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L’Europe et la dictature

14/07/2015 | par Laurence Vanin | dans Politique | 5 commentaires

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Sommes-nous revenus à l’ère de la dictature ? Il est surprenant de constater que c’est un gouvernement socialiste qui use et abuse de l’article 49.3 afin de faire passer en son pays et en force des lois dont personne ne veut.

D’un pays à l’Europe, il n’y a qu’un pas … celui qui perpétue les méthodes et qui témoigne aujourd’hui de l’anesthésie générale des peuples qui, désabusés, ne se sentent même plus l’âme d’une révolution.

Difficile aussi de croire à la domination allemande sur la France, mais à voir la position de notre dirigeant dans l’affaire grecque, tout le laisse penser. Ainsi, dans le couple franco-allemand, il ne fait plus aucun doute quant à « celui » qui porte le pantalon… Comment un gouvernement socialiste peut-il intercéder dans les choix du peuple grec qui se refuse à l’austérité, un peuple à bout de souffle qui a dit « non » ! François Hollande croit-il, en s’interposant entre l’Allemagne et la Grèce, passer ainsi pour le prince de la diplomatie ?

La Grèce dont l’Etat est en faillite depuis 2010 et qui, depuis la crise de 2012, se voit dans la surenchère de l’endettement. Et à qui l’on vient « de proposer de proposer » un nouveau plan d’austérité sur 30 ans (Athéna doit verser une larme sur le Mont Olympe) pour ensuite faire la fine bouche pour l’accepter. Honneur oblige, histoire de simuler une sanction à l’égard de l’insolence grecque qui a osé solliciter son peuple face aux grands nantis de cette Europe des financiers/créanciers.

Un plan, qui s’il est accepté sera finalement financé par les autres Etats membres dont la France et les Français.

L’austérité, les passages en force (et les exemples ne manquent pas) malgré les référendums négatifs, voilà sur quoi se bâtit l’Europe, et ce depuis sa mise en place !

La crise économique grecque révèle donc le mauvais visage de cette Europe de la finance qui piétine les peuples, les affame ou les renvoie à la pauvreté, révélant ainsi les luttes des classes abâtardies et les relents d’un vieux marxisme.

Les grecs ont du s’éveiller avec la nausée des lendemains de soir de fête, avec la « gueule de bois » … Non seulement le « non » n’aura servi qu’à faire valoir momentanément la parole de Tsipras. Un « non » qui vient non seulement d’être méprisé mais aussi instrumentalisé et détourné de sa signification première. Un « non » qui aurait dû résonner comme un claquement de porte. Retentissant comme une sortie souhaitée d’un système qui ne fournit pas ses preuves mais qui chaque jour opprime davantage les peuples des pays membres de l’Union qui subissent une flambée des impôts et des taxes. Les classes pauvres sont étouffées, les classes moyennes s’asphyxient jour après jour et rejoignent progressivement la classe des pauvres. L’Europe vient de rétablir cette scission déjà connue du temps de Germinal … la division entre le bourgeois, technocrate, créancier et le prolétariat !

« C’est la lutte finale » … tralalalala … et de penser que le peuple se rebelle contre les « bourgeois » comme si l’on revisitait une lutte des classes. Alors que nous vivons déjà dans un totalitarisme exacerbé, parallèlement à une montée en puissance des intégrismes. Un totalitarisme qui rappelle celui des idées noires qui avait associé au marxisme – où l’homme n’était réduit qu’à une plus-value au service du capital – les idéaux ignominieux du racisme imposés à l’époque par le régime hitlérien.

La dictature est donc de retour… Avant, elle était l’œuvre d’un seul sur tous (un Souverain sur un peuple), maintenant elle est le fruit d’une combinatoire diplomatique dans laquelle certains politiques se réjouissent de faire avancer ou de bloquer des « négociations », en alimentant les peurs, au détriment des peuples. Mais lorsque les peuples n’auront plus rien à perdre et que les classes moyennes seront pauvres à leur tour, l’Europe risque d’imploser… à défaut d’une guerre… les coups d’Etats pourraient se généraliser et accélérer des « sorties » multiples d’Etats Européens qui auront senti la faille.

L’espoir qu’avait fait naître le « non » grec laissait présager d’une possible sortie de l’impasse et marquait ainsi un tournant dans la mise en place de cette politique caduque menée par l’UE : le retour de la démocratie.
Mais la réalité est toute autre, certains se refusent à laisser partir la Grèce car ils ne veulent pas être désavoués publiquement. Le compromis aurait l’air d’une compromission : si la Grèce avait claqué la porte à l’Europe, l’échec de la politique économique européenne aurait éclaté au grand jour ! Et de cela les principaux dirigeants concernés, si accrochés à leurs postes et leur petits privilèges n’en veulent pas. Surtout si par la suite la Grèce venait à s’en sortir sans la zone euro… Elle montrerait le « mauvais » exemple. Les retournements de situation risquent aussi de viser à limiter la souveraineté grecque avec une mise sous-tutelle et un assujettissement de la souveraineté grecque à l’UE. Ce serait la dernière estocade portée au dirigeant grec pour le « punir de son refus d’allégeance » !

Plus grave encore cela viendrait contrarier l’égalité des souverainetés impliquées dans la gouvernance multilevel imposée par la structure de l’UE et sonnerait l’heure de la division : l’aveu de la suprématie de certaines souverainetés sur d’autres ou le « triomphe des alliances » au sein même des Etats membres.

Il s’agit de voir maintenant si le couple franco-allemand pourra résister face aux arguments des chefs d’Etats réfractaires … ou si, tout simplement, le couple improbable va rester solidaire. Le politique va-t-il l’emporter sur l’économique ? La France va-t-elle s’affranchir de la « domination » allemande ? Les intégrismes montant au cœur de cette Europe vont-ils être dynamisés par des politiques reçues ou perçues comme des provocations ou des régressions ?

Oui, la crise est politique et nous sentons vrombir comme l’âme d’une révolution … Car les peuples de leur côté réprouvent les politiques et détestent économiquement l’austérité imposée en soit disant gage de « paix » ou comme promesse d’une future prospérité. D’autant que partout les conflits ne cessent de s’intensifier ou de se multiplier ! Si aujourd’hui les grandes puissances se défient, à la différence des deux guerres mondiales, elles le font sur d’autres sols que l’Europe … Mais ne soyons pas dupes, ce sont les mêmes forces qui s’affrontent. Les mêmes dirigeants qui s’imposent, les mêmes enjeux « économiques » qui se sont délocalisés.

Et pendant ce temps-là, la mondialisation avance et partout les guerres de religions sévissent …

 

Laurence Vanin

Docteur en philosophie et en épistémologie, essayiste, Laurence Vanin enseigne à l'Université de Toulon, où elle est directrice pédagogique de l'Université du Temps libre, et est membre du groupe de recherche supérieur en Droit constitutionnel européen à l’Université autonome de Barcelone. Elle dirige la collection De Lege Feranda chez E.M.E Intercommunication (avec D. Rémy) et la collection Label-Idées aux éditions Ovadia. Elle vient de publier Leibniz et Hobbes : Réflexions sur la justice et la souveraineté aux éditions Ovadia.

 

 

Commentaires

Dictature, oui ! Le peuple Grec dit non, mais les politiques sont sourds ! Ils sont tellement certains de détenir la Vérité ! Qu’on ne me parle plus de démocratie ! Le peuple souverain est mort et enterré par tous ces technocrates qui ne produisent rien mais nous coûtent un maximum . Merci Laurence Vanin d’écrire ce que nous sommes nombreux à penser . Ce n’est pas une larme que doit verser Athéna sur le Mont Olympe ; elle doit pleurer à gros sanglots .

par Yvette - le 14 juillet, 2015


Je m’accorde à l’ensemble et déplore la spoliation de la souveraineté du peuple grecs, et des autres… Cependant, le terme « totalitarisme » me semble être un abus. Car, s’il est vrai que l’économique et la finance dirigent davantage que le politique, il n’en demeure pas moins que le totalitarisme est avant tout un Etat, dont la politique est liberticide, etc. Alors une forme de dictature aux mains des créanciers, peut-être, surtout si les chefs d’Etat en sont les esclaves. Mais un totalitarisme politique, non. Ou alors il serait latent parce que l’argent (surtout le crédit, clé de l’endettement) est roi ; or, cela reste à définir politiquement me semble-t-il… Les technocrates ne font-ils pas de la gestion plutôt que de la politique ?

par Alexandre Panetto - le 14 juillet, 2015


Merci pour votre article ! Votre analyse est comme toujours aussi pertinente et je suis heureuse de constater votre retour sur i-philo. Je pense que le totalitarisme auquel vous faites référence est celui de Arendt ! C’est pourquoi je vous donne entièrement raison ! « Le totalitarisme diffère par essence des autres formes d’oppression politique […]. Le régime totalitaire transforme toujours les classes en masses, substitue au système des partis, non pas des dictatures à part unique, mais un mouvement de masse, déplace le centre du pouvoir de l’armée à la police, et met en oeuvre une politique étrangère visant ouvertement à la domination du monde. » Le système totalitaire. Arendt.
Au plaisir de vous lire à nouveau !

par liliane - le 15 juillet, 2015


Hélas , je me sens pour l’essentiel en accord avec Laurence Vanin-Verna: la dictature idéologique , économique et politique ( mais sans le versant policier qui caractérise classiquement une dictature) que l’union Européenne exerce sur les peules d’Europe – au premier rang desquels les Grecs – est inacceptable et achève de montrer qu’elle ne vise ni à la démocratie , ni à la prospérité pour tous , mais à l’application stricte des diktats du libéralisme et de la finance.

Ce nouvel affront fait au peuple grec, dix ans après celui fait aux peuples français et néerlandais, appelle à la fronde. Les peuples veulent l’Europe, pas de l’UE pilotée par Bruxelles.

Merci pourcet article. En solidarité avec l’OXI du peuple grec.

DGL

par guillon-Legeay Daniel - le 17 juillet, 2015


Tout a fait le genre d’idee que je me fesait a propos de ce sujet, merci grandement pour cette excellent billet.

par methodeargent.net - le 16 mars, 2016



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