Dumézil, les Centaures et le problème du non-Ordre
ÉTUDE : On connaît souvent de Georges Dumézil les trois fonctions de l’ordre social, magico-religieuse et juridique ; guerrière ; productive. À sa suite, certains auteurs ont pu imaginer une quatrième fonction, paradoxale, celle du non-ordre, qu’interroge justement le métaphysicien André Stanguennec dans ce texte. Partant de l’étude réalisée par Dumézil lui-même sur la figure mythologique des Centaures, le professeur émérite de l’université de Nantes réalise une grande fresque philosophique – au sens propre, puisqu’il l’agrémente de ses propres dessins – pour finir par se demander si l’époque contemporaine ne se caractérise pas par trois fonctions de non-ordre que seraient la terrorisme politico-religieux (djihadisme), le totalitarisme guerrier-militaire (nazisme) et le libéralisme producteur-consommateur (néo-libéralisme «sauvage»), chacune répondant par son objet aux trois fonctions d’ordre de Dumézil.
Agrégé et docteur d’État, André Stanguennec est professeur émérite de Philosophie à l’Université de Nantes, où il a enseigné de 1969 à 2007 et appartient au Centre CAPHI. Président de la Société nantaise de Philosophie, spécialiste de l’idéalisme allemand et penseur d’une herméneutique contemporaine, il a dernièrement publié Novalis-Mallarmé. Une confrontation (Éd. Honoré Champion, 2020).
« Les fêtes carnavalesques marquent l’entrée dans l’altérité où se ressource le monde » (1)
L’ouvrage de Georges Dumézil consacré au «problème de Centaures» (2) s’inscrit dans ses premières recherches de mythologie comparée, antérieures à la formulation de l’hypothèse trifonctionnelle énoncée à partir de 1939 (3). Dans la Préface de La courtisane et les Seigneurs colorés (4), Dumézil estimera d’ailleurs que la comparaison entre les Gandharva hindous et les Kentauroi (Centaures grecs) était vaine, sans doute parce qu’il ne la situait pas encore dans le cadre de la théorie des trois fonctions idéologiques qui structurent les visions du monde et les rapports sociaux dans la culture indo-européenne : la fonction magico-religieuse et juridique, la fonction guerrière et la fonction de production. Or cette théorie a été développée et enrichie postérieurement à l’œuvre du grand comparatiste, de même que sa portée philosophique a fait l’objet d’études précises (5).
C’est ce qui a motivé notre intérêt pour ce livre de 1929 d’un double point de vue. Du point de vue strictement mythologique d’abord, on a pu en effet émettre l’hypothèse d’une «quatrième fonction» (6), la fonction de «non- Ordre», tout autant nécessaire à la vie des sociétés que les fonctions d’autorité sacrée, de défense armée, et de reproduction matérielle. Il ne nous semble donc pas impossible, en tenant compte de l’hypothèse énoncée de cette quatrième fonction, de «désordre», de poser rétrospectivement le problème d’une relecture de l’ouvrage. Le livre sur les centaures, de par l’extension de ces phénomènes dans toute l’Europe, nous semble motiver la question du statut des structures constantes repérées. Du point de vue philosophique, ensuite, la fécondité interprétative d’une quatrième fonction, la fonction de «non-Ordre» nous amène à poser le problème de la signification de ses deux formes, l’une intérieure à l’ordre et l’autre, extérieure à l’ordre trifonctionnel qu’elle menace radicalement. Nous avons fait l’hypothèse que trois phénomènes sociaux majeurs du vingtième et du vingt-et-unième siècle, pourraient être interprétés comme des manifestations historiques de cette seconde forme, la forme extérieure de la fonction négative, dont le concept serait dès lors susceptible d’informer la philosophie de la culture. Celle-ci «…est capable de rendre de grands services. Elle peut en effet aider à faire comprendre qui est l’adversaire que l’on combat…Le connaître ne signifie pas uniquement connaître ses défauts et ses faiblesses ; cela signifie aussi connaître ses forces» (7).
Considérons d’abord l’ouvrage sur les centaures d’un point de vue anthropologique interne à la visée de son auteur. À la fin de son livre, Georges Dumézil résume «quelques hypothèses générales» (8) susceptibles d’éclairer le chemin parcouru à travers l’interprétation, dans les chapitres antérieurs, des nombreuses données mythologiques relatives à ces mythes et rites indo-européens constamment présents sous des formes apparemment diverses, voire contradictoires, selon les temps et les lieux. Une première constante se dégage toutefois au sein de ces variations : les fêtes des Kentauroi grecs, des gandharva hindous, des Gandarep iraniens (9), et de leurs divers correspondants en Europe, comme les Lupercales et les Saturnales des latins, se situent partout à la fin de l’année, lors du passage de l’automne à l’hiver et au début de l’année nouvelle, lors du passage de l’hiver au printemps (10). Il s’agit bien là de la sacralisation des rythmes saisonniers et cosmologiques déterminant cycliquement les disparitions et les réapparitions de phénomènes naturels majeurs influençant la vie des hommes. Aussi, et c’est une seconde constante d’un point de vue anthropologique, l’on comprend que ces périodes aient motivé l’expression et la figuration de l’unité de l’homme et de la nature au point que les humains aient cherché à produire et à honorer à travers eux un être mixte mi-homme mi-animal. Ce dernier devait figurer la «course», somme toute rapide, des êtres naturels et quel animal mieux que le cheval, utilisé dans la plupart des pays indo-européens, pouvait symboliser cette course ? En effet, «le thème du cheval (est) essentiel à l’héritage indo-européen sur le plan mythique et religieux» (11). D’où les centaures chevalins, les plus fréquents, auxquels se substituent parfois, dans les milieux de rivages marins ou de paysages de fleuves et de forêts, des monstres mixtes mi-humains-mi-animaux, à torse d’homme et à queue de poisson ou de serpent (12). Cette diversité d’êtres hybrides nous renvoie plus profondément au mythe de l’origine des formes humaines au sein des formes mixtes dont nous parle Empédocle : « en nombre, ils croissaient, doubles de face et de torse, races de bœufs à proue d’homme. D’autres poussaient à rebours, sortes d’hommes à tête de bœuf…» (13).
Aux deux périodes annuelles que nous avons dites, les centaures étaient fêtés sous l’apparence d’hommes déguisés et masqués, mais aussi, en raison de la variété des environnements et des modes de vie, sous l’apparence d’hommes-boucs ou d’hommes-ours ou d’hommes-serpents. Reste que «l’un des plus populaires était le déguisement en Cheval» (14) consistant à s’ajouter un arrière-train postiche et quelquefois «une tête de cheval plus ou moins grossièrement simulée» (15). Cette identité mythique entre l’homme et l’animal, qui sera régulièrement reprise dans les cultes et les fêtes historiques, a été soulignée par Ernst Cassirer comme une caractéristique de la pensée mythico-magique : «les niveaux archaïques de la conscience mythique n’admettent encore aucune coupure nette entre l’homme et la totalité du vivant, c’est-à-dire le monde végétal et animal» (16). Ces rituels qui, au cours de l’histoire, étaient rapidement devenus des fêtes carnavalesques dont il existe encore des éléments à notre époque dans nombre de contrées, manifestaient l’ambivalence fondamentale des centaures, ce qui représente une troisième constante de ces phénomènes, relative aux affects et aux pulsions cette fois. Si les centaures de fin d’année étaient naturellement associés à la mort et aux morts (ancêtres) en raison de l’analogie universelle qui associe la venue de l’hiver à une mort et à une mise au tombeau, les centaures printaniers étaient associés à la renaissance de la nature, des fleurs, des fruits et de l’activité sexuelle la plus féconde.
Mais chacune des deux périodes entraînait une ambivalence, «positive- négative», dans la relation émotionnelle et comportementale entretenue avec les centaures (17). En effet, les centaures d’hiver pouvaient être considérés, d’une part, comme les gardiens des tombeaux, défendant les sépultures contre les attaques et les dégradations, et cet aspect faisait qu’on les louait et respectait. Mais, d’autre part, ils étaient en sympathie avec l’âme des morts et ceux-ci pouvaient leur communiquer parfois le désir de revenir dans le monde des vivants, soit pour se venger de quelque offense subie pendant leur vie, soit pour assouvir violemment quelque désir dont on les avait autrefois frustrés. Il en allait exactement de même des centaures de printemps, car si ces derniers étaient considérés comme ramenant la fécondité et la croissance, en même temps qu’une utile sagesse des choses et des rythmes de la terre, ils pouvaient être frustrés de ne pas profiter des plaisirs «printaniers» sur un mode spécifiquement humain (nourriture, boisson, union sexuelle), d’où, fréquemment, leur intrusion jalouse et violente : vol de biens, rapt, empêchement de mariages, viol de femmes, etc. Le combat des Lapithes contre les centaures, évoqué par Homère et repris par Ovide, indique qu’invité avec ses congénères par Pirithoos, à l’occasion de son mariage avec Hippodamie, le centaure Eurytion, bafoua les lois de l’hospitalité, en s’en prenant à son hôte et convoitant son épouse. Dans ce cas, et jusque dans les suites ludiques et carnavalesques qu’avaient prises les rites d’hiver et de printemps, «…ils étaient pourchassés, domptés et ‘mis à mort’ (c’est-à-dire sans doute simplement démasqués) par les héros du lieu» (18).
Chiron et Pholos (19) sont des exemples de «bons centaures». La filiation divine du premier en témoigne : il est immortel et a participé au mariage de Pélée et de Thétis raconté par Pindare (20) et figuré sur certains vases, comme celui de Sophilos où l’on distingue clairement Thétis, Chiron et le prêtre, en l’occurrence peut-être Dionysos.
Chiron, fils de Kronos et de Philyra, elle-même fille d’Océan et de Téthys, enseigna les arts, notamment la musique, au jeune Achille. On se souvient d’ailleurs de l’amitié d’Héraclès et du Centaure Chiron qui, malgré tout, fut, «débordé» par une meute de ses congénères exigeant violemment de participer au « repas » offert à Héraclès. Ce dernier dut faire preuve de sa force en les combattant. Fut aussi célèbre et fréquemment illustré le récit mythique du meurtre, par Héraclès, du centaure Nessos, coupable d’avoir enlevé sa femme Déjanire. Héraclès mourut des suites de la vengeance de Nessos, empoisonné par la fameuse tunique confiée à sa femme. De même, dans le cadre des fêtes de centaures printaniers, ceux-ci (ou, plus tard, les personnages festifs revêtant leur apparence masquée) ayant violé des vierges dans les villages, les paysans étaient obligés de les marier le plus rapidement possible à quelque habitant consentant. Sous une forme plus rituellement transgressive encore, dans ces fêtes, comme dans nos carnavals, «…régnait une licence sexuelle considérable, correspondant aux excès des masques» (21). Selon Pindare (22), d’ailleurs, le premier Centauros grec est le fils de l’union sacrilège d’Ixion et d’une nuée, Néphélé, qu’il avait prise pour Héra, l’épouse de Zeus. Ce dernier, pour le punir, avait créé cette nuée figurant Héra. Centauros était néanmoins un demi-dieu, comme Héraclès ou Thésée, puisque sa mère était une nuée divine, créée par Zeus lui-même. Mais il n’avait, vu son hérédité, de place honorable «ni chez les hommes ni dans le monde des dieux» (23). De sorte qu’il ne trouva d’autre issue à son désir sexuel qu’en s’unissant avec les juments de Magnésie, au pied du mont Pélion. Il donna naissance ainsi à une race de centaures ressemblant à leur père par le haut du corps et à leur mère par le bas, mixtes d’homme et de cheval.
Tout rituel s’accompagnait, nous rappelle Dumézil, d’une initiation médiatisée par des prêtres et une corporation d’initiés, «…puissante par ses secrets, puisque c’était par eux et par eux seuls que se liquidait l’année écoulée et puisqu’ils étaient à quelque degré les génies de la nature, les génies du Temps et les génies de l’au-delà sinon les morts eux-mêmes» (24). Il en découlait leur connaissance des cycles du Temps, leur aptitude à prévoir l’avenir et leur savoir médical (celui du retour de la santé après la maladie) et même musical. Ils étaient donc «…les musiciens par excellence» (25), puisque la musique, harmonieusement accordée aux rythmes naturels, était un de leurs dons. La structure de ces corporations et de leurs savoirs magiques constitue donc une quatrième constante repérée et commentée par Dumézil à travers les faits qu’il a recueillis. Le comparatiste suppose que ces corporations pouvaient être recrutées parmi les enfants nés lors de ces fêtes ou à leur suite et que «…ces enfants étaient soumis à une éducation spéciale… et traversaient tôt ou tard une série de rites initiatiques où le feu jouait son rôle» (26). Pourquoi le feu ? Parce que la maîtrise du feu faisait que «… la fête se compliquait peut-être d’une extinction et d’une résurrection du feu dans le village» (27) et que les métamorphoses du feu, ajouterons-nous, symbolisent partout les métamorphoses, la croissance et le déclin des forces naturelles, héritières du feu solaire. Il est vraisemblable, selon Dumézil, qu’un chef de la corporation initiatique des masques ait été l’analogon d’un «Roi» (28) porté en triomphe dans un Char attelé ou sur les épaules des hommes-chevaux initiés. L’effigie de ce Roi flamboyant était allumée puis éteinte à la fin du carnaval, ce dont il reste encore quelque chose dans nos carnavals actuels.
Le grand comparatiste achève alors modestement et prudemment sa synthèse conclusive, avec les quatre constantes que nous y avons distinguées : «nous n’avons pas d’illusions sur la valeur de cette reconstitution : c’est un schéma qui doit laisser, par toutes les mailles, échapper des morceaux de réalité ; le détail des faits, quand on ne le touche pas directement, historiquement, ne se reconstitue pas» (29). Si l’on revient de ces constantes remarquables au contenu différencié sur lequel s’est appuyée la comparaison dumézilienne, on constate la mise en œuvre de l’équation entre les centaures grecs (kentauroi) et leurs homologues des civilisations hindoues (les Gandharva) et indo-iraniennes (les Gandarep), en faisant la supposition d’un terme indo-européen transformé à travers les prononciations langagières des peuples de l’Est, de l’Ouest et du Centre qui ont hérité par éclatement et division de la supposée communauté primitive qui aurait été une communauté de langue et d’idéologie (30). Dans l’Europe slave et iranienne aussi bien que dans l’Europe occidentale, les fêtes saisonnières mobilisent des démons masqués dont l’ambivalence comportementale (bienfaisance-malfaisance) est partout la même. Dumézil préfère d’ailleurs puiser ses exemples dans des manifestations collectives populaires plutôt que de s’adresser aux traditions religieuses élaborées (Avesta, Védas), en arguant du fait que les classes religieuses sont paradoxalement, par leur formalisme sophistiqué, plus éloignées des racines primitives des mythes.
Selon Dumézil, les formes primitives des rites et des mythes relatifs aux centaures continueraient donc de vivre davantage dans les milieux populaires, de la paysannerie notamment, auxquels, rappelons-le, est confiée la troisième fonction (la reproduction matérielle). Sans doute faut-il à présent renoncer à admettre un mouvement de déplacement de peuples d’Asie vers le Moyen Orient et la Grèce qui fonderait l’origine asiatique des centaures. Il s’agirait plutôt, comme nous l’avons dit, de peuples qui, issus d’une même région située vraisemblablement entre la mer Baltique et la mer Noire, se seraient dispersés de tous côtés pendant le troisième et le second millénaire, sans emprunts ni influence directe, du moins pendant de longues périodes postérieures à l’éclatement de la communauté. Quant au domaine latin, l’auteur montre que c’est dans les fêtes de février (Les Lupercales) que l’on peut trouver maintes correspondances entre les Luperques (ritualisant les boucs de Faunus) et les Centaures, et donc les Gandharvas de l’Inde, êtres célestes, musiciens et chanteurs. Les Lupercalia étaient les fêtes annuellement célébrées en l’honneur de Faunus (dieu hybride homme-bouc) par les luperques entre le 13 et le 15 février : «La troisième aurore après les Ides voit les Luperques nus : se déroule alors la fête de Faunus aux deux cornes» (31). La fête se déroulait près d’une grotte située au pied du Mont Palatin. Faunus protégeait les cultures et les élevages contre les loups, mais il est aussi violemment lubrique et détient un savoir prophétique de nature magique de sorte que ses prêtres, les luperques, fécondent les femmes du village en les fouettant avec des lanières faites de la peau d’un bouc sacrifié. Ce rite transposait acceptablement l’oracle de Junon adressé aux romains et aux Sabines, leurs nouvelles épouses : «Mères italiennes, qu’un bouc sacré vous pénètre…» (32). On voit que, comme le centaure, le faune latin (correspondant au satyre grec) réunit syncrétiquement les fonctions magico-directrices, les fonctions de violence guerrière et les fonctions de fécondité reproductrice.
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Abordons à présent nos remarques philosophiques personnelles : 1.- D’un point de vue strictement anthropologique interne à l’œuvre dumézilienne, nous faisons l’hypothèse qu’il est possible de relire l’ouvrage de 1929, sur la base de l’hypothèse des «trois fonctions d’ordre» auquel s’est ajoutée une «quatrième fonction», la fonction de «non-Ordre», élaborée après son œuvre et dans son droit fil, relecture à laquelle Dumézil n’a pu se livrer lui-même. Dans cette expression de «non-Ordre», le O majuscule renvoie au caractère hiérarchiquement premier de la fonction politico- religieuse. Le « non-Ordre » signifie, dans l’ouvrage de Pierre et André Sauzeau, tout ce qui est «autre» que l’articulation ordonnée des fonctions d’ordre spécialisées : chaos, licence, marginalité, altérité, tout cela fortement exprimé par des mythes (33). La fonction du sacré (investissant les pouvoirs politiques et religieux, les mythes, les rituels) ; la fonction de défense (guerrière, armée) ; la fonction de reproduction matérielle (agriculture, alimentation, échange de biens, consommation, sexualité), telles sont les trois fonctions d’ordre, articulées dans une subordination hiérarchisée. Le concept d’«idéologie» trifonctionnelle, n’a pas le sens marxiste de système de représentations au service des intérêts d’une classe dans sa lutte pour dominer les autres, mais le sens d’un système de représentations projeté de façon noétiquement autonome dans les mythes, les religions, les panthéons, les principes juridico-politiques, l’organisation sociale et les visions du monde. La démarche comparatiste consiste à extraire les constantes structurales de ces différents domaines, en s’abstenant de toute recherche d’une cause première sociale ou métaphysique : «Dumézil n’accorda jamais de fonction politique précise à l’idéologie des trois fonctions, n’exploita jamais la possibilité que lui offrait sa structure hiérarchique pour la considérer comme un instrument de domination, produit par les ‘prêtres‘ et mis au service des intérêts exclusifs de la classe dirigeante des guerriers» (34).
Du point de vue anthropologique, il faut rappeler que Dumézil n’a jamais non plus postulé une universalité a priori des structures de la pensée humaine, telle que Lévi-Strauss l’a explicitement soutenue. À ce formalisme structural qui rapprocherait le structuralisme d’un kantisme transcendantal, Dumézil oppose son structuralisme historique selon lequel les règles structurales sont régulatrices d’ensembles toujours empiriquement particuliers et en devenir, qu’ils soient purement idéels, sociaux ou narratifs. Ce sont ceux que constituent les seules cultures issues historiquement de la civilisation indo-européenne, qui n’est elle-même que l’objet d’une hypothèse protohistorique. Toutefois, d’un point de vue philosophique, ce structuralisme historique ne nous semble pas exclure, sinon un universalisme abstrait, du moins un universalisme concret que l’on pourrait mettre en correspondance, pour ce qui est de la philosophie contemporaine, avec la phénoménologie d’un Husserl et l’anthropologie culturelle d’un Cassirer. En tant que fonction de pensée signifiante, l’idéologie dumézilienne pourrait être rapprochée de l’intentionnalité «noétique» faisant apparaître un sens, chez Husserl, et de la fonction des «formes symboliques» structurant l’expérience culturelle, chez Cassirer (35). De plus, et plus antérieurement encore, une comparaison avec un certain Kant et un certain Hegel serait possible. Il nous semble en effet que le structuralisme de Dumézil n’est ni un empirisme purement descriptif de seules données historiques (une mythologie ethnographique en quelque sorte comme chez Malinowski ou chez Boas), ni une anthropologie philosophique de caractère transcendantal, impliquant une universalité logico-formelle de tout esprit humain que pourrait revendiquer au contraire Lévi-Strauss, soulignant la fécondité des modèles logiques et mathématiques formels pour comprendre la rationalité «inconsciente» des structures de parenté et des mythes d’origine dans le continent américain. C’est plutôt le Kant de la troisième Critique, la critique de l’imagination symbolique et aussi le Hegel des «figures de la conscience» dans la Phénoménologie de l’Esprit avec lesquels les principes du comparatisme dumézilien auraient, semble-t-il, une réelle affinité, comme l’ont aussi montré les études citées de Michel Poitevin (36). C’est bien en tant que concrètement universelle dans l’espace social et le temps de l’histoire indo-européenne qu’une relecture du problème des Centaures relèverait des constantes structurales jusque dans la «quatrième fonction», sous la forme d’une «marginalité», rythmiquement ordonnée, la fonction d’un non-Ordre, mais rituel et calendaire, donc en accord avec la structure d’ordre total.
La Révolution française a introduit l’égalité juridico-politique des citoyens ; ceci a entraîné l’indépendance de l’accès aux trois fonctions vis-à- vis des ordres sociaux et des classes auxquelles étaient, avant la révolution, réservée l’exécution de ces fonctions ; en vertu de cette égalité, tout citoyen peut accéder à toute fonction dans les limites du respect des lois ; mais cette égalisation d’accès social aux fonctions a-t-elle pour autant mis fin à la hiérarchie articulée des fonctions elles-mêmes ? Certes non, à moins de confondre hiérarchie tripartie des fonctions et hiérarchies des classes sociales (ou des castes) qui, avant l’avènement de la république, en assuraient le fonctionnement. Les conditions sociales historiquement particulières du droit universel d’accès à toutes les fonctions pour tout individu ont certainement été le développement et la structuration nouvelle des classes assurant la troisième fonction sous la forme production- échange(commerce)-consommation. C’est bien, comme Marx l’a montré, la classe bourgeoise, en tant que classe particulière, qui domine dorénavant les échanges et s’approprie les moyens de production en décidant aussi de la quantité et de la qualité des biens de consommation. Mais cette révolution sociale-économique conditionne à son tour une forme juridico-politique nouvelle : «tous les individus naissent libres et égaux en droit et les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune» (article 1er de la Déclaration de 1789). Sans reprendre les termes de cet article, la Déclaration de 1793 en conserve l’esprit, tout en insistant sur le droit de propriété (article 16) et la liberté d’entreprendre (article 17). Après l’avènement de la république, la reproduction de la vie matérielle (production – échange – consommation) ne peut s’effectuer en principe que dans le respect des lois de la constitution juridico-politique (première fonction), celles-ci mettant à son service les fonctions de l’armée et de la police (seconde fonction) dans le respect desquelles, également en principe, la fonction de reproduction matérielle (troisième fonction) – dans un sens élargi par les progrès scientifiques et techniques de la modernité – doit s’exercer. C’est la confusion entre hiérarchie sociale et hiérarchie des fonctions qui doit être ici évitée. Cette réduction sociologiste permet d’éliminer le problème de fond dont la cohérence et la pertinence, à notre sens, demeurent entières. De plus, Georges Dumézil n’était pas un philosophe du droit et de la politique et c’est sans doute la socialisation des accès aux fonctions qu’il avait en vue lui aussi en affirmant la disparition de la hiérarchie tripartie.
En effet, les pratiques de la troisième fonction sont réunies syncrétiquement, et de façon apparemment non-ordonnée, chez certains des Centaures, particulièrement chez Chiron, éducateur d’Achille auquel il apprend la musique sacrée et magique, les arts du combat, et qu’il nourrit d’aliments naturels (viande, miel, etc.). Il en va de même des Luperques latins mêlant syncrétiquement les trois fonctions. Pour nous en tenir au domaine grec, Achille est initié aux savoirs magiques et religieux par Chiron (première fonction) mais il est aussi un guerrier fort vaillant (seconde fonction) et un héros proche des mœurs et des usages paysans auxquels l’a initié Chiron (troisième fonction). On pourrait dire alors que certains centaures, tel Chiron, unissent en un même individu les pouvoirs des trois fonctions d’ordre (religieuse, guerrière, reproductrice) sous des aspects indissociés et que cette indissociation représente bien un «non-Ordre» en tant que «pré-ordre» confus, celui d’une unité originaire homme-animal quelque peu syncrétique en effet. Daniel Dubuisson l’a noté : «sachant que la troisième fonction ne présente pas un noyau unique et stable, il permet d’en couvrir la plupart des aspects (beauté, santé, procréation, élevage, nourriture) ; d’autre part, il permet de prolonger la hiérarchie vers le bas, jusqu’aux plantes, et ainsi d’englober toute la création, depuis les dieux souverains jusqu’aux plus modestes brindilles» (37). Dans le prolongement de cette relecture des cultes sacralisant les centaures hybrides, on pourrait ajouter que, dans le contexte des fêtes populaires, la distinction et la hiérarchie des trois fonctions d’ordre sont régulièrement effacées au bénéfice d’inversions et de confusions nécessaires à la vie du tout social, mais que c’est la troisième fonction, particulièrement familière aux couches productives de la population, proches de la nature, qui assume surtout cette rupture provisoire. Il semblerait même que, dans certains cas, la subversion des deux fonctions majeures au profit de la fonction de production et de consommation matérielle, exprime le besoin d’une régression à un état de non-Ordre «centauresque» auquel il est nécessaire de revenir périodiquement. La structure tripartie des sociétés indo-européennes fut énoncée en 1939, postérieurement à l’ouvrage sur les centaures (1929) ; toutefois, on peut rétrospectivement considérer que ces rites festifs primitifs constitueraient une unité syncrétique originaire des trois fonctions. Les rites festifs des Centaures exprimeraient donc la fusion originaire et cyclique des fameuses trois fonctions sociales, en un apparent désordre, mais réellement bien ordonné dans une temporalité périodique. Ils pourraient rendre compte des fêtes rituelles consacrées aux Centaures, aux Gandharvas et aux Luperques. Au cours de ces fêtes rituelles, la monstruosité sacrée des masques de «mélange homme-animal», de même que la licence sexuelle et alimentaire permise dans les «carnavals», nous paraissent une manifestation autorisée du «non-Ordre fonctionnel» épisodiquement nécessaire à la vie de ces sociétés traditionnelles, impliquant une quatrième fonction idéologique.
2. – Mais, à plus ample réflexion, on saisit que le «non-Ordre» peut fonctionner de deux manières spécifiquement très différentes : soit à l’intérieur d’un «ordre» chronologiquement régulier, saisonnier ou historiquement festif, tel le culte centauresque (38), comme ce fut le cas dans les sociétés passées rétablissant, après les fêtes du désordre sacré, leur ordre trifonctionnel hiérarchisé, soit, de façon non structurée par des règles hiérarchisées, le «non-ordre» surgissant alors de manière irrégulière et discontinue en brisant la hiérarchie antérieure et sa chronologie, rendant en apparence difficile, voire impossible, le retour de cette hiérarchie. Il y aurait donc deux sortes de «fonction de non-Ordre», l’une, régulièrement assumée, intérieure à l’ordre, l’autre extérieure à l’ordre et menaçant radicalement son maintien ou sa reconstitution, donc son existence. C’est ce que suggèrent Pierre et André Sauzeau dans leur ouvrage sur la quatrième fonction, distinguant deux formes de l’Autre de l’Ordre (non-Ordre) : «ou bien on l’admet ‘à la marge’, de façon provisoire ou permanente, en reconnaissant son utilité, qui peut être secondaire ou essentielle, tout en marquant sa différence ; ou bien on le considère comme décidément extérieur» (39). Si les cultes et les fêtes des Centaures illustrent bien l’«utilité marginale», mais «essentielle», d’un non-Ordre ordonné, les trois exemples historiques que nous allons donner dans la suite de notre analyse nous paraissent bien illustrer trois formes de non-Ordre «décidément» extérieures à la hiérarchie tripartie, tout en se posant en une opposition radicale à elle, mais de sorte que, logiquement, cette négation extérieure est encore déterminée en fonction de ce qu’elle nie. Ceci nous amène à nous demander s’il ne faut pas considérer chacune des trois fonctions sous deux aspects, l’un, celui où elle se soumet à la Dikè qui l’insère et en limite l’activité dans une hiérarchie tripartie ordonnée, l’autre, où elle sort de cette soumission et, devenue totalement extérieure à elle, se met sous l’emprise de l’Hubris, la démesure monofonctionnelle. Jean-François Mattéi rappelle à ce sujet que «le principe dyadique, d’abord, sous la forme dikè/hubris ou sous la forme légalité/illégalité, (qui) est la manifestation de la dualité cosmique de la ‘limite’, peras, et de l »illimité’, apeiron, présente dans toute la pensée grecque» (40). On a pu montrer que trois interprètes majeurs des «triades» dans la pensée grecque (Dumézil, Goldschmidt, Vernant) combinent, dans la lecture de ces triades, l’aspect de la Dikè et l’aspect de l’Hubris dont l’irruption brise la tripartition : «que la triade se présente sous une forme fonctionnelle (Dumézil (41)), théologique (Goldschmidt (42)) ou structurale (Vernant (43)), elle incarne au fond moins le chiffre des hommes que celui des dieux» (44).
Allons plus loin dans cette perspective opposant Dikè et Hubris. Dumézil montrait en 1939 que l’Allemagne national-socialiste opérait une régression vers la mythologie germanique en centrant les deux autres pouvoirs fonctionnels autour de celui du Chef-guerrier (45). Mais ce «non-Ordre» n’était point inscrit a priori dans la structure d’ordre trifonctionnelle comme l’avaient été les rites et mythes festifs des centaures ou de la Fête des fous, dont la marginalité était acceptée comme essentielle à l’ordre tripartie. Il représentait au contraire une rupture violente avec la séparation articulée entre les trois fonctions d’ordre traditionnelles instituées en Allemagne après la Renaissance et la Réforme : la fonction juridico-religieuse (que continuait la monarchie alliée au luthérianisme), la fonction guerrière (que continuait la noblesse d’épée allemande), la fonction productive (que continuait la paysannerie et la société civile). C’était, sans volonté de retour aux trois ordres articulés en hiérarchie, que la seconde fonction, la fonction guerrière, s’appropriait tous les pouvoirs en un seul, sans que la hiérarchie, devenue entretemps «républicaine» (46), lui en eût donné l’ordre et en rupture avec elle. Les deux autres fonctions traditionnelles de la mythologie germanique fusionnaient dans l’individu incarnant la fonction guerrière : Hitler revêtait le masque de Thôr, le dieu guerrier, en mettant à son service Odhin, le dieu souverain-magicien et Freyr, la divinité de la fécondité productive (47). S’il est du rôle professionnel d’un philosophe et éthicien de la culture tel que Cassirer de formuler un jugement de valeur, celui d’un savant, estime Dumézil, se limite à la description objective des faits et de leur structure. C’est seulement en tant qu’individu humain qu’il se prononcera. Or, loin d’approuver cette reprise mythico-politique falsificatrice, Dumézil déclarait à ce propos : «des ‘arya’, qui ne sont que les Indiens et les Iraniens, les racistes d’il y a cinquante ans ont tiré les ‘Aryens’, au sens d’Indo-Européens, avec les terribles effets que vous savez …» (48).
Ne pourrait-on pas dire alors que nos actuelles démocraties occidentales centrent à présent leurs fonctions sur la prédominance de la «fonction de non-Ordre», dans une modalité également extérieure à la hiérarchie des trois fonctions ? Si l’on accepte d’admettre un degré historique d’«élasticité et de tolérance de ce système triparti» (49), au point qu’il puisse «…s’adapter, se modifier sans renier pour autant ses principes constitutifs» (50), il est évident que, tant les monarchies européennes que nos actuelles démocraties républicaines, ont conservé, au moins dans leurs principes constitutifs, quelque chose du système trifonctionnel. L’actuel déplacement du non-Ordre est en quelque sorte centré de façon aliénante, non plus sur la fonction guerrière absorbant tout, mais sur la fonction de reproduction absorbant également tout. Il s’agirait bien d’une nouvelle rupture avec la hiérarchie tripartie d’un État républicain qui, à la différence des monarchies antérieures, et à côté du «pouvoir» de la volonté générale, avait institué «la religion civile». Cette dualité des deux « organes » de la première fonction pouvait sembler la reprise en contexte républicain de la dualité politico-religieuse dont la forme et le contenu monarchique avait été seuls supprimés. En ce sens, plutôt qu’une fonction, de non-Ordre extérieur à l’Ordre hiérarchique tripartie, la révolution française avait opéré une métamorphose interne de sa structure dans un contexte historique nouveau.
Il convient de rappeler la double étymologie du mot «religion» particulièrement à prendre en compte ici dans la mesure où, tant Dumézil que Cassirer considèrent le langage comme une infrastructure pour toute autre fonction culturelle. «Religion» peut se rapporter à relegere (recueillir, relire). Il s’agit du recueillement scrupuleux de l’âme avec Dieu, répétant et relisant les textes sacrés. Mais «religion» peut aussi renvoyer à religare, relier les hommes entre eux autour des mêmes valeurs sacrées, sans référence obligée à une transcendance monothéiste textuellement recueillie. Rappelons aussi qu’Hannah Arendt distingue la question de l’origine juridique des lois républicaines, le «pouvoir» législatif (potestas), c’est-à- dire la volonté générale s’exprimant par la majorité et la question de la valeur pérenne du principe de l’« autorité » de la loi (auctoritas), en tant que principe sacré reliant (religans) les hommes. Cette distinction fait «…le départ entre l’origine du pouvoir qui vient d’en bas et la source de la loi qui siège en haut, en quelque région supérieure…» (51). François Furet estimera de même que la volonté générale, condition nécessaire de la légitimité juridique du pouvoir, ne suffit pas pour comprendre l’autorité de la loi en tant que telle (52). L’unité dans la dualité du politique (pouvoir) et du religieux (autorité) ressurgit ici, nous semble-t-il.
Le sentiment de la valeur sacrée de la loi comme lien politique – sentiment religieux civil – échoue à se fonder sur une religion de la transcendance monothéiste. Tel a été l’échec de la structure de la religion civile chez son théoricien, Rousseau, et chez Robespierre qui, pour l’essentiel, voulut l’imposer à la république de son temps. Rousseau et Robespierre, tout en critiquant la religion chrétienne comme valeur politique, en avaient repris la forme abstraite dans leurs principaux dogmes. Il faut donc réserver l’union de la conscience individuelle avec la transcendance divine à la religion entendue comme «recueillement» du relegere intérieur de l’esprit individuel. Le principe de laïcité fait que cette sorte de religion doit être strictement séparée de la structure, des pouvoirs et de l’autorité politique. Mais cette séparation ne résout pas la question de la possibilité d’une «religion civile» distincte, dont les sources du sacré ne semblent pouvoir s’entendre alors que dans une manière de se «re-lier» (religare) à une autre source supérieure, mais autre que celle de la transcendance monothéiste. Ce n’est pas tant, comme l’a pensé Hegel (53), l’«abstraction» de la liberté sociale-civile qu’il faut reprocher à la république instaurée sous le pouvoir de Robespierre. Car ce moment d’abstraction du libre arbitre est nécessaire à la liberté de s’engager ensuite dans une des trois fonctions concrètes dans le cadre de la Constitution de 1793. Cette abstraction est donc le premier moment d’une dialectique de concrétisation progressive de la liberté du citoyen. C’est plutôt l’insuffisante indépendance de la «religion civile» (selon Rousseau et Robespierre) vis-à-vis des religions monothéistes et théo-centrées qui a semblé et semble encore inacceptable, tant aux citoyens pratiquant une religion de la «révélation» monothéiste qu’aux citoyens «athées». Cette religion civile demande d’admettre l’existence d’un Dieu unique, juste et bon, et de croire en l’immortalité de l’âme. Tels étaient les dogmes monothéistes qu’acceptaient malheureusement d’imposer le théoricien et, à sa suite, le praticien du républicanisme «révolutionnaire».
Lire aussi : Foi, croyance et dialectique du sens (André Stanguennec)
Imposer cette religion et les Fêtes en l’honneur de l’«Être suprême» (54) semblait à juste titre aux citoyens chrétiens une parodie sacrilège et aux citoyens athées une violation de la liberté d’opinion religieuse concernant les dogmes monothéistes. C’était également inacceptable pour les uns comme pour les autres. Si l’autonomie de la forme et du contenu de la religion civile à l’égard des religions monothéistes avait été accomplie jusqu’au bout, ce premier moment d’abstraction, (symétrique de l’abstraction de la liberté individuelle qui est son corrélat juridique) aurait dû, comme ce dernier, se concrétiser, en un second moment, dans le contenu entièrement nouveau d’une «religion civile» «reliant» (religans) les citoyens dans leur respect de l’«autorité» (auctoritas) sacrée de la loi. Mais à qui confier l’expression du «lien» sacré de la «loi» unissant les citoyens, une fois légitimement écartées la religion monothéiste et la métaphysique de l’Être, fût-il «suprême», options facultatives de la liberté de penser ? Hegel a montré qu’il n’y a que trois formes de la conscience de soi de l’esprit dans le tout absolu de l’être : l’art, la religion, la philosophie. Ayant écarté, comme elle l’aurait dû, les deux secondes, il ne serait resté pour la république que l’art auquel auraient dû être confiés la forme et le contenu représenté de la «religion civile». C’est ce qu’avait compris, avec sa lucidité habituelle, le poète Mallarmé. Dans de nombreux textes, à la fin du dix-neuvième siècle, ce poète avait problématisé le lien entre poésie, religion et politique, notamment dans «Divagations» (55) et dans «Le mystère dans les Lettres» (56). Sans user de la formulation dumézilienne, il constatait le déclin de la sacralité fondatrice de ce que le savant comparatiste nommait la «première fonction» et voulait, en tant que poète, contribuer au dépassement de la neutralité profane, «exclusivement laïque» (57) de l’État de «souveraineté populaire», un État qui avait renoncé à toute forme de «religion civile». Or, au positivisme théorique de l’époque faisait déjà écho la réduction sociale de la question politique et le rejet de la question religieuse dans le domaine de la seule liberté privée, en vertu du principe de laïcité. Selon Mallarmé, il ne s’agissait pas d’abandonner ce principe de laïcité, mais de dépasser un laïcisme «exclusif» en renouant avec le projet de religion civile comme refondation de l’autorité sacrée de la loi républicaine. La conséquence de l’abandon de la religion civile était «…un grand dommage (a été) causé à l’association terrestre, séculairement, …ce que des nécropoles sont au paradis qu’elles évaporent : un terre-plein…» (58). À ces réductions matériellement empiriques fragilisant la cité de façon mortifère, Mallarmé opposait l’exigence d’une véritable «religion civile» que fonderaient l’art et la poésie donnant au «théâtre» une forme et un contenu nouveaux (59) : «si dans l’avenir, en France, ressurgit une religion, ce sera l’amplification à mille joies de l’instinct de ciel en chacun ; plutôt qu’une autre menace, réduire ce jet au niveau élémentaire de la politique» (60). La refondation poétique du politique, projetée par Mallarmé se voulait en accord avec les principes sacrés de la république et avec l’unité Homme-Nature confirmée par les sciences contemporaines. On sait que Mallarmé a réactualisé poétiquement, sinon le Centaure, du moins le Faune, bénéficiant d’ailleurs généralement d’une plus grande longévité dans la culture européenne.
Fort sérieusement, il a voulu être informé des «liens» que montraient les sciences nouvelles entre l’autonomie évolutive de la nature et l’autonomie humaine, notamment morale et politique. Cette refondation est ainsi évoquée : «un Théâtre nouveau qui se prépare en France et que je prépare de mon côté ; quelque chose qui éblouisse le peuple souverain» (61). Mais elle se heurtait déjà à l’insouciance sceptique des contemporains. Le poète s’est donc peu à peu résigné, en admettant réalistement que la foule démocratique, qui n’est encore qu’une multitude aveugle au sens vrai de ses principes, risque bien pour longtemps de rester muette, sans proférer l’appel espéré vers le poète (62). La modernisation contemporaine de la quatrième fonction investit maintenant de son non-Ordre, extérieurement cette fois à la domination premièrement politique de l’État républicain, la troisième fonction, la fonction de production, avec ses modalités d’échange et de consommation sans limite a priori. Elle est volontiers festive, consommatrice de sexualité et de nourriture toujours plus variées, et souvent en révolte contre les deux autres fonctions, dont elle conteste la traditionnelle domination (63). En effet, ni l’autorité sacrée des principes républicains (la «religion civile» effacée) ni l’autorité de la «violence légitime» (Max Weber), privilège de l’armée et de la police républicaines, fonctions hiérarchisées naguère dominantes, ne peuvent dorénavant soumettre la «démesure» (Hubris) des forces de la troisième fonction, investies par une nouvelle modalité de la quatrième fonction, la fonction de «non-Ordre», explicitement extérieure à elles. Car ce non-Ordre est radicalement extérieur à l’ordre triparti, tout autant en rupture violente avec la hiérarchie traditionnelle que l’était le non-Ordre national-socialiste porté par une fonction guerrière omni-dévorante. En termes de fictions romanesques, on pourrait soutenir que, tandis que Georges Orwell prophétisait fictivement en 1940 le totalitarisme de la seconde fonction dans son roman 1984, Aldous Huxley avait, dès 1932, dans Le meilleur des mondes, prophétisé le «non-Ordre» de la «consommation» (excès alimentaires, sexe, drogue) en tant que finalité de la production dans la troisième fonction. Dans les deux œuvres, un conformisme rigide et menaçant, pèse sur des individus totalement dépersonnalisés. La «société de consommation» (64) qui nous définit présentement est une société centrée sur la valeur des biens produits et échangés dont la finalité dernière, aidée par les techniques de communication et de publicité spectaculaire (65), est le désir sans cesse alimenté d’une consommation sans limite. L’interprétation symbolique et culturelle entre ici en complémentarité avec l’analyse sociale du capitalisme, sans toutefois nier l’importance de cette dernière (66). Les «ordres» économiques et financiers auxiliaires de ce néo-libéralisme, que l’on dit parfois «sauvage», sont en rupture franche avec les traditionnels ordres juridico-politiques hiérarchisés, y compris républicains. Telle est la manifestation actuelle d’un «non-Ordre» extérieur à la hiérarchie symbolique de l’ordre fonctionnel et de sa structure tripartie. Bien que les classes assurant la fonction de production, aient, en raison de la proximité des phénomènes naturels, une affinité privilégiée avec l’hybridité centauresque et festive d’autrefois, son actuelle implosion consommatrice se produit à une époque de désacralisation et de désenchantement nihiliste. C’est ainsi que nos carnavals annuels n’offrent plus, dans leur autodérision, que les vestiges ironiquement esthétisés des masques sacrés.
STRUCTURE D’ORDRE FONCTIONNEL TRIPARTIE | SUCCESSION HISTORIQUE DES FONCTIONS DE NON-ORDRE |
1. Fonction politico-religieuse | 3. Fonction de terrorisme politico-religieux |
2. Fonction guerrière-militaire | 1. Fonction de totalitarisme guerrier-militaire |
3. Fonction productive-consommatrice | 2. Fonction de libéralisme producteur-consommateur |
Enfin, quelque peu postérieure au non-Ordre occidental de la consommation libérée de toute tri-fonction hiérarchisée et sacrée, se produit à présent, une troisième subversion de cette structure d’ordre tripartie, centrée sur la première fonction, la fonction politico-religieuse, s’accaparant tous les autres pouvoirs : le terrorisme islamiste politico-religieux. Celui-ci ignore et méprise la séparation tripartie des pouvoirs républicains articulés hiérarchiquement, ne serait-ce que dans leur principe, sinon dans les faits. Sans doute, si on le considère du point de vue linguistique (la langue arabe) et religieux (la religion islamique), point de vue privilégié par la méthode dumézilienne, l’arabo-islamisme représente déjà une figure de l’Altérité vis-à-vis de la structure linguistique et de la structure tripartie, structure commune aux cultures indo-européennes. Mais l’Altérité arabo-islamique ne s’est jamais voulue, sur le plan social et historique, aussi destructrice de la tripartition hiérarchisée, même si l’on tient compte des conquêtes guerrières de l’Islam aux septième et huitième siècles (67) – qu’elle le veut présentement vis-à-vis de la tri-fonctionnalité principielle des États républicains… ou de ce qu’il en reste en tant qu’ils se trouvent déjà aliénés par leur réduction implosive à la troisième fonction, la fonction de production-consommation.
Une réflexion philosophique, informée de la transformation de la perspective dumézilienne sur «le problème des Centaures» et des échantillons historiques de la fonction de «non-Ordre», nous semble finalement bien, en reprenant la formulation déjà citée d’Ernst Cassirer, être «…capable de rendre de grands services. Elle peut en effet aider à faire comprendre qui est l’adversaire que l’on combat…Le connaître ne signifie pas uniquement connaître ses défauts et ses faiblesses ; cela signifie aussi connaître ses forces» (68).
1 A. et P. Sauzeau, La quatrième fonction. Altérité et marginalité dans l’idéologie des Indo-Européens, Paris, Les Belles lettres, Coll. « Vérité des mythes », 2012, p.193.
2 G. Dumézil, Le problème des centaures. Étude de mythologie, Paris, Librairie orientale Geuthner, 1929, Ch. VIII.
3 Cf. Cf. en particulier, G. Dumézil, Mythes et dieux des Germains, Paris, PUF, 1939, Les dieux indo- européens, Paris, PUF, 1952, et Mythe et épopée, tome I, ’idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens, Paris, Gallimard, 1968.
4 G. Dumézil, La courtisane et les Seigneurs colorés et autres essais, Paris, Gallimard, 1983, Préface, pp.8-9.
5 Cf. notamment M. Poitevin, Georges Dumézil, un naturel comparatiste, Paris, L’Harmattan, 2002 et Georges Dumézil. L’enchanteur érudit, Rennes, éd. Apogée, 2019.
6 A. et P. Sauzeau, op. cit. cf. le Compte-rendu de J-B. Renard, in Archives des sciences sociales des religions, en ligne.
7 E. Cassirer, Le mythe de l’État, 1946, trad. B. Vergely, Paris, Gallimard, 1993, p.400.
8 G. Dumézil, Le problème des centaures, éd.cit., p.258.
9 Malgré les réticences d’un certain nombre de linguistes, Dumézil a toujours maintenu l’équation linguistique entre ces trois termes, par exemple dans Mitra-Varuna, essai sur deux représentations de la souveraineté, Paris, Gallimard, deuxième éd. 1948, pp.30-38. Antoine Meillet, (1866-1936) linguiste et maître de Dumézil, l’encouragea à ces rapprochements, auxquels il ajouta « celui du februum latin », cf. Bernard Sergent, Préface à G. Dumézil, Mythes et dieux des Indo-Européens, Paris, Flammarion, 2011.
10 Ixion est, selon Dumézil, si l’on en croit les textes, le « père des masques de fin d’hiver, héros de la roue solaire du début de printemps », Le problème des centaures, p.191.
11 A. et P. Sauzeau, op. cit., p.128.
12 Le roi Kékrops, homme à queue de serpent, est tenu pour le premier roi d’Athènes avant même que son nom ait été donné à la ville, cf. L. Gourmelen, Kékrops, le Roi-Serpent. Imaginaire athénien, représentation de l’humain et de l’animal en Grèce ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 2004, Introduction, p.9.
13 Empédocle, B 61, Diels-Kranz, trad. J. Bollack, Empédocle II, Origines, Paris, 1969, frgt. 508, p.183.
14 G. Dumézil, op. cit., p.191.
15 Ibidem, p.259.
16 E. Cassirer, La philosophie des formes symboliques, II, La pensée mythique, trad. J. Lacoste, Paris, éd. de Minuit, 1972, p.211.
17 Cf. sur ce point, en particulier, Laurent Gourmelen, « Le Centaure et les ambivalences du conseiller : Nessos et Chiron », in Dialogues d’histoire ancienne, 2017, Supplément, en ligne.
18 G. Dumézil, op. cit., p.259.
19 Rappelons que, selon Lucien de Samosate, Pholos, un bon Centaure, après avoir hébergé Héraclès, mourut accidentellement d’une flèche empoisonnée qu’il enlevait du corps d’un des mauvais Centaures tués par Héraclès.
20 Sur le bon Chiron, cf. Pindare, Pythiques III et IV notamment.
21 G. Dumézil, op.cit., p.259.
22 La version pindarique de l’origine des centaures sera reprise par le « Pseudo-Apollodore » et par « Philostrate ».
23 Pythiques, II, 42-48.
24 G. Dumézil, p.259.
25 Ibidem.
26 Ibidem.
27 Ibidem.
28 Ibidem, p.260
29 Ibidem.
30 Dumézil rappelle que Gandarep est un monstre qui effraie les populations et enlève les femmes, ce qui motive sa mise à mort par un héros, mais son ambivalence en fait aussi un esprit des bois, gardien des ruches sauvages et des trésors de la terre.
31 Ovide, Fastes, II, 267-268.
32 Ovide, Fastes, II, 441.
33 A. et P. Sauzeau, op. cit., p.14.
34 D. Dubuisson, Mythologies du XX° siècle (Dumézil, Lévi-Strauss, Éliade). Lille, Presses Universitaires de Lille, 1993, p.71.
35 Cf. M. Poitevin, « Analogie entre la notion de culture et la notion d’idéologie tripartie », in Georges Dumézil, un naturel comparatiste, éd.cit., pp.38-40.
36 M. Poitevin, « Schème kantien ou Idée platonicienne ? », op.cit., pp.155-156, « L’imagination productrice », p. 158-159, Ch. IV, Mythologie comparée et philosophie de l’esprit, pp.171-180.
37 D. Dubuisson, « Matériaux pour une typologie des structures trifonctionnelles », in L’homme, Année 1985, 93, p.119, en ligne.
38 La « Fête des fous » du Moyen Âge en Europe en est un exemple souvent commenté. Cf. P. Perdrizet in Le calendrier parisien de la fin du Moyen Âge d’après le Bréviaire et les Livres d’heures, Paris, Les belles lettres, Janvier 1933, Publications de la Faculté des Lettres de Strasbourg, n° 63, Janvier. Cf. aussi, H. Cox, La Fête des Fous, essai théologique sur les notions de fête et de fantaisie, Paris, Seuil, 1971.
39 P. et A. Sauzeau, souligné par les auteurs.
40 Nous renvoyons à J-Fr. Mattéi, « Le mythe d’autochtonie chez Hésiode et Platon », in Topiques, 2011, I, en ligne. L’auteur renvoie lui-même à son ouvrage, Le sens de la démesure. Hubris et Dikè, Cabris, Sulliver, 2009.
41 G. Dumézil, Jupiter, Mars, Quirinus, Paris, Gallimard, 1941.
42 V. Goldschmidt, « Théologia », article, Revue des Études grecques, 1950, pp.20-42, en ligne.
43 J- P. Vernant, « Méthode structurale et mythe des races », in Mythe et pensée chez les Grecs, 1966, en ligne.
44 J-Fr. Mattéi, « Le mythe d’autochtonie chez Hésiode et Platon », in Topiques, 2011, I, pp.35-49, en ligne.
45 G. Dumézil, Mythes et dieux des Germains. Essai d’interprétation comparative, Paris, PUF, 1939.
46 Il s’agit de la « République de Weimar », fondée à la fin de la première guerre mondiale ; elle dura de 1918 à 1933.
47 Cf. le commentaire de M. Poitevin, in Georges Dumézil, un naturel comparatiste, éd.cit., Ch. II. La remythisation, 1. Le retour de la mythologie germanique et 2. Mythologie germanique et religion politique, éd.cit., p. 81-84.
48 G. Dumézil, in Entretien, 1980, cité par M. Poitevin, in op.cit., p.96, souligné par nous.
49 D. Dubuisson, article cité, p.120.
50 Ibidem.
51 H. Arendt. Essai sur la révolution, trad. M. Chrestien, Paris, Gallimard, 1967, p.270.
52 F. Furet, « Réflexions sur l’idée de tradition révolutionnaire dans la France du XIXe siècle », in Pouvoirs, n° 50, 1989, p.11.
53 G.W.F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 258, Rem., trad. J-F. Kervégan, Paris, PUF, 1998, p.335 : « ces abstractions ont bien, d’un côté, produit le premier spectacle prodigieux depuis que nous savons quelque chose du genre humain : débuter la constitution d’un grand État effectif à partir de zéro…».
54 Sur la Fête républicaine comme « terreur préventive », cf. notre ouvrage, Les horreurs du monde. Une phénoménologie des affections historiques, Paris, éd.de la Maison des sciences de l’homme, 2010, Ch.VI- L’esthétique de l’horreur contemporaine. La dialectique de la liberté et de la Terreur, pp.123-137.
55 Mallarmé, « Divagations », en particulier la série des « Grands faits divers », ensemble de réflexions critiques sur une littérature « seule à même de refonder la cité moderne », B. Marchal, Notice des « Divagations », Œuvres Complètes, Paris, Pléiade, II, p.1611.
56 Mallarmé, « Le mystère dans les Lettres », OC, II, pp.229-234.
57 Mallarmé, « Offices », OC, II, p.244.
58 Mallarmé,« La Musique et les lettres », OC, II, p.74.
59 Concernant ce point essentiel, je me permets de renvoyer à mon livre, Mallarmé. Un théâtre de l’esprit, Paris, H. Champion, 2017, Chapitre II. Musique, théâtre, Logique et politique, (2.- Théâtre idéal et théâtre réel, vers une refondation sacrée, pp.64-90 et 5.- Du théâtre à la politique, pp.132-165).
60 Mallarmé, OC, II, p.74.
61 Lettre du 28 décembre 1877 à Arthur O’Shaughnessy, OC, II, p.777
62 Sur cette résignation, cf. B. Marchal, La religion de Mallarmé, Paris, Corti,1988, pp.534-537.
63 Le film de M. Ferreri, La grande bouffe (La grande abbuffata, 1973) montre particulièrement bien que la fonction de non-Ordre, investissant la troisième fonction d’ordre, mène à une consommation démesurément et délibérément suicidaire de la part des quatre personnages principaux.
64 Cf. J. Baudrillard, La société de consommation, ses mythes, ses structures, Paris, éd. Denoël, 1970.
65 Cf. G. Debord, La société du spectacle, Paris, Gallimard, 1967. Cf. également N. Postman, « Se distraire à en mourir » (Amusing ourselves to Death, 1985), trad. française Paris, éd. Nova, 2010.
66 Depuis les analyses décisives de K. Polanyi dans La grande transformation (1944, Paris, Gallimard ,1983) s’est confirmé le fait que « le marché autorégulé » s’est libéralement « libéré » de la plupart des contraintes régulatrices extérieures qui limitaient son « entreprise ».
67 Cf. Ph. Senac, L’Occident médiéval face à l’Islam, Paris, Flammarion 1983, 2000. Cf. aussi, Th. Blanquis, P. Guichard, M. Tillier, (dirs.), Les débuts du monde musulman, VIIe-Xe siècle, Paris, PUF, 2012.
68 E. Cassirer, Le mythe de l’État,1946, tra. B. Vergely, Paris, Gallimard, 1993, p.400.
Agrégé et docteur d’Etat, André Stanguennec est professeur émérite de Philosophie à l’Université de Nantes, où il a enseigné de 1969 à 2007 et appartient au Centre CAPHI. Président de la Société nantaise de Philosophie, spécialiste de l’idéalisme allemand et penseur d’une herméneutique contemporaine, il a dernièrement publié Novalis-Mallarmé. Une confrontation (Éd. Honoré Champion, 2020).
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