La méditation philosophique et sa résonance dans le Yoga
La philosophie et le yoga, voies d’accès à la transformation de soi
Le terme « méditation » prend sa source dans le terme grec melête, qui signifie « s’exercer ». Le terme « philosophie », quant à lui, vient de philosophia, « amour de la sagesse ». La Méditation philosophique peut signifier très simplement s’exercer à aimer la sagesse. A travers le travail philosophique, chacun d’entre nous a cette possibilité, cette opportunité de s’exercer à la sagesse, si l’on entend par travail philosophique celui qui était en vigueur dans toute la période hellénistique. En effet, la philosophie antique est avant tout une manière de vivre, d’être, de se comporter en vue d’atteindre la sagesse. D’autre part, dans la sagesse de l’Inde et la philosophie du Yoga, la méditation comme pratique prend aussi une place importante, elle est Dhyāna, un état d’ « absorption », une concentration profonde et continue dans toute action, pensée et sentiment. Elle est liée à une recherche de la sagesse à travers l’exercice de la discrimination qui doit permettre de dépasser la pensée habituelle, celle qui créé une division dans l’esprit, grâce à une pensée de l’unification. Si la sagesse dans la méditation philosophique s’acquiert notamment par la pratique des exercices spirituels qui sont la mise en œuvre de pratiques, de techniques dont le but est d’effectuer une transformation profonde du moi, surtout par la méditation qui recouvre une place considérable et se singularise par sa volonté d’être dans l’instant, dans le temps présent, dans le quotidien ; la méditation dans le Yoga est aussi une recherche de la présence à soi à travers la discipline et la méthode de l’investigation sur soi. Cette étude du soi se fait à travers d’autres exercices dont la pratique des postures (âsânas) qui est considéré le moyen le plus humble et est supposée mener à la maîtrise de la respiration (prânâyâma). Elle permet d’arriver à une transformation du rapport du pratiquant à son propre ego et ainsi l’aider à reconnaître l’illusion qu’il génère dans sa vision de la vie et qui l’éloigne de la sagesse.
La méditation philosophique peut et doit être appliquée ici et maintenant. Aucune posture n’est requise sinon toutes, aucun lieu n’est recommandé sinon tous, aucun moment n’est recommandé sinon tous. Dans le cas de la méditation selon le Yoga, un détachement par rapport au passé et à l’avenir permet un changement qualitatif dans la conscience en exerçant le maintien de l’attention sur le présent. Cette attitude peut être acquise justement à travers la pratique posturale et la respiration, dans un endroit que le yogin choisit, préférablement dans la solitude et à l’abri des regards. Plus tard, et quand il aurait acquis une maîtrise de cette pratique, il peut retourner dans le sanctuaire intérieur au moment et à l’endroit qu’il souhaite. La posture la plus favorable pour l’entrée dans l’état de la méditation porte le nom de padmāsana, elle n’est pas exclusive mais elle est considérée comme optimale pour la concentration et surtout pour l’aisance qu’elle donne dans l’assise. Les autres postures, qui peuvent parfois être très éprouvantes et qui préparent à cette posture même, donnent au yogin une intuition sur l’infinité des possibilités corporelles et deviennent pour lui une tentative de créer l’unité entre ces multiples attitudes physiques et ses innombrables pensées, en réajustant sa perception, l’alignant sans cesse, affinant son cours pour connecter son esprit avec son corps. Ces postures préparent donc le yogin à tenir longtemps en padmāsana avec la respiration prolongée.
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Méditer nos actes
L’enjeu de la méditation philosophique comme exercice spirituel, est de veiller à notre mieux être face à notre environnement, face aux difficultés qui peuvent survenir, face aux situations complexes que nous rencontrons en permanence. La méditation philosophique nous aide à l’occasion des complexités qui se présentent et ce, en travaillant selon deux voies. Premièrement en méditant les actes connus qu’il nous faut réaliser ou de potentielles actions à mener. Il s’agit ici d’anticiper son comportement à venir en fonction de la façon dont nous voulons qu’il soit. La question méditative préalable est donc : comment est-ce que je veux me comporter face à cette action qui est en passe d’advenir ? Autrement dit, la méditation précède l’action, que celle-ci puisse avoir lieu dans un futur très proche comme lointain.
La deuxième voie consiste en la mise en perspective d’actes réalisés. La méditation est ici a posteriori. Il s’agit d’une réflexion qui porte sur une action déroulée, une expérience passée et sur laquelle il s’agit de revenir pour analyser ce qui s’y est réellement joué, et d’apprendre pour une fois prochaine. L’acte méditatif a posteriori va chercher la chronologie des événements, repenser l’attitude, les réflexes que nous avons eus : Y a-t-il eu une perte de la maîtrise de soi ? Y a-t-il eu du dénigrement de soi ou des autres ? Cette forme de méditation n’a qu’un seul objectif : analyser les conséquences sur notre moi profond, notre conscience, notre esprit. Le véritable enjeu est de faire en sorte que les difficultés vécues soient pondérées, relativisées par la méditation et que finalement elles nous affectent moins.
La finalité de la méditation philosophique n’est rien moins qu’une modification du comportement à l’endroit des actions que nous accomplissons. C’est une modification directe, avant l’action ou juste après. C’est aussi une modification indirecte puisque au fur et à mesure des méditations, l’individu devient naturellement prêt face à certaines réactions, il devient disposé à accepter telle ou telle situation habituellement angoissante. C’est en quelque sorte l’acquisition d’un réflexe qui se met en place dans son comportement.
Du point de vue du Yoga, les conséquences négatives des actions passées incitent l’homme à chercher des moyens pour éviter ce qui provoque en lui des effets déplaisants et pour tenter de rendre sa vie plus agréable à l’avenir. Il découvre alors la nécessité de faire un changement au niveau physique et psychique, toutefois il ne peut pas toujours maîtriser les évènements, d’où la nécessité de pratiquer dans la méditation l’attitude de détachement face à la vie et ses changements constants.
La capacité de se libérer des actions à venir de celles du passé, un passé souvent perçu dans la conscience comme une fatalité inchangeable, grâce à la méditation yogique, peut être perçu de manière plus positive, comme une expérience, une occasion ou une leçon de sagesse précieuse. Les réactions ancrées comme des habitus, aussi bien corporelles que psychiques, peuvent être observées dans la méditation et reconnues dans l’exercice postural à travers les gestes, le rythme respiratoire, les facilités ou les difficultés qu’éprouve le yogin au cours de sa pratique. Grâce au ralentissement du flux de la pensée et l’apaisement du corps qui suit l’exercice postural par exemple, le yogin peut adopter une attitude plus vigilante afin d’embrasser la nouveauté propre et unique à chaque situation sans toutefois se l’approprier et s’identifier directement.
Ainsi, lorsqu’il passe d’une posture à l’autre avec grâce et fluidité, avec une attention et une respiration profondes, sans devancer le résultat, détaché de l’accomplissement, de la réussite ou de l’échec de son exercice, il tente de transposer cette attitude dans sa vie quotidienne et dans ses relations aux autres et à son environnement. Comme la posture qui semble au début être une contrainte que l’on impose à son corps de manière extérieure, avec la patience et l’assiduité dans l’exercice, devient agréable, reposante, fortifiante, c’est ainsi que le yogin peut tenter d’aborder les difficultés, comme des moments opportuns et une chance pour reconnaître la vie elle-même dans tout son éclat, en gardant à l’esprit qu’il n’est pas en son pouvoir de les contrôler mais les reconnaître comme des passages qui peuvent être apprivoisés dans une attitude de présence. Il peut donc expérimenter les postures, comme des métaphores ou des figures qui représentent les contraintes de la vie, car, malgré leur difficulté au niveau corporel et mental, elles peuvent devenir suaves et permettre de méditer longtemps et suivre en accord le mouvement de l’esprit, avec discernement, équanimité et même avec émerveillement, le même qui est à l’origine de l’attitude philosophique.
Dans le désir d’une sagesse et d’une vérité, intime, personnelle ou même divine, le yogin doit s’entraîner constamment, se soigner, car il n’est pas certain que la vérité qu’il espère découvrir, soit facile à atteindre, tolérer, accepter ou aimer, quand son corps et son esprit ne sont pas disponibles et aptes à l’accueillir, elle serait même déconseillée voire dangereuse pour lui.
Dans le Yoga, si l’action, à travers la méditation doit toujours être une épreuve de détachement vis-à-vis du résultat, ou de son fruit, mais aussi du désir qui l’anime, des possessions ou des situations qui peuvent en suivre, toutefois, ce détachement par rapport au temps et aux passions personnelles ne signifie pas le manque de remise en question de ses propres actes, ni la perte de la motivation à agir, mais l’acceptation de ce qui ne peut pas être changé et l’impossibilité de maîtriser entièrement les effets de ses actes.
La question que l’on pourrait se poser lorsque l’on espère entrer en méditation dans le Yoga pourrait être formulée de la manière suivante : Comment est-ce que je veux me comporter sans que mes actions ne répètent inconsciemment des attitudes et préjugées venant de mon expérience passée pour respecter entièrement la situation présente dans sa singularité et qui reflète au mieux la vérité en moi ? Mais aussi comment agir et à la fois renoncer au résultat, au fruit de mon action et cesser de m’identifier à mes désirs et mes inquiétudes personnelles ?
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Le Yoga, une préparation pratique à la méditation philosophique par le moyen de la posture
Comme dans la méditation philosophique, il s’agit dans la méditation du Yoga de la connaissance, le Jñāna Yoga, d’une méthode d’investigation de soi et qui demande une très haute attention pour maintenir une conscience d’identification du soi individuel avec le Soi suprême, de manière constante, sans interruption et ainsi se préparer à rester dans la sérénité en toutes circonstances et par-delà le changement, considéré comme seule certitude donnée dans cette vie. Cette conscience doit guider tous les actes, les pensées, les paroles et les sentiments du pratiquant, à tout moment, et ainsi la maîtrise de soi à travers cette discrimination doit devenir sa seule occupation pour sortir du conditionnement de l’ego comme substance, qui lui vient par l’éducation et la culture et qui l’induit dans l’erreur. Cette voie directe doit mener le yogin, par un renoncement profond à tous ses acquis, ne s’intéressant plus qu’à l’Esprit, au détachement, jusqu’à ce qu’il ne doive plus chercher de recours extérieur, ni à des préceptes, ni à aucune doctrine particulière supposés faire lieu de système privilégié ou d’un moyen pour lui faciliter la tâche. Cette solitude choisie, aussi bien mondaine que métaphysique et existentielle n’est autre que la condition pour entretenir le désir pour la liberté spirituelle à laquelle aspire le yogin en exerçant sa connaissance. Cette condition est difficile d’accès pour le débutant et risque de le décourager très tôt. C’est ainsi que les moyens du Yoga de la connaissance, comme Yoga mental et philosophique ne correspondent pas et ne doivent pas toujours être pratiqués par toutes les personnes qui souhaitent s’exercer spirituellement sans une préparation adéquate. Cette voie est en effet considérée comme l’une des plus élevée et les plus ardues car, elle exige du pratiquant d’être déjà installé dans des vertus qui nécessitent d’autres exercices très vigoureux et de longue durée. Cela n’est pas sans faire écho aux exercices ascétiques que pratiquaient les stoïciens en dormant à même le sol, en s’habillant d’un simple vêtement de bure ; mais aussi les épicuriens qui se contentaient de vivre de pain et d’eau.
Selon les Yoga Sûtra de Patanjali, l’Ashtanga Yoga, étymologiquement le Yoga en huit étapes, offre à l’humanité les moyens de s’exercer à la méditation pour sortir de l’état de division entre le corps et l’esprit, le soi et les autres, le soi et le divin et qui est source de souffrance. L’une des premières de ses huit étapes est donc la pratique posturale, l’assise corporelle avec l’accompagnement du souffle.
En début de parcours et à cause des résistances et faiblesses corporelles, et surtout le souffle étant encore insuffisant, le pratiquant se retrouve dans le malaise. Le flux incontrôlable des pensées est difficilement supportable pour lui à travers le maintien pendant quelques minutes de certaines postures d’équilibre par exemple. La densité et le désordre de ses idées le poussent à interrompre souvent, très vite cet exercice qui semble lui créer plus d’inquiétude et de gêne que d’apaisement et de bien-être. Les émotions, pensées, souvenirs, projections, idées et images suscitant aussi bien le plaisir que la répulsion, s’expriment dans le corps et rejaillissent au moment de la pratique posturale dans des mouvements brusques et grossiers, une irrégularité, une inconstance et une difficulté à la respiration. Ainsi, des douleurs physiques peuvent apparaître et sont considérées comme la métaphore des difficultés spirituelles, mentales et affectives mais aussi indicatives sur la santé et l’hygiène physique du pratiquant. Toutefois, elles se présentent comme des opportunités, des moments propices à la reconnaissance et à la libération de ces angoisses grâce au prolongement de la respiration, la réactivation d’une mémoire cellulaire qui éveille et révèle les réflexes profonds, d’une part et d’autre part, la sueur qui résulte de l’enchaînement des postures, nettoie le corps des résidus toxiques accumulées dans les articulations et les tissus musculaires, souvent responsables de cet inconfort physique, qui empêche à son tour la limpidité et la concentration au niveau de l’esprit.
Le philosophe indien Krishnamacharya, considère que l’asâna, la posture, est svâdhyaya, une étude du soi, car elle permet de comprendre quelque chose sur nous-mêmes. Sa tenue aide à dépasser cet état d’agitation qui à la fois affecte et reflète le mental. En effet, l’agitation est l’un des obstacles principaux à la pratique posturale et au Yoga en général, elle apparaît dans la difficulté d’atteindre un équilibre subtil entre l’effort et le non-effort, l’initiative, l’activité et la réceptivité comme abandon physique et mental. Le pratiquant doit exercer et équilibrer la force et la souplesse de son corps et adopter une bonne hygiène de vie pour parvenir au fil du temps à l’alignement harmonieux des vertèbres et au raffinement du mouvement corporel qui ont un impact immédiat sur son activité mentale. Cet entretien de la structure du squelette, liée à la structure mentale par les connexions nerveuses, doit être fait de manière quotidienne pour que la transformation soit progressive sans causer des chocs qui déséquilibrent le pratiquant dans son parcours. La posture devient avec le temps un art d’expressivité et un moment privilégié entre soi et soi-même qui favorise la guérison et qui prépare la voie à une vie d’émerveillement continu, à la philosophie comme mode de vie.
Tous deux philosophes, Xavier Pavie est Professeur à l'ESSEC Business School et Gemma Daou est Professeur d’Ashtanga Vinyasa Yoga à Bruxelles.
Commentaires
un bel exposé, une bonne approche de la méditation et des « exercices spirituels », mais si l’apprentissage du latin et du grec devient « lettre morte », comment démarrer cette présentation du rapport : philosophie et yoga?
par vielhescaze sylvie - le 23 mai, 2015
Je ne connaissais rien au Yoga, je ne dis pas que je vais m’inscrire dans un club demain, mais en tout cas cet article est très intéressant et donne à voir des sources philosophiques non occidentales, c’est suffisamment rare pour le noter avec joie !
par Michel Bernard - le 23 mai, 2015
Article documenté et intéressant. Je ne suis pas sûr toutefois que l’étymologie du mot latin meditari renvoie principalement au grec mélété même si ce n’est pas sans lien indo-européen. On peut faire le lien avec modus, qu’on retrouve dans remédier, modifier, modeler qui emporte l’idée d’action réfléchie, mesurée, où l’instinct et les passions sont modérées. On peut aussi envisager un lien avec medium, media, c’est-à-dire moyen, intermédiaire, milieu : méditer serait ainsi se mettre au milieu, autrement dit poser la conscience comme intermédiaire entre ce qui est disjoint. D’où un lien possible avec le yoga qui en sanskrit signifie étymologiquement jonction, réunion de ce qui était séparé.
D’autre part, Patanjali définit génétiquement le yoga comme cessation du bavardage mental dans ses Yoga Sutras : n’y a-t-il pas un lien à creuser avec la suspension du jugement, qui tend à être définitive dans le scepticisme philosophique ou qui est employé comme moyen d’accès au vrai dans toutes les autres philosophies ?
Pour le reste, si la réflexion sur le rôle des postures du corps dans le mode de pensée a pu être envisagé chez certains auteurs, il est évident que le hatha yoga n’est qu’une forme voire un simple aspect du yoga parmi bien d’autres et n’est devenu en occident « le yoga » que par le côté spectaculaire de certaines postures.
par Christian Lars - le 24 mai, 2015
Merci Christian Lars pour votre commentaire et votre question qui peuvent aider à répondre aussi à la question de Sylvie Vielhescaze: effectivement, le latin et le grec pour la philosophie et le yoga ont une importance centrale pour ce genre de dialogue et réflexion interculturelle.
Le rapprochement que vous faites entre l’étymologie du mot latin meditari et le Yoga, qui ramènent tout deux à l’idée d’unification et de lien est très éclairante pour moi.
Je me demande seulement si le sens du terme medium, lorsque vous dites qu’il signifie de poser la conscience comme intermédiaire entre ce qui est disjoint ne pourrait pas prêter à des interprétations sur le sens de la méditation en tant que pratique de pouvoir sur le réel.
Selon le Yoga, la méditation est certes une méthode, un moyen pour l’homme, mais elle ne devrait pas donner à la conscience un pouvoir ou une place particulière qui lui permet de combler les failles entre ce qui est disjoint.
L’unité est déjà là, mais c’est la conscience qui doit faire l’effort de la percevoir et l’accepter. Ce sont les personnes qui souhaitent reconnaître la non-séparation qui peuvent choisir la méthode de la méditation, mais ça ne leur donne aucune aucune position particulière ou conscience exceptionnelle qui aurait le pouvoir d’opérer cette jonction.
Leur méditation serait de vivre et d’agir en fonction de la reconnaissance de l’unité dont ils sont déjà partie …la disjonction est une illusion de l’ego, une erreur de perception, ou autre qui cause la souffrance, mais il ne s’agit pas de pacifier en prenant une posture définie, devenir un intermédiaire pour défendre une cause, mais plutôt simplement d’être dans cette reconnaissance.
C’est une très belle proposition de faire une recherche sur la méthode de la suspension du jugement sceptique et »l’arrêt des fluctuations de l’esprit » où cet arrêt reste centré sur la quête de la vérité, du divin.
Au sujet des postures du Yoga, d’un point de vue esthétique c’est très intéressant et attractif, mais il est difficile de pratiquer longtemps ces exercices sans un guide expérimenté et sans le souci spirituel. La sortie d’une logique de la compétition, du souci du regard extérieur et d’une évaluation basée sur des critères de réussite ou d’échec, sont à la base de l’enseignement des postures du yoga. De plus en plus en Occident, les pratiquants du yoga deviennent sensibles à l’aspect méditatif et à l’exigence d’introspection à travers la pratique.
par Gemma Daou - le 26 mai, 2015
Michel Bernard, merci pour votre mot, je peux simplement vous dire que le premier cours de yoga provoque souvent l’étonnement, dans mon cas faire les exercices de respiration m’avais permis de garder le souffle pour faire la philosophie!
par Gemma Daou - le 26 mai, 2015
Gemma Daou, vous faites bien de préciser qu’en effet la conscience ne produit rien en tant que telle, d’autant que tout ce qui est, est déjà. En disant que la méditation est une façon de « poser la conscience comme intermédiaire entre ce qui est disjoint », il ne s’agissait effectivement pas de prêter à la conscience le pouvoir de produire de l’unité là où il y aurait dispersion réelle. La disjonction n’est qu’une illusion de l’ego. La conscience est déjà là aussi, mais j’essayais seulement de dire que prendre conscience de cette conscience, l’intensifier personnellement (et non la produire), c’est ressentir immédiatement que la conscience relie sans discontinuer les idées ou représentations que notre imagination disjoint. Il ne s’agit donc pas de produire l’unité de l’être mais de la retrouver alors qu’elle avait été oubliée.
A propos d’imagination, il y a aussi une autre référence philosophique occidentale majeure concernant ce qu’on peut appeler la méditation, c’est Spinoza. Éthique IV, Appendice chap. IV : la béatitude est la satisfaction de soi qui naît de la connaissance intuitive de Dieu. Or Dieu pour Spinoza, c’est la substance de tout ce qui est. La substance des corps, sous l’attribut d’étendue, et des idées sous l’attribut de pensée (qui correspond plutôt à ce qu’en littérature orientaliste, on appelle la conscience – qui peut être discursive ou intuitive). Donc connaître intuitivement Dieu, concrètement, cela n’a rien d’ésotérique, c’est simplement connaître l’étendue dont tout corps particulier est constitué, dont tout corps est une façon d’être autant que la pensée dont toute idée est une modalité mouvante.
Cette intuition, que Spinoza appelle troisième genre de connaissance, est directe, elle n’est pas un jugement ou un raisonnement qui procèdent par étapes (second genre de connaissance) ni par les mots ou les images (premier genre de connaissance) qui ne sont que des connaissances mutilées de ce qui est. Ainsi, prendre conscience que je suis étendu se rapproche de la méditation et même du yoga au sens de Patanjali en ce qu’il y a dans ce cadre cessation des jugements produits par l’imagination (premier genre de connaissance) ou la raison, perception d’un soubassement essentiel et unique de toutes les manifestations corporelles ou mentales.
Et comme l’étendue dont mon corps est constitué est essentiellement la même que dans tout corps, il s’agit bien de ressentir ce qui est la puissance silencieuse à la source de toutes les manifestations de la nature ou de l’univers. Entrer dans cette « conscience de soi, de Dieu et des choses », purifiée de la connaissance mutilée de l’imagination se prenant pour la seule réalité, c’est ce qui nous fait sentir qu’il n’y a qu’une seule substance et non ces îlots d’être et de conscience que nous croyons être ordinairement, c’est ce qui fait que « nous sentons, nous éprouvons que nous sommes éternels. «
par Christian Lars - le 29 mai, 2015
Merci Christian Lars pour le partage de cette réflexion sur le lien entre la connaissance chez Spinoza dans l’Ethique et la connaissance dans le Yoga chez Patanjali.
Vous avez insisté sur l’idée, que je reformule selon ma compréhension de votre propos, que la conscience serait comme une dynamique non-productive qui participerait de l’Unité. Vous avez aussi bien souligné que de mon point de vue, il faudrait partir d’un acte de foi en l’Unité pour que la conscience entre dans la reconnaissance de l’Unité même et ainsi dans la synergie que peuvent lui présenter les idées, en exerçant son Entendement. Ici, pour vous suivre dans votre raisonnement, je voudrais ajouter qu’au sujet des idées et dans un sens spinoziste, elles sont comme des modes finis de la Substance, dont la conscience, par le mouvement de l’Entendement, témoigne du lien qui les enchaîne et qui les libère à la fois de la finitude essentielle à leur être. Ce lien est éternisant tant pour les idées que pour la conscience qu’il traverse, toutefois cette conscience n’en retient rien. Le témoignage de ce lien par la conscience, accompagné d’une surprise face à la limpidité et la profondeur de son cours, efface et crée l’amnésie de la discontinuité qui lui venait de l’Imagination et sa réminiscence est déclenchée comme une désintégration de son être en vue d’atteindre l’état similaire au minéral.
Relier les idées, serait le propre de l’entendement et c’est ainsi que l’exercice de la raison ne peut effectivement pas être étranger à la connaissance intuitive de Dieu quand bien même la raison comme faculté reste tout à fait imparfaite.
L’homme raisonnable se sert souvent de l’Imagination dans sa méditation, mais cette illusion qu’elle représente dans son parcours, peut devenir un obstacle qui lui révèle contradictoirement cette puissance silencieuse de l’Infini.
L’Imagination apparaît aussi dans le Yoga comme la condition d’une humanité disjointe, dotée d’un pouvoir borgne ou plutôt ne disposant que d’une perception voilée qui lui fait croire à sa propre puissance. Cette force de virtualité vive comme une source chaude qui guérit, toutefois par d’infinies illusions. Elle représenterait effectivement aussi l’un des obstacles majeurs dans le chemin du yogin. Mais l’écoulement de cette source de fausseté peut lui donner l’intuition de quelque chose comme le présage pour une satisfaction dans la béatitude et qui le prépare à sa transformation. Il s’agit du contentement, celui du plaisir dans une vie de l’imagination, une vie de l’âme inquiète dans l’espoir de retrouver le chemin de l’éternité. Les voies qui sont considérées ésotériques peuvent être une source d’images, d’illusions, de rêves et de fantaisies parfois enrichissantes parfois détournant le sage de l’essentiel, mais je pense que l’imagination pour peindre des toiles comme des étendues de couleurs pourraient servir de tremplin pour l’Entendement dans sa quête du divin.
par Gemma Daou - le 7 juin, 2015
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