Métaphysique quantique
Notre monde est quantique. Si d’un coup d’interrupteur magique, un malin démon, fut-il de Laplace, de Maxwell ou de midi, s’avisait de passer sur off ceux des objets autour de nous dont la conception repose sur la théorie des quantas, on entendrait un immense juron de Shangai à San Francisco et de Capetown à Saint Petersbourg. Ordinateurs en berne, cartes de crédit sans crédit, smartphones muets, écrans de tv plus mornes qu’un bassin de rétention.. finie la manne quantique ! Ce serait le grand shut-down de la microélectronique et de la photonique ; d’un coup, d’un seul, nous serions renvoyés sinon aux calendes victoriennes, du moins aux années swing et aux postes à galènes.
L’affaire est entendue, nous sommes environnés de machines quantiques (entre 5 et 10% du PIB des pays industrialisés) et c’est un joli paradoxe puisque ces machines que nous avons en poche sont issues d’un étrange corpus scientifique dont les objets ultimes sont d’abstraites entités mathématiques, en gros des bosons et fermions, triturés dans des espaces de Fock par des opérateurs d’annihilation-création. Et lesdits objets ultimes ont des propriétés insolites, comme la non-localité – deux systèmes sont intriqués de telle sorte qu’une action sur l’un entraine une action sur l’autre même s’ils sont séparés par des années lumière –, voire l’intemporalité – c’est-à-dire l’appartenance à un réel qui n’est pas plus localisable dans le temps que dans l’espace !
En résumé, ils montrent des propriétés déroutantes dont la moindre n’est pas qu’ils reposent fondamentalement sur l’imprévisibilité de toute mesure quantique, autrement dit sur une vision indéterministe du monde (même si l’on retrouve un déterminisme statistique, et c’est heureux, au niveau macroscopique). Cet indéterminisme de fond a-t-il une incidence sur notre manière d’appréhender le monde aussi bien dans sa composante spatiale que temporelle ?
La plupart d’entre nous employons nos smartphones sans comprendre (ni même souhaiter comprendre) la physique des semiconducteurs et les secrets de l’équation de Schrödinger. Au même titre que les nantis de la Belle époque utilisaient leurs téléphones en n’ayant pas la moindre idée de la (fort difficile) théorie du champ électromagnétique de Maxwell. Et pourtant, il y a tout de même quelque chose qui percole à travers l’opacité des équations et des concepts et finit par irriguer notre perception du monde. On sait, en effet, qu’une théorie scientifique ne se réduit pas à un formalisme mathématique mais dépend également de l’ontologie qu’elle postule, c’est-à-dire de la façon qui est la sienne de décrire le réel physique et rendre compte d‘une expérience. Dans le monde de Newton, les pommes tombent de haut en bas et la Lune chute en permanence vers la Terre sous l’effet d’une action à distance instantanée, qui résulte de la force de gravitation. De l’œuvre de Newton, et de cette force en particulier, a surgi la mécanique classique, ses poids et ses masses, ses attractions et ses répulsions ; et avec elle, l’univers mental et le creuset culturel où sont venus se fondre équations, expériences et gadgets qui ont fait le lit de la révolution industrielle et des temps modernes. Avec à la clef la vision déterministe d’un monde dans lequel le progrès des sciences et des techniques précédaient à peine le progrès moral.
Les étrangetés ontologiques de la mécanique quantique pourraient-elles rester sans effet sur notre conception du monde et du futur ? L’évangile souterrain que psalmodient nos indispensables extensions électroniques pourrait-il avoir moins d’effet que celui chuchoté par les mécaniques newtoniennes aux oreilles des contemporains de Jules Vernes ?
Il est vrai que la situation d’aujourd’hui n’est pas symétrique ou plutôt qu’elle n’est pas la répétition de la précédente : pour ne prendre que cet exemple, l’essor de l’industrialisation à partir des années 1780, avait le visage familier de la machine à vapeur. Cela faisait si longtemps que l’on connaissait les marmites ! Alors que s’il fallait donner un visage à l’essor de l’informatique après guerre (conséquence directe de la première révolution quantique), il serait, semblable au Colossus de Bletchley Park, invisible et énigmatique sous son masque couturé de fils et de lampes.
Et que dire de la seconde révolution quantique, celle que nous vivons hic et nunc. Pensez qu’il y a quelques mois on annonçait un nouveau record de téléportation quantique, 143 kilomètres entre Ténérife et La Palma, pour un phénomène qui repose sur le fait que, dans certains cas, deux « particules » (dans ce cas des photons) peuvent n’en faire qu’une, même lorsqu’elles sont séparées de dizaines ou de centaines de kilomètres (on n’a pas encore fait des expériences sur des milliers de kilomètres, mais en théorie il n’y a pas de limite). On dit alors qu’elles sont « intriquées ». Et une paire de particules intriquées peut servir à « téléporter » une troisième particule : en faisant interagir cette troisième particule avec une des particules de la paire, on transfère instantanément sa « structure » (ses propriétés quantiques) à l’autre particule de la paire, qui apparaît alors comme identique à la troisième particule en question.
C’est de ce type d’expériences où se mêlent intrication et téléportation que surgit la notion de « non-localité » de l’univers, comme si l’information pouvait être transmise d’une particule à une autre en passant par… nulle part. Comme l’écrit le physicien suisse Nicolas Gisin: « Pour le dire de façon crue : ces corrélations non locales semblent, en quelque sorte, surgir de l’extérieur de l’espace-temps ! ».
Nul ne sait encore à quoi serviront essentiellement ces phénomènes. On a parlé d’ordinateur quantique, on commence à parler d’internet non local. Mais l’impact principal, actuellement, est d’abord métaphysique. Pouvoir court-circuiter l’espace-temps remet en cause nos conceptions aussi bien physiques que philosophiques. Ce que cela induira dans notre culture reste encore à établir mais on ne court guère de risque à affirmer qu’elle en sera bouleversée.
Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod ont écrit Le Cantique des Quantiques : le monde existe-t-il ? (La Découverte, 1984) et Métaphysique quantique : les nouveaux mystères de l'espace et du temps (la Découverte, 2012). Sven Ortoli est un journaliste et écrivain français. Docteur en physique des solides, fondateur de Science&Vie Junior et Science&Vie Découvertes, il est journaliste à Philosophie Magazine, conseiller de la rédaction et rédacteur en chef des Hors-Séries. Il a reçu le prix de vulgarisation de l'Académie des Sciences en 1996 pour Science&Vie Junior. Nous vous conseillons notamment ses livres La Baignoire d'Archimède : petite mythologie de la science (avec Nicolas Witkowski, Seuil, 1996) et Manuel de survie dans les dîners en ville (avec Michel Eltchaninoff, Seuil, 2007). Jean-Pierre Pharabod, ingénieur des télécommunications, a travaillé trente ans au Laboratoire de physique nucléaire des hautes énergies de l'École polytechnique. Il est notamment l'auteur de Le rêve des physiciens (avec Bernard Pire, Odile Jacob, 1993) et AVNI, les armes volantes non identifiées (Odile Jacob, 2000).
Commentaires
Mais non!
Cela ne court-circuite pas l’espace temps. Cela l’explique, le démontre… Il suffit de lire la « théorie de l’intrication » mais j’ai l’impression que certains l’ont déjà lue. Posez une intrication totale de l’Univers et vous aurez la bonne surprise de retrouver les variables cachées de la relativité.
Transmettez moi vos coordonnées par mail et je vous envoie la démonstration… L’originale
par christophe nicolas - le 14 novembre, 2012
Théorie n’est pas savoir.
par hubert - le 18 mai, 2013
Une question me vient toujours à l’esprit lorsque j’entend parler d’indéterminisme à propos de la physique quantique. A t’on affaire à une absence totale de causalité nécessaire ou ce que nous appelons indéterminisme résulte-t’il de notre incapacité à saisir tous les facteurs qui interagissent les uns sur les autres dans la production de phénomènes très complexes?
Doit-on considérer que la physique quantique remet en question la notion même de causalité nécessaire ? ou nous invite-t’elle à penser cette causalité d’une autre manière?
par Eric Delassus - le 22 juillet, 2013
La cause de tout ceci est holoraphique, multidimentionnel, hors espace et hors temps, éternelle et infinie; elle doit être parfaitement absolue, elle est Dieu.
par Philippe - le 1 septembre, 2013
Pourquoi voit-on dieu partout? Même dans les discussions où dieu n’est pas mentionné. La physique quantique comme toute théorie n’est qu’une tentative d’expliquer le monde physique qui nous entoure, bien que ses implications mette en déroute toutes les croyances religieuses. Si j’étais croyant je ne m’y frotterai pas, car plus que la philosophie elle porte les germes de la destruction de l’idée de Dieu.
par Mounir Ennabli - le 16 septembre, 2013
En réponse à la question de savoir si c’est notre incapacité de saisir et comprendre tout les paramètres qui déterminent l’issue d’une expérience physique la réponse est que notre expérience de la réalité nous l’handicape intégralement. Nous nous trouvons physiquement dans une échelle qui limite notre expérience du monde physique. Notre seule expérience du monde est cognitive et conceptuelle.
par Mounir Ennabli - le 16 septembre, 2013
La science cherche à rendre le monde intelligible, c’est-à dire à le faire coïncider avec nos catégories. Mais ces catégories elles-mêmes ne seraient, comme le disait Nietszche d’une autre manière, que le fruit de l’évolution: ce que notre esprit peut concevoir n’est finalement qu’une extension (une extrapolation) des perceptions qui ont été nécessaires à notre survie au long de notre genèse – alors que c’était théoriquement possible, nous ne communiquons pas par ondes radio, ça n’a jamais été nécessaire et aucune mutation opportune n’est apparue. Nous avons jusqu’à présent réussi tant bien que mal à modéliser les phénomènes physiques; mais ceux que nous n’avons pas encore expliqués sont de plus en plus difficiles à faire entrer dans nos moules conceptuels; c’est la rançon de la loi des rendements décroissants. La mécanique quantique a été le lieu des premiers de ces chocs entre la réalité du monde et notre capacité à l’appréhender. Il se pourrait que nous soyons à nouveau en présence de nuages tels que ceux qui obscurcissaient le ciel de la physique de Lord Rayleigh. Mais il est aussi possible que nous soyons en train d’atteindre la limite des possibilités de nos catégories, et que nous ne puissions pas plus les dépasser que l’huître ne peut imaginer le spectre des couleurs.
par José Diaz - le 1 décembre, 2013
Le question de déterminisme nous taraude l’esprit continuellement, ce qui est très humain et nous a poussé à créer Dieu et voir le divin dans tout les phénomènes naturelles. Mais ce que la théorie de la physique quantique postule c’est que l’incertitude du résultat de l’issue d’une expérience est inhérente, et même ‘immanente’ à tout système physique. Ce n’est pas une question de limite de nos capacités intellectuelles à appréhender le monde mais c’est une propriété fondamentale à tout système physique, à laquelle la nature n’échappe pas. L’incertitude du résultat d’une expérience est un obstacle infranchissable que même dieu ne peut dépasser, c’est ce que dit la théorie. Tout le reste n’est que discussion philosophique.
par Ennabli - le 9 juin, 2014
LA SCIENCE…VOUS AVEZ DIT….LA SCIENCE..?MAIS OUVREZ LES YEUX..VOS SCIENTIFIQUES DU MONDE ENTIER…ET LES SCIENTIFIQUES DU CNRS.?SON INCAPABLE DE MAITRISER L’APESANTEUR ET ENCORE MOINS L’ANTI–GRAVITE…??NOUS SOMMES EN 2014…PLUS EN 1900.?AURAIS DIT….EINSTEIN.ALBERT..ET… TESLA.NKOLAS..?VOS SCIENTIFIQUES DU MONDE ENTIER ET CEUX DE LA FRANCE…EN PARTICULIER….NE MAITRISE PAS LE NUCLEAIRE..ET LES DECHETS MÉNAGER.?..EN 2014…QUELLE EVOLUTION..QUEL PROGRES..LES ETUDES NE SON TOUJOURS PAS GRATUITE ET LES LOGEMENTS POUR LES ETUDIANTS FAUT ETRE PISTONNER…..POUR EN AVOIR..VOILA VOTRE FRANCE DEMOCRATIQUES.?DE TOUS SES ENARQUES TECHNOCRATES MAFIEUX POURRIS…UMP…PS..LA SOIT DISANTE ELITE DE LA FRANCE..?INCAPABLE DE DEFENDRE LES INTERETS FINANCIER DE LA FRANCE…ET DES FRANÇAIS..?MAIS LES EX..MINISTRES COMME LE COPÉ.JF.///….OU LE FABIUS.LAURENT…DEFENDE TRES BIEN LEURS INTERETS FINANCIER PERSONNEL.? PERSONNEL..??..VOIR LEURS PATRIMOINE..SUR LE NET..VOUS SERREZ SURPRIS DE VOIR LES INFOS QUI CI TROUVE..?COMME POUR LE PROJET HAARP…MANIPULATION DU CLIMAT..CONTROLE DU CLIMAT…PAR LES AMERICAINS..EXEMPLE EN 1999..EN FRANCE..ET LES TORNADES AU USA..?POURQUOI PERSONNE NE DENONCE CELA….?LES GENS ONT IL PEUR DES AMERICAINS….?.;QUE FAIT LE SIMPLET IDIOT..DE OLIVIER.BESANCENOT…POUR DENONCER CELA..A QUOI PEUT SERVIR OLIVIER.BESANCENOT EN 2014…IL NE DENONCE JAMAIS RIEN…?ET OUBLI DE DIRE QUE ..//…MARX…ET MORT DANS LA MISERE….?….BONNE JOURNEE….//?
par MONTAUK - le 13 août, 2014
ce qui m’intéresse, en particulier, c’est l’avance des mathématiques sur la physique
par michel - le 24 août, 2017
onjour.
La question du solipsisme peut elle faire l’objet d’étude sur votre site ou à travers d’autres contacts que vous connaitriez?
Notamment, j’ai breveté l’idée d’utiliser les super- ordinateurs (a algorithme éventuellement ) dotés de l’intelligence artificielle pour réfuter ce concept.
Le même outil pour démontrer l’a question no1;
La vie éternelle vaut elle la peine d’être vécue?
Une 3eme plus consensuelle;
la preuve rationnelle et communicative pour tous de l’existence de Dieu.
Si vous souhaitez Examiner ces idées avec moi?
La mort un jour nous mettrai devant le fait accompli que celles ci auraient pu être abordées avant que ‘enveloppe charnelle nous permette de dépasser cette éprouvante recherche.
Bien cordialement.
Joël Marlet
par Marlet - le 14 novembre, 2017
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par iPhilo » «Dessine-moi un chat de Schrödinger» - le 25 janvier, 2020
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par iPhilo » L’Univers existe-t-il ? - le 20 mars, 2021
Bonjour,
Et nous, êtres humains : avec qui ou quoi sommes-nous intriqués ?
par philo'ofser - le 2 octobre, 2021
Bonjour,
Quand le réel n’est plus localisable ni dans le temps ni dans l’espace, peut-on s’exprimer en termes de cause à effet ?
par philo'ofser - le 26 janvier, 2024
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