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De l’utopie républicaine rétrospective

31/10/2013 | par Jérôme Grondeux | dans Politique | 6 commentaires

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Nous vivons depuis une trentaine d’années une dépression collective. Elle ne touche pas les Français dans l’ensemble de leur vie, seulement pour tout ce qui touche l’espace public. Et en particulier pour tout ce qui touche l’État, sujet sensiblissime dans notre pays qui est, il faut le rappeler, une construction politique.

Pour comprendre ce phénomène, il faut préciser le lien entre l’État et la nation en France, et se donner un peu de perspective historique.

Ce sont les Capétiens et leurs descendants qui, en agrandissant incessamment le domaine royal, ont forgé l’espace national, et ont conduit à cohabiter des peuples d’aires culturelles et linguistiques très différentes. Nous en gardons une extraordinaire diversité, qui se reflète jusque dans la gastronomie ; et aussi (il suffit pour cela de nous comparer aux pays scandinaves dont on est un peu trop pressé de nous faire des modèles) une tendance à l’éparpillement, à la multiplication des clivages. On a tôt fait d’y voir un vice : c’est à la faveur de ce foisonnement que la société civile française, où abondent les individualistes frondeurs, est extraordinairement libre et créatrice. Ingouvernable, souvent, désorganisée, tournant les règles les mieux établies, sans doute ; attachante, aérée, libératrice aussi.

Le roi a incarné à la fois un pouvoir protecteur et l’unité nationale. Mais la relation entre la monarchie et la nation s’est dénouée entre le règne de Louis XIV et celui de Louis XVI. Alors même que la Révolution ne vise encore qu’à édifier une monarchie constitutionnelle, la fête de la Fédération du 14 juillet 1790 est édifiante. Le roi est spectateur de l’unité nationale représentée par les Fédérés venant de toutes les provinces françaises. Les pièces de monnaie de l’époque portent en devise « La nation – la loi – le roi » : on ne saurait mieux montrer que le roi n’est plus le garant ni l’incarnation de l’unité nationale.

La monarchie a cependant lancé la construction d’un véritable État, et ses successeurs en héritent. En même temps que Napoléon est le premier de ces hommes providentiels qui sont les bénéficiaires temporaires de l’inconscient monarchique des Français, il s’attache à reconstruire et réorganiser l’État. Intuitif, ô combien, il a saisi que l’État est au fond, la seule expression concrète durable de la souveraineté nationale, et qu’il a recueilli l’héritage affectif de la monarchie défunte. Je ne suis pas sûr qu’il y ait une « exception française », mais je pense que la singularité de notre pays vient de la tension extrême que l’on y perçoit entre  d’un côté  un État volontiers unificateur et protecteur, et de l’autre une société buissonnante, fourmillante, diverse, frondeuse et méfiante vis-à-vis de tout ce qui vient d’en haut. Tension parfois motrice, parfois équilibrante, parfois paralysante.

Le gaullisme a été une tentative de replacer au cœur de la société française un État renouvelé, capable d’orienter le destin  national, de mener une politique extérieure de grandeur et de favoriser la modernisation du pays. Succès partiel, comme tous les succès politiques. Nous vivons depuis les années 1970 une crise de l’État – crise non fatale, j’en suis persuadé – qui  est une des sources de l’actuelle perte de confiance des Français dans leur destin collectif. Une crise post-gaulliste.

Le gaullisme est un nationalisme. Or, la modernisation du pays comme le maintien de son influence nécessitaient, dans le monde d’après 1945, son ouverture économique. Charles de Gaulle n’a pas seulement accepté le traité de Rome signé un an avant son retour au pouvoir, il a voulu que le pays soit préparé, entre autre par un plan de rigueur impitoyable, à la compétition économique. L’intégration de l’économie française dans l’économie européenne, et, par-delà, dans l’économie mondiale a eu un effet à terme considérable : celui de limiter considérablement l’influence de l’État sur le développement économique. Celle-ci  n’est pas devenue nulle, elle est juste moins forte. Mais Charles de Gaulle a présidé aux destinées du pays dans une période de croissance, ce qui a conduit à surestimer les capacités de l’État à empêcher le retour de la crise économique. Quelques années plus tard, avec la crise de 1974, les limites de ses possibilités d’action allaient devenir plus évidentes.

L’action modernisatrice de l’État a reposé, dès la quatrième République, sur un milieu de hauts fonctionnaires munis d’une forte éthique du service public ; beaucoup d’entre eux étaient issus du socialisme des années 1930 ou des mouvements de jeunesse catholique ; ils se sentaient investis d’une mission. Théoriquement, la fondation de l’ENA, en 1945, devait fournir à l’État des élites méritocratiques tendant à pérenniser ce modèle. Il n’en a rien été ; par le biais de l’ENA, de très bons hauts fonctionnaires ont certes été formés, mais le monde de la haute administration a colonisé via les cabinets ministériels la vie politique et les grandes entreprises, et n’y a pas beaucoup gagné sur le plan déontologique. Nous vivons largement dans une République dirigée par de bons élèves, dont l’originalité d’esprit n’est pas le trait dominant. On ne demande pas à un haut fonctionnaire d’être imaginatif ; nous avons confiés le pouvoir politique et une part du pouvoir économique à des hommes sélectionnés et formés pour être des hauts fonctionnaires. Nous le payons depuis 40 ans.

Alors qu’il perdait son autonomie par en haut, en se fondant dans des élites issus des « grands corps », l’État voyait son initiative réduite par en bas. La syndicalisation des fonctionnaires et l’évolution de ce syndicalisme ont installé la fronde caractéristique de la société civile au cœur même des serviteurs de l’intérêt général, et contribué à ce que la défense du service public s’identifie avec la défense des intérêts des fonctionnaires.

Les deux phénomènes ont rendu la réforme de l’État extrêmement complexe : imaginée par des hauts fonctionnaires peu capables d’initiative et peu enclins à la simplification d’un maquis qu’ils ont mis du temps à connaître et dont la connaissance même est une des sources de leur autorité, elle est facilement contestée par des personnels représentés par des organisations visant à accroître le nombre de salariés et le budget global de chaque secteur.  Ainsi, l’État modernisateur est devenu un État à moderniser – la société civile est désormais plus moderne que lui.

D’autre part, l’État est désormais confronté à deux évolutions : il doit gérer par en haut ses rapports avec l’Union Européenne, et par en bas ses rapports avec les collectivités locales fortifiées par la loi de décentralisation de 1982. Disons-le tout de suite : ces deux évolutions nous semblent à la fois nécessaires et positives. Mais force est de constater que sa marge de manœuvre est plus réduite, et qua sa faculté d’adaptation est mise à rude épreuve ; il n’est dépourvu d’influence ni sur l’Europe, qui reste en grande partie confédérale (et construite, comme l’actuel gouvernement l’a oublié dans un premier temps, sur l’axe franco-allemand), ni sur les collectivités locales qu’il finance en grande partie, mais l’harmonisation de tout cela nécessite des efforts supplémentaires.

La réforme de l’État, précédée d’un inventaire scrupuleux et même prudent de ce qui marche et de ce qui ne marche pas, au-delà des « refondations » d’opérette, devrait être, à mon sens, le souci dominant de tous ceux qui considèrent que le marché ne peut à lui seul garantir la solidarité sociale, et que le destin national a encore un sens.

Il n’en est rien. Depuis les années 1980, une célébration du « modèle républicain » se développe bien, qui met en avant le rôle de l’État dépositaire de l’intérêt général. Mais cette célébration est terriblement abstraite, désincarnée et, plus encore que conservatrice, réactionnaire. Elle ne tourne pas à réformer l’outil indispensable de l’action politique.

Abstraite : on nous a inventé de toute pièce un âge d’or de la République, où tous les citoyens communaient dans le culte du 14 juillet et des trois couleurs, où ils étaient tous parfaitement unis dans l’observation de la loi expression  de la volonté générale, où la conscription corrigeait les différences et les conflits des classes sociales, où la laïcité était l’objet d’un consensus unanime, âge d’or que l’on place approximativement avant 1914, avec l’idée qu’alors les Français étaient unis. On a considéré, en somme que le projet républicain avait été parfaitement réalisé. Exit les monarchistes, les catholiques militants, les révolutionnaires, les régionalistes, oubliés les chausse-trappes multipliés sous les pieds de Gambetta et Ferry, comme les étroitesses du petit père Combes… tout était bien en ce temps-là.

Désincarnée : nos néo-républicains sont jacobins, et violemment antilibéraux. Pour eux comme pour beaucoup, le libéralisme est le nom de tout ce qui leur déplaît dans la réalité contemporaine. Oubliées, toutes les transactions des républicains avec la société de leur temps, tous les compromis de fait passés avec la réalité économique, avec la réalité religieuse (le maintien pour l’essentiel de la liberté scolaire, par exemple), les débats passionnés sur la liberté d’association et sur le scrutin proportionnel. Oublié tout ce qui fait, au fond, la grandeur du projet républicain : une quête incessante d’équilibre entre le projet proprement républicain (fonder une communauté nationale solidaire autour des principes de 1789) et l’héritage du libéralisme du XIXe siècle (le respect du pluralisme et de l’autonomie de la société civile). Oublié le pragmatisme qui a rendu acceptable à une majorité de Français une République qui avait compris qu’elle ne s’identifiait qu’en partie avec la réalité nationale et avait su mettre de l’eau dans son vin.

Plus réactionnaire que conservatrice : comme le rappelait Raymond Aron en 1938, un «conservatisme démocratique» est nécessaire, sous forme d’attachement à un certain nombre de principes hérités, comme ceux de 1789… auquel on ajoute aujourd’hui ceux de 1946. Et le projet républicain est un de nos héritages. Mais le conservatisme se distingue de la réaction en ce qu’il est prêt à intégrer les aménagements nécessaires pour faire vivre les traditions. Or, nos néorépublicains ont à la fois une vision étroite et fondamentaliste de la tradition républicaine, qui tient toute entière dans le culte d’une souveraineté nationale absolue, ne souffrant aucun partage, aucune délégation, dans une vision de la laïcité d’autant plus absolue qu’elle n’est plus tournée prioritairement contre le catholicisme, mais contre l’Islam, et dans la haine du libéralisme, qui est au fond le refus de prendre en compte la société civile et son évolution, puisqu’on ne veut plus voir que des citoyens.

Dès lors, plus question pour eux de réformer l’État : il faudrait pour cela accepter de redéfinir ses missions, d’acter la décentralisation et l’inscription dans l’Union Européenne. Mieux vaut rechercher l’âge d’or qui s’est abimé dans les deux naufrages de 1914 et 1940. Certes, les néorépublicains sont par ailleurs fascinés par le gaullisme, ce qui pourrait les moderniser, mais ils lui font subir le même traitement qu’à la Troisième République d’avant 1914, traitement qu’il serait trop long de détailler ici.

Les souverainistes de tout acabit ont cent fois raison quand ils proclament que l’héritage conjoint du républicanisme d’avant 1914 et du gaullisme (deux héritages dont ils gomment les contradictions) est précieux. Ils ont encore raison, à mon sens, quand ils mettent en avant le cadre national comme demeurant le cadre de référence prioritaire des citoyens. Mais ils placent cet héritage, par la présentation qu’ils en font, hors de la réalité nationale actuelle, en partie décentralisée et européenne. S’ils stagnent électoralement, c’est que la République ainsi présentée, sans pragmatisme, sans confiance en l’avenir et sans volonté d’adaptation, ne peut plus être que le drapeau des mécontents. En plaçant cet héritage dans le ghetto des candidatures « antisystème », ils ont malgré eux facilité le travail de récupération du Front National.

Le succès d’opinion de Manuel Valls n’est pas construit idéologiquement, et nul ne peut encore dire s’il sera convertible en véritable ressource politique, ou même s’il pourra s’épanouir à gauche. Mais il témoigne du fait que le discours républicain, au moins affiché, reste plus qu’audible à l’intérieur des partis de gouvernement. Il y a une place pour un discours réformiste et républicainement enraciné, un discours qui essaie de concilier un rôle actif de l’État et la prise en compte des requêtes de la société contemporaine, à la croisée du libéralisme et de l’affirmation de la solidarité nationale, pour peu qu’il soit articulé et pragmatique.

 

Jérôme Grondeux

Jérôme Grondeux est un historien français, spécialiste d'histoire des idées et de l'histoire du XIXe siècle. Agrégé et docteur en histoire, il est maître de conférences à l'Université Paris-Sorbonne et enseigne à Sciences Po Paris et à l'Institut Catholique de Paris. Dernier ouvrage paru chez Payot en 2012 : Socialisme, la fin d'une histoire ?. Nous vous conseillons son excellent blog Commentaires Politiques. Suivre sur Twitter : @JrmeGrondeux

 

 

Commentaires

C’est drôle que vous parliez du rôle de l’énarchie comme élément de conservatisme (voire de réaction) de l’Etat. C’est vrai que la complexité étatique (dont les énarques sont honnêtement – il faut leur reconnaître – les seuls à la connaître en profondeur) fait qu’ils l’aiment, cette complexité ! C’est leur raison d’être, la justification de leur appartenance à un grand corps. Ils entretiennent donc la complexité de l’Etat, sa monstruosité, car elle leur permet d’exister.

Je m’intéressais il y a peu à la noblesse de la Russie impériale, et cette dernière m’a frappé dans sa ressemblance avec notre haute fonction publique, la « noblesse d’Etat » dirait Bourdieu. En effet, la noblesse russe est une noblesse de service, non une noblesse attachée à un territoire. D’aileurs, les aristocrates russes ne sont pas comte de Vladivostock, Prince d’Odessa ou Baron de je ne sais quel territoire : ils sont simplement Prince de l’Empire, Comte de l’Empire ou autres. Depuis Pierre le Grand, la noblesse correspond donc à la place que l’on occupe dans le service de l’Etat. La noblesse est médiatisée dans sa relation avec l’Empereur par l’Etat, dans une distance qui ne va cesser de croître jusqu’à la Révolution de 1917.
C’est ainsi qu’est née la bureaucratie et l’intelligenstia ! La noblesse russe (qui, sauf rares exceptions, n’était pas héréditaire)dépendait de la place que le noble occupait sur la Table des Rangs (élaborrée par Pierre le Grand), qui allait du grade d’Assesseur au grade de Conseiller spécial véritable, en passant par … celui de Conseiller d’Etat. Des grades qui ne sont pas sans rappeler explicitement ceux employés dans la Fonction publique. La Table des rangs n’est-elle pas dès lors l’équivalent de la grille de la fonction publique, ou plutôt de celle des fonctionnaires que l’on appelle « Hors cadre » et qui sont rares à ne pas être annoblis pour services rendus par la Légion d’Honneur, l’ordre du mérite, les Palmes académiques ou autres médailles aristocratiques (au sens propre du terme).

Et mieux vallait-il passer non l’ENA, mais son doublon russe : l’Académie impériale de jurisprudence dont les élèves remplissaient les bancs des Ministères et du Conseil d’Etat.

Ce sont les aristocrates russes qui ont entretenu cet Etat et qui se sont éloignés ainsi de la figure politique du tsar pour y préférer un monstre froid, l’Etat. Ce sont les aristocrates russes qui, par cette médiation, ont engendré la Révolution de 1917.

Aujourd’hui, l’Etat dans son fonctionnement technocratique, bureaucratique, servi par une noblesse de service qu’est l’énarchie et qui tire sa noblesse de la monstruosité de l’objet qu’elle sert, n’est-il pas en train de tuer la République comme l’Etat russe a tué l’Empire ?

L’intendance suivra, disait de Gaulle ou aurait dit le Tsar Pierre le Grand. Aujourd’hui, ce sont nos politiques qui suivent en trotinant ou en reculant des énarques annoblis.

par A. Terletzski - le 31 octobre, 2013


Ce parallèle est effectivement très troublant. Un autre m’était apparu en lisant le grand ouvrage de François Furet (La Révolution. De Turgot à Jules Ferry, 1770-1880, Paris, Hachette, 1989) entre les difficultés à moderniser l’Etat et l’impossibilité de la monarchie française à associer la noblesse de robe (et la noblesse dans son ensemble) aux réformes nécessaires. Tout cela n’est guère rassurant mais pour être tout à fait juste, il y a aujourd’hui plus d’éléments de stabilités qu’autrefois. Nous risquons peut-être plus le déclin relatif qu’une révolution.
Je profite de l’occasion pour vous dire mon adhésion pleine et entière à ce que vous écrivez sur ce même site sur l’Europe. C’est l’articulation nation / UE qu’il faut chercher, en partant de l’Europe telle qu’elle se fait depuis l’origine, mêlant approches confédérale et fédérale, pour édifier une construction supranationale sans disparition des nations.
Nos diagnostics convergent !

par Jérôme Grondeux - le 31 octobre, 2013


Et si on commençait par des choses simples, voire triviales ? Par exemple, changer la nature de la  » représentation nationale « , pour l’instant monopolisée par les fonctionnaires, qui n’ont pris aucun risque en se présentant à une élection puisqu’ils disposent d’un parachute : la possibilité de regagner leur corps d’origine. Pourquoi ne pas imposer – il y faudrait, sans doute, une modification de la Constitution – que tout élu renonce définitivement à ce privilège ? Ainsi aurait-on la crème de la crème des énarques au Parlement : ceux prêts à prendre un vrai risque. Remontons même en aval : ne faudrait-il pas imposer que tout candidat à une élection nationale ait passé au moins un an en entreprise, à l’étranger de préférence ? Et tant qu’à faire de rêver, ne devrait-on pas s’interdire d’avoir des gouvernants qui sont de paisibles rentiers , ayant investi tout leur patrimoine dans la pierre et pas un sou dans un portefeuille d’actions ?  » Ma parole, mais vous voudriez, en somme, que la classe politique représente le pays réel ! « . Je sais, je délire…

par Philippe Le Corroller - le 3 novembre, 2013


Le problème c’est qu’il faudrait dans ce cas là (pour les fonctionnaires) réfléchir sur ce qu’on prévoit pour les députés battus qui sont légion dans notre pays d’alternances rapides. Et je ne crois pas qu’une réforme de ce type pousserait mécaniquement plus de gens issus du monde de l’entreprise à aller vers la politique. Ce serait bien qu’il y ait plus de politiques ayant l’expérience de l’entreprise, mais elle n’est pas la seule qui ancre dans le réel ! Je suis toujours sceptique enfin sur le « pays réel », dont la géométrie varie trop pour moi selon les courants politiques. Je ne crains pas, moi-même fonctionnaire, les fonctionnaires élus, car encore faut-il être élu, je crains la fusion des élites, celles de l’Etat, de l’entreprise et la confusion de la politique et de la haute fonction publique.

par Jérôme Grondeux - le 6 novembre, 2013


Pas de malentendu : il serait évidemment stupide de nier que nombre de hauts fonctionnaires et d’élus sont compétents et animés du souci de l’intérêt général. Le problème, c’est leur origine quasi-unique : la Fonction publique. Elle amène un fonctionnement  » entre soi « , un esprit de caste, qui pousse la classe politique à l’arrogance des  » sachants « . Et, en matière économique, domaine qu’elle connaît mal – quand elle ne vit pas sur des dogmes éculés – à ignorer l’avis de ceux qui la pratiquent pourtant tous les jours dans l’entreprise. Permettez-moi trois exemples:
– Toutes les études sérieuses et non partisanes le reconnaissent : le décrochage de la France en matière de compétitivité commence au début des années 2000, avec la mise en oeuvre des 35 heures. Il faut voir avec quel mépris les services de Martine Aubry accueillirent le patronat, qui tentait d’expliquer les drames que cette mesure allait entrainer ! Aujourd’hui encore, lorsque le banquier – pourtant de gauche – Jean Peyrelevade la qualifie de  » véritable crime contre l’économie « , il passe pour un traitre dans son camp . Et il se trouve même des élus pour réclamer…32 heures.
– Le rapport Gallois préconisait une baisse drastique des charges sociales pesant sur les salaires, afin, notamment, de réduire l’écart entre nos coûts de production et les coûts allemands. Le gouvernement a opté pour le Crédit d’impôt pour la compétitivité. Le Medef, la Cgpme, l’ensemble des chefs d’entreprise ont eu beau expliquer que cette usine à gaz serait beaucoup moins intéressante qu’un abaissement des charges, rien n’y a fait.
– Taxer l’ Excédent brut d’ exploitation, c’est-à dire taxer ce qui permet d’investir pour innover, voilà la mesure absurde que Bercy avait inventée il y a quelques semaines, avant qu’un tollé général l’oblige à faire piteusement marche arrière. Seuls des énarques, n’ayant jamais les pieds dans une entreprise et dont le salaire ne dépend pas d’un chiffre d’affaires, ont pu souffler une telle ânerie à leur ministre !
Alors, permettez-moi d’insister : oui, il est tragique que les forces vives du pays réel ne soient pas mieux représentées par la classe politique. Oui, il est temps de s’attaquer à une authentique réforme de cet appareil étatique abracadabrantesque !

par Philippe Le Corroller - le 7 novembre, 2013


Là-dessus, je ne suis pas du tout en désaccord avec vous. Je crois aussi que la composition des cabinets ministériels est très révélatrice de ce point de vue.

par Jérôme Grondeux - le 10 novembre, 2013



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