ANALYSE : "Si vis pacem para bellum", dit le dicton latin. Tout semble donner raison à ceux qui mettaient en garde contre la menace russe. En face, les "réalistes", qui plaidaient pour un rapprochement avec la Russie, semblent être aujourd'hui du mauvais côté de l'histoire. Il ne s’agissait pourtant pas de valider les choix du Kremlin, mais de faire assaut de prudence car, à trop préparer la guerre, celle-ci éclate nécessairement, par un terrible jeu de miroirs qui fait que chacun voit luire dans le regard de l’autre l’éclat guerrier redouté.
Le peuple contre les nations : le rêve impérial de Poutine
ANALYSE : Nous sommes tous les jours surpris par les nouvelles initiatives de Vladimir Poutine et de son armée. D’autant plus qu’elles semblent incohérentes. Pourtant son dessein ne varie pas : «rendre» à l’Ukraine son destin de composant inséparable du peuple russe. La prétention des Ukrainiens à former et demeurer une nation fait d’eux, pour les Russes, des banderistes ultranationalistes. Le philosophe et l'historien analyse cette opposition entre peuple (qui «justifie» l’invasion et la destruction) et nation (qui unit les Ukrainiens au-delà de leur convictions politiques et religieuses).
L’Armée et les armes nucléaires
LES BONNES FEUILLES : Le livre de Michel Juffé et Vincent Simon veut déméler les fils d’une longue histoire qu’on ne peut réduire à une invasion des bons Ukrainiens par les mauvais Russes. L’Ukraine a longtemps cherché une alliance avec son grand frère, qui ne lui a offert, de Pierre le Grand à Vladimir Poutine, qu’un statut de vassal. La question de la dévolution des armes nucléaires est l’emblème majeur de cette discordance, qui devient paroxystique, au détriment des habitants de l‘Ukraine. En conclusion les auteurs, qui évitent tout pronostic, plaident pour une indépendance accomplie par le biais d’une citoyenneté à la fois supranationale et post-impériale.
«Je chanterai Gaïa» : la nouvelle vague écologiste
BONNES FEUILLES : Nous publions avec plaisir un extrait de 'Planète en ébullition' (éd. Ecosociété, 2022), le nouvel essai de notre chroniqueuse, qui revient notamment dans ce chapitre sur la différence, mais aussi la porosité entre écologue et écologiste. Le mythe de Gaïa repris par les écologistes aujourd'hui n'est-il justement qu'un mythe ? Ou ne dit-il pas quelque chose de plus scientifique et philosophique sur notre rapport au vivant ?
Général François Lecointre : la «spécificité» du soldat est-elle de tuer ou d’être tué ?
AUDITION - Alors que la guerre fait rage au cœur de l'Europe et que le sang coule en Ukraine, la figure du militaire revient sur le devant de la scène, et notamment le rapport si proche qu'il entretient avec la mort. De quel nature est ce lien qui donne au soldat un pouvoir exorbitant en même temps qu'il l'expose à la plus grande vulnérabilité ? Le 7 juillet 2021, le chef d'état-major des Armées, faisait ses adieux aux députés de la Commission Défense. Nous en publions la retranscription.
Vladimir Poutine, le «fou de Moscou»
BILLET : «Le pouvoir corrompt inévitablement le libre usage de la raison», disait Kant. Peut-on appliquer ce jugement à Vladimir Poutine qui a décidé d'envahir l'Ukraine. La philosophe Laurence Hansen-Löve s'interroge : est-il fou, ou est-il devenu fou ?
De la difficulté géopolitique d’aimer son prochain comme soi-même
TRIBUNE : Kant écrivait en 1795 dans son «Projet de paix perpétuelle» que «la violation du droit en un seul lieu de la terre est partout ressentie». La réalité est pourtant fort éloignée d'un sentiment moral qui rejoindrait l'universalité de la raison, note notre rédacteur en chef, qui constate que la géopolitique se fonde encore et toujours sur une règle simple : qu'on le veuille ou non, on aime sa famille davantage que ses compatriotes et ses compatriotes davantage que les étrangers.
BONNES FEUILLES : Nous avons le plaisir de publier quelques extraits du dernier essai de Jean-Marie Guéhenno. Brillant ouvrage que «Le Premier XXIème siècle. De la globalisation à l'émiettement du monde» (éd. Flammarion) dans lequel le diplomate décrit avec finesse (et philosophie !) le risque de confrontation, mais aussi et peut-être surtout de convergence de l’Occident avec la Chine.
L’Édito : «Quand la grande histoire affecte les petites»
LA LETTRE D’IPHILO #9 : Recevez chaque mois dans votre boîte «mail» une lettre écrite par notre rédaction. En plus d’une sélection d’articles – ici ceux parus en avril mais aussi certains «classiques» à (re)lire – vous pouvez découvrir «L’Édito», un court billet en lien plus ou moins étroit avec l’actualité.
La philosophie : une histoire grecque, vraiment ?
ANALYSE : Il y a bien sûr Socrate, ainsi que quelques pré-socratiques, mais est-ce tout ? Le doctorant Alban Alloix nous emmène dans un voyage en Perse et en Inde à la découverte de Zarathoustra et de Brahman dont les spéculations ne sont pas sans rappeler les théories platoniciennes.
Le camp, paradigme du 21e siècle
TRIBUNE : De l'Europe à la Chine en passant par le Moyen-Orient, les camps prolifèrent. A la lecture de Giorgio Agamben, Diane Delaurens y voit un nouveau paradigme, celui de la normalisation de l'exception, de l'indistinction entre le droit et le fait, de la distanciation entre la citoyenneté et le territoire.
Urgence écologique: et si santé et liberté étaient enfin vues comme des besoins?
TRIBUNE – Nous vivons dans l’héritage anthropocentrique des Lumières et de Kant, pour qui le droit était le système de la compatibilité des «libres-arbitres» des seules «personnes morales». Pour le philosophe Jean-Hugues Barthélémy, l’écologie exige que le droit devienne le système de la compatibilité des besoins de tous les êtres capables d’en avoir. Qu’on le […]
«Seule la violence paie» : anatomie d’un mensonge
TRIBUNE : En parcourant le monde de 2019, Laurence Hansen-Löve observe la place toujours centrale de la violence, comme si celle-ci devait éternellement l'emporter, à rebours de l'idée d'un progrès moral de l'humanité.
«Tell the truth» : pourquoi les jeunes ont raison sur le climat
TRIBUNE : Laurence Hansen-Löve soutient les jeunes qui souhaitent manifester pour le climat, le 24 mai. La philosophe rappelle que l’exigence de vérité comporte une dimension éthique. On aurait tort de stigmatiser les jeunes qui sont en réalité à la hauteur de l'«angoissante mais indéfectible responsabilité des hommes».
GRAND ENTRETIEN : Plus que jamais en colère, le philosophe des catastrophes, professeur à Stanford, consacre à l'arme nucléaire son dernier livre, chez Desclée de Brouwer. "La Guerre qui ne peut pas avoir lieu" offre une enquête métaphysique aussi exigeante que passionnée. Jean-Pierre Dupuy s’est confié à la rédaction d’iPhilo.
Le Brexit à la lumière de Carl Schmitt
ANALYSE : Le Brexit représente plus qu’un simple référendum sur la participation du Royaume-Uni à l’Union Européenne ; il marque la fin du consensus politico-économique qui entourait la construction supranationale de cette dernière fin de siècle.
Alep : quel est ton camp ?
TRIBUNE - Notre chroniqueuse était présente au rassemblement parisien en hommage aux victimes d'Alep. Dans le jugement moral que nous portons, elle en appelle à ne pas oublier la raison du cœur qui ne peut être supplantée par la raison calculatrice.
Qui a peur du grand méchant Trump ?
TRIBUNE - Et Si la victoire de Donald Trump était le miroir inversé de l’affaire Lewinsky qui secoua la présidence de Bill Clinton ? Le danger que représente Trump pour la démocratie américaine réside moins dans son programme que dans l’élan brutal qui l’a propulsé au pouvoir.
Peter Sloterdijk : « L’invraisemblance de la vie démocratique palpable aux Etats-Unis »
ARCHIVES : Alors que Trump a été élu à la Maison-Blanche, nous publions quelques extraits d'un interview accordé par le philosophe Peter Sloterdijk au magazine Le Point en 2003.
Trump : le déchaînement des passions démocratiques
TRIBUNE : Machiavel suggérait au Prince d’asseoir son pouvoir, non sur l’armée, la police ou les riches, mais sur les passions les plus communes, c’est à dire sur le peuple.
Le Brexit face aux élites : vite, il faut relire Janis !
TRIBUNE : les élites qui critiquent l'état d'esprit de fermeture du Brexit ne sont-ils pas les premiers à être un petit monde clos sur lui-même ? Analyse d'un paradoxe avec la thèse du psychosociologue Irvin Janis.
USA, Europe, Russie : monde multipolaire et démocratie souveraine
ANALYSE : avec la fin de l'hégémonie américaine, on assiste à l'avènement d'un monde multipolaire, où les règles de droit internationales doivent être repensées, ainsi que la notion de souveraineté pour la démocratie puisse se déployer proprement.
Un nouveau modèle démocratique au Proche-Orient ?
ANALYSE : les démocraties au Proche-Orient sont des démocraties ethniques, car fortement imprégnées d’appartenances communautaires. Elles connaissent des limites face à leurs minorités, qu’elles se doivent de reconnaitre pour avancer dans leur cheminement démocratique.
Crise des migrants : et si on relisait Kant ?
TRIBUNE : des milliers de migrants ou de réfugiés viennent s’échouer sur les rivages d’un continent qui les attire, au péril de leur vie, comme par la puissance d’un rêve tandis que le continent lui-même, en panne d’imagination, ne rêve plus.
Iran : messianisme confessionnel ou nationalisme impérial ?
ANALYSE : les causes profondes de l’activisme iranien peuvent laisser perplexe : traitant presque d’égal à égal avec les plus grandes puissances, l’Iran répond-il ainsi à la vocation messianique de la République islamique fondée par l’ayatollah Khomeiny en 1979 ? Uu bien renoue-t-il avec l’expansionnisme millénaire des intérêts perses ?
La guerre des immortalités
TRIBUNE : Le philosophe Philippe Granarolo s'interroge sur la résurgence d'un fanatisme islamiste, où l'immortalité joue un rôle essentiel, et l'apparition d'un nouveau rêve d'immortalité occidental venu des biotechnologies et des technosciences. Vers une nouvelle guerre ?
Russie : histoires de temps (ou du passé on ne peut faire table rase)
ANALYSE : Il n’est pas de représentation plus perverse que celle des “lendemains qui chantent”, que ceux-ci soient le socialisme ou le marché généralisé. Le passé est alors entièrement soumis à une vision normative du futur, à laquelle il ne sert que de justification, positive ou négative. Car, en réalité, du passé on ne peut faire table rase …
Ce que Montesquieu peut nous apprendre de la situation en Ukraine
TRIBUNE : Détournant l’une des phrases les plus célèbres de l’auteur des Lettres persanes, on en vient presque à se demander : « Comment peut-on être Ukrainien ? ».
Pourquoi le djihadisme peut-il recruter dans nos démocraties libérales ?
En rendant responsables nos démocraties libérales de détruire leur jeunesse à coups de matérialisme débridé et déboussolé, on relativise l’horreur pratiquée par une barbarie dont on ne préfère pas mesurer l’ampleur. La radicalité du djihadisme n’est compréhensible qu’au regard de l'indétermination propre à la démocratie.
La séduction de la terreur
Jean-Michel Muglioni propose ici un début de réflexion sur la cause générale de la séduction du terrorisme. Une ère de terrorisme ne fait que commencer. Le vide intellectuel et moral de notre temps et la réduction de la politique à l’économie font le lit des fanatismes religieux, car les hommes ont d’autres exigences que l’argent. Pourquoi notre société a-t-elle des enfants perdus ?
Contre Ebola, l’altruisme rationnel
C’est l’occasion de rappeler l’importance de s’occuper tout de suite des problèmes à l’impact lointain : Dette publique, climat, Ebola renvoient tous à la même logique : nous avons intérêt à nous occuper tout de suite des problèmes que rencontreront les prochaines générations. Parce que les prochaines générations, c’est nous-même, dans 20 ans.
La politique post-métaphysique est-elle pertinente sur le Don ? Les Européens face aux crises de l’Etat ukrainien
Sur le Don, l’Europe est sommée par les circonstances d’adapter son logiciel philosophique à un hardware fortement westphalien. Entre volonté de puissance, politique de voisinage et expansion démocratique, elle doit trouver le sentier étroit pour favoriser l’émergence d’un Etat de droit ukrainien.
« Par réalité et perfection, j’entends la même chose ». Retour à Fukushima.
C’est cette compréhension qui manqua aux concepteurs des centrales nucléaires nippones qui ont oublié que « l’homme n’est pas dans la nature comme un empire dans un empire », et que cette formule ne vaut pas que pour les affects de l’homme, mais aussi pour tous les autres phénomènes naturels. Quoi qu’il fasse, l’homme est régi par les lois constantes d’une nature à laquelle il ne peut commander qu’en lui obéissant.
Toutes les civilisations se valent-elles ?
En passant par une réflexion sur la pertinence et l’usage des concepts de culture, de régime politique, de relativisme, d’égalité, de valeur, de jugement, André Perrin essaie de comprendre en quoi et pourquoi il y a du sens à parler des civilisations, à poser la question de leur valeur, et à répondre qu'elles ne sont pas équivalentes - car une telle réponse soulève à son tour la question de la capacité d'une civilisation à ne pas se prendre pour le centre du monde et à lutter contre sa propre barbarie.
Russie et Occident : les vieux concepts de la Guerre froide ne fonctionnent plus
Par une logique binaire de type ‘’Guerre froide’’, que tous les acteurs ont adoptée, l’Ukraine s’est retrouvée écrasée entre une Europe otanisée et un Empire russe en recomposition. Erreur tragique car l’Ukraine, par son histoire et sa position géographique, est le seul pont possible reliant l’Europe et la Russie !
Négociations israélo-palestiniennes : l’urgence d’une nouvelle approche
Jugeant inutile – ou politiquement dangereux – de changer de perspective, les partisans du statu quo continueront de privilégier la méthode des « accords intérimaires », appliquée depuis plus de vingt ans. Agissant ainsi, ils rendront de facto impossible la solution dite « des deux Etats » et donneront raison à ceux qui pensent qu’il existe d’autres options pour régler ce conflit (One State Solution) ou qui estiment que le règlement du dossier palestinien n’est pas prioritaire.
Bring back our girls ! Notre inconscience face aux prises d’otages terroristes
Derrière la réalité cachée par la liturgie islamiste, nous ne voyons pas que les seules victimes désirées par Boko Haram, c’est nous ! Sur ce point, l’islamisme radical est bien plus fin psychologue que l’Occident.
Pourquoi le cosmopolitisme institutionnel ?
la citoyenneté mondiale gagne à notre époque un sens juridico-politique inédit (une réalité politique nouvelle) qui ne laisse pas indemne la notion de cosmopolitisme elle-même puisqu’en gagnant une réalité juridico-politique, le cosmopolitisme semble perdre beaucoup de son ancienne densité métaphysique.
Ukraine : la nécessité d’un retour à la diplomatie la plus élémentaire
Toute solution politique échouera si l’on oublie que la voie diplomatique consiste à accepter de parler jusqu’au bout avec ceux qui, sinon, deviendraient nos ennemis.
Roland Barthes chez le coiffeur : comment démêler l’identité politique de Iulia Timoshenko ?
Les chaînes de télévision diffusent le discours scandé par Iulia Timoshenko à Maïdan, au pied du monument dédié à la Berehynia. Devant sa télévision, Roland Barthes n’entrevoit qu’une mystification, symptôme d’une alarmante imposture.
Vivons-nous les temps de la fin du soldat ?
Le soldat ne fait plus rêver, il n’est plus un modèle pour la jeunesse. Notre époque – dans ce cap de l’Asie qu’est l’extrême ouest européen – se singularise par rapport à toutes les autres époques et à la plupart des civilisations par ce trait : le soldat n’y occupe plus une place centrale, sacrée, vénérable, dans l’imaginaire collectif.
Ukraine, un chemin étroit entre romantisme révolutionnaire et prudence politique
De la prudence politique, dans l’espoir que les Ukrainiens comptent leurs voix et non plus leurs morts.