisible en communauté.

En ce qui concerne la pertinence actuelle de ce principe, il nous offre matière à discussion sur les critères nous servant à évaluer nos décisions et attitudes face aux défis que nos sociétés doivent relever sur la base d’un effort commun de leurs membres. D’un point de vue pragmatique, il s’agit avant tout de protéger nos intérêts sur le long terme : assurer la pérennité dans un environnement propice au développement humain. Dans cet esprit, Grotius rappelle que justice et intérêts ne doivent pas systématiquement être conçus séparément. L’autre enjeu, nettement plus ambitieux, est celui de la préférence la plus souhaitable, voire la plus esthétique : viser un ordre rationnel, qui ne peut que tendre vers le juste et l’harmonieux.

A en croire Grotius.

Bibliographie

Dans le présent article, nous avons cherché à rester le plus proche possible des textes de Grotius. Pour ce qui est de la littérature secondaire, nous sommes grandement redevables aux travaux suivants en particulier :

  • Blom H. (2015), Sociability and Hugo Grotius. In : History of European Ideas 41, pp. 589-604.
  • Darwall S. (2012), Grotius at the Creation of Modern Moral Philosophy. In : Archiv für Geschichte der Philosophie 94, pp. 213-238.
  • Haakonssen K. (1985), Hugo Grotius and the history of political thought. In : Political Theory 13, pp. 239-265.
  • Shaver R. (1996), Grotius on Scepticism and Self-Interest. In : Archiv für Geschichte der Philosophie 78, pp. 27-47.
  • Straumann B. (2007), Hugo Grotius und die Antike. Römisches Recht und römische Ethik im frühneuzeitlichen Naturrecht, Baden-Baden: Nomos.
  • Tuck R. (1983), Grotius, Carneades and Hobbes. In : Grotiana 4, pp. 43-62.
  • Van Ittersum M. (2003), Hugo Grotius in Context : Van Heemskerck’s Capture of the Santa Catarina and Its Justification in De Jure Praedae (1604-1606). In : Asian Journal of Social Science 31, pp. 511-548.
  • Van Ittersum M. (2006), Profit and Principle : Hugo Grotius, Natural Rights Theories and the Rise of Dutch Power in the East Indies, 1595-1615, Leiden : Brill.
  • Van Ittersum M. (2010), The Long Goodbye : Hugo Grotius’ Justification of Dutch Expansion Overseas, 1615-1645. In : History of European Ideas 36/4, pp. 386-411.
[1] Nous citerons ici la traduction de Paul Pradier-Fodéré de 1867, éditée par Denis Alland et Simone Goyard-Fabre en 1999 aux Presses Universitaires de France.
[2] Le droit de la guerre et de la paix, Prolégomènes, §5.
[3] Prolégomènes, §6-7.
[4] Prolégomènes, §8.
[5] Voir Darwall 2012 et Tuck 1983.
[6] Prolégomènes, §12.
[7] Le droit de la guerre et de la paix, Livre 1, Chapitre 1, §3.
[8] Prolégomènes, §14.
[9] Brooke C. (2008) Grotius, Stoicism and ‘Oikeiosis’. Grotiana 29; Annas J. (1993) The Morality of Happiness, Oxford: Oxford University Press.
[10] Voir les travaux de référence de Martine van Ittersum.

 

Laetitia Ramelet

Laetitia Ramelet est doctorante en Philosophie politique à l’Université de Lausanne. Elle travaille notamment sur la pensée des philosophes Hobbes, Grotius et Pufendorf.

 

 

Commentaires

Grand soupir, et quelques anecdotes…
Lors d’une discussion chaude avec mon petit frère qui vit sur un autre continent, et passe ses journées dans une autre langue (américain), nous avons parlé du commandement dans les dix paroles pour vivre, qu’on appelle les dix commandements, qui dit, dans la dernière grande traduction biblique parue en France : « tu ne commettras pas de meurtre ». Mon petit frère et moi, nous n’étions pas d’accord, car on trouve des traductions anglaises/américaines qui disent « tu ne tueras point ».
Le texte ci-dessus porte sur la différence entre ces deux perceptions du commandement, et DU CORPS SOCIAL, de la société qui les édicte.
« Tu ne commettras pas de meurtre » enjoint le membre de la société de ne pas tuer au sein du groupe social auquel il appartient, mais n’interdit pas de manière absolue le fait de tuer en dehors (la guerre n’est donc pas criminalisée, pas plus que le fait de manger de la viande…). Parce que, évidemment, il y a un dehors la communauté et un dedans. Comme il y a un intérêt qui ne se laisse pas réduire à l’intérêt de l’individu, mais comporte l’intérêt de la communauté, qui N’EST PAS UNE SIMPLE ADDITION DE L’INTERET DES MEMBRES INDIVIDUS. Evidemment reste à… DEFINIR les contours de la communauté, et l’appartenance à la communauté. On peut être assuré que cela ne se fait pas de manière contrôlée, volontaire, et sous les auspices du Dieu de la Raison.
« Tu ne tueras point » est une parole totalisante et totalitaire. Elle établit UNE communauté, qui, sans dehors, ne peut pas non plus assurer un dedans.
Elle traduit le triomphe de ce… vague projet impérial d’origine chrétienne qui, continuant à évangéliser encore et toujours sous des formes laïques, voudrait nous réunir TOUS sans exception dans UNE communauté d’AMOUR, en tous lieux, et pour tous temps. (On trouve cette ambition totalisante présente dans l’histoire de Babel, dans la Genèse, déjà, et la construction de la tour de Babel POUR RAISON DE SECURITE, qui débouche sur la dispersion des hommes partout sur la planète. Une.. histoire ? mythe ? édifiant, même s’il n’est pas.. scientifique.) J’en ai déjà longuement parlé ici, et pour une fois, je ne me répéterai pas. (En passant, je trouve cocasse que certaines hypothèses scientifiques sur les origines anthropologiques de l’Homme se rapprochent du mythe du couple originaire biblique…)

Il est important de savoir faire des différences. Entre le dedans, et le dehors. Entre la personne en chair et en os qui habite à deux pas de chez soi, qu’on croise sur le palier quand on sort le matin, et qui peut-être… votera d’une manière très différente de la manière dont soi, on votera, et… une image, une photo, un récit qui représente une personne/des personnes qui habite(nt) à 10,000 kilomètres, et qu’on ne croisera pas dans sa vie. Ces images, ces paroles REPRESENTENT des personnes dont le quotidien peut être radicalement différent du nôtre, en tout cas, très loin de ce que nous sommes capables d’imaginer.
Il est important de pouvoir entériner cette différence, cet écart, et en tenir compte. Il s’agit d’une différence fondamentale que l’ordre symbolique ne gommera pas. Cette différence est portée par nos enveloppes charnelles, soumises aux effets du temps, de l’espace, et de la mort, et qui ne se laisseront pas réduire à… des représentations, des paroles en l’air, même si la parole, c’est… le Verbe de Dieu…, et cette parole a une puissance qu’on n’imagine même pas à l’heure actuelle, où nous sommes devenus tellement inconséquents du fait de notre « civilisation ».
Pour la raison… je n’ai pas la foi, désolée.
Mes parents sont tous les deux morts de crise cardiaque, et il me reste à espérer que je mourrai de la même manière. Quelle meilleure… PREUVE que j’aurai eu du coeur que de mourir de crise cardiaque ?…(Et oui, il y a des domaines où la preuve arrive dans l’après coup…)
Certes, il n’est pas bon d’opposer la raison et le coeur. C’est d’ailleurs une des très grandes faiblesses de la modernité (entre autres oppositions délétères). Et si vous ouvrez « Le Discours » de Descartes, pour lire le chapitre sur le coeur comme organe pompe, vous comprendrez pourquoi je ne suis décidément pas/plus… une moderne.
Tant de sincérité, d’ardeur, même, pour détruire les métaphores ne peut que faire naître certains soupçons sur la modernité et ses aspirations…en sachant que le projet impérial Paulinien est ENCORE ET TOUJOURS devant nous…à sa manière, à sa manière.

par Debra - le 20 avril, 2017


Et si la « justice » n’était en somme que notre intérêt bien compris ? Et si le souci de l’autre – personnes en difficulté, SDF, migrants, etc…- relevait d’abord des gratifications que nous en retirons ? Confort moral apporté par la sensation de se conduire bien , de prendre sa part de l’oeuvre collective , d’être au coeur de la vie, en somme ; délicieux sentiment de supériorité sur certains ( Moi j’agis, eux bla-blattent) ; discret contentement éprouvé à sculpter sa propre statue ; sentiment d’épanouissement éprouvé grâce à des rencontres inattendues , hors de sa classe sociale, de son train-train quotidien . Tout cela n’est pas très « moral » ? Mais j’espère bien ! Je souhaite à chacun des millions de bénévoles, qui s’activent tous azimuts aux quatre coins de la France, de ne pas le faire seulement par devoir, engagement politique ou religieux, mais avant tout par plaisir. En connaissant quelques uns, je n’ai d’ailleurs pas vraiment de doute là-dessus : leur gaieté et leur dynamisme me semblent moins relever de l’impératif catégorique de Kant que du profond plaisir à se sentir vivre pleinement .

par Philippe Le Corroller - le 20 avril, 2017


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