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Plus loin que l’actualité : philosopher jour après jour

6/11/2022 | par Denis Moreau | dans Philo Contemporaine | 2 commentaires

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LES BONNES FEUILLES : Nous publions avec plaisir un extrait du nouvel essai Plus loin que l’actualité : philosopher jour après jour (éd. Desclée de Brouwer, 2022) de Denis Moreau. Le professeur à l’Université de Nantes se fait pour l’occasion philosophe des événements quotidiens, mais établit en même temps les critères d’une telle pratique qui puisse demeurer rigoureuse, histoire d’éviter de se transformer en «perroquet philosopiste».

Philosopher dans le tumulte de l’actualité ? Ce n’est pas la petite rédaction d’iPhilo qui se bouchera le nez à cette idée. En 2012, quand nous avons lancé ce journal en ligne, l’idée était précisément de se faire «journasophe» numérique, un joli barbarisme forgé par Sven Ortoli et Michel Eltchaninoff de Philosophie Magazine. Dans notre premier éditorial (il y a maintenant plus de 10 ans !), nous écrivions : «Le philosophe allemand Günther Anders a critiqué une tendance de la philosophie à ne parler qu’aux philosophes : c’est aussi absurde assurait-il qu’un boulanger qui ne vendrait du pain qu’à ses disciples boulangers». Et nous titrions : «La philosophie, un média antique et contemporain». Cette intuition, nous la conservons plus que jamais. Mais l’on voit en même temps le danger de la «philosophisation» de l’actualité, qui repose sur le désir bien naturel de dégager du sens des événements qui s’enchaînent toujours plus vite. Le risque, néanmoins, est de voir débarquer sur nos écrans de télévision d’habiles rhéteurs qui construiront un séduisant discours capable de lier artificiellement les «nouvelles» entre elles pour apporter ce supplément d’âme que recherchent nos contemporains. Parfois et même souvent au prix d’un sacrifice : celui de la rigueur philosophique, plus confortablement nourrie dans l’austère ambiance des amphithéâtres.

C’est donc avec plaisir que nous accueillons les «bonnes feuilles» du dernier ouvrage de Denis Moreau, professeur d’histoire de la philosophie moderne à l’Université de Nantes et par ailleurs «journasophe» au magazine La Vie. Le philosophe catholique a réuni ses chroniques en un très bel ouvrage qui a un double mérite : il prend le risque d’une part de philosopher dans une variation infinie autour de l’actualité, tout en, d’autre part, posant les bornes épistémologiques d’une bonne philosophie de l’actualité. Le courage d’agir et en même temps de penser cette action. Denis Moreau dégage à cet égard dix règles pour philosopher jour après jour. En exclusivité, nous vous faisons découvrir la 10ème. Mais, bien sûr, n’hésitez pas à lire son ouvrage pour connaître les neuf premières. Vous ferez alors un parfait «journasophe».


Membre de l’Institut universitaire de France, ancien élève de l’École normale supérieure, Denis Moreau a été reçu premier à l’agrégation de philosophie en 1990. Il a enseigné à l’Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, puis à l’Université de Nantes, où il est actuellement professeur d’histoire de la philosophie moderne et de philosophie de la religion. Membre de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire, il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, entre autres : La Philosophie de Descartes (éd. Vrin, 2016) ; Comment peut-on être catholique ? (éd. Seuil, 2018) et dernièrement Plus loin que l’actualité (éd. DDB, 2022).


Je me suis donné une dernière règle, qu’on verra souvent à l’œuvre dans les textes du présent volume, et qui pourra de prime abord surprendre, voire agacer sur le mode du «mais pourquoi, pour penser l’actualité, s’encombrer de telles vieilleries ?» : j’ai fait quasi exclusivement le choix d’interroger l’actualité à l’aide d’outils, de concepts, de procédures de raisonnement fournis par des philosophies datées, constituées il y a plusieurs siècles. Ce choix est délibéré, et je le crois fructueux. C’est une conséquence de l’idée que, pour philosopher sur l’actualité, il peut être opportun de la considérer anachroniquement. Du point de vue de leur rapport temporel à ce qu’ils évoquent, on peut en effet distinguer grosso modo quatre figures d’interprètes des événements.

Lire aussi : La philosophie, un média antique et contemporain (Alexis Feertchak)

En premier lieu, l’éditorialiste (ou, dans un autre registre, le sociologue) : il interprète « l’événement » en essayant de décrypter son sens dans l’horizon de la contemporanéité, il parle de l’époque avec les instruments de l’époque, c’est-à-dire, inévitablement, en manquant de recul sur son objet, un peu comme lorsqu’on cherche à s’observer soi-même. L’éditorialiste déchiffre le présent avec les instruments du présent. C’est une tâche difficile. Ceux – rares – qui y excellent méritent le plus grand respect. Mais je ne me sens aucun talent et, en tant que philosophe, aucune capacité particulière pour cela. Vient ensuite l’historien. On dit parfois que son travail commence vraiment, et au plus tôt, une cinquantaine d’années après les faits auxquels il s’intéresse, c’est-à-dire au moment où vont bientôt disparaître les derniers témoins de ces faits. L’histoire ainsi conçue permet, par définition, la prise de recul, la distance critique dont manque l’éditorialiste. Mais elle ne peut évidemment pas prendre l’actualité pour objet. La tâche de l’historien est celle d’une interprétation du passé avec les instruments du présent.

Entre celui qui interprète le présent avec les instruments du présent et celui qui interprète le passé avec les instruments du présent, il reste, logiquement, deux places à occuper. Celle de qui recueille ou interprète le passé avec les instruments du passé : le mémorialiste. Et celle de qui interprète le présent avec les instruments du passé. Cette dernière place est celle du philosophe qui choisit de jouer l’anachronisme conceptuel. Bien sûr, il est envisageable, et sans doute plus hype, de tenter d’interpréter le présent à l’aide des outils fournis par les philosophies actuelles, les pensées à la mode. Mais cela conduit, au mieux, à se retrouver dans la position de l’éditorialiste, celui qui interroge l’époque avec les instruments de l’époque ; et cela risque d’amener, au pis, à une retombée dans les fourvoiements évoqués plus haut. J’ai donc tenté de parler du présent avec les outils des (bons) philosophes du passé, et particulièrement ceux que j’apprécie : Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Descartes, Pascal, Spinoza, Leibniz, Malebranche, Kant. Tel est le pari philosophique de celui qui estime que l’histoire de la philosophie n’est pas seulement de l’histoire (de doctrines passées) mais qu’elle consiste aussi, au sens strict de l’expression, à actualiser les classiques, en appliquant ce qu’ils nous ont appris à l’actualité. Idéalement, on conserve ainsi à la fois le propre de l’éditorialiste (interpréter le présent) et la position privilégiée de l’historien, c’est-à-dire le recul, le décalage, la prise de distance qui permettent une certaine forme d’objectivité et une analyse de l’actualité qu’on n’est pas en mesure de proposer quand on est collé contre les complexités du devenir en train de s’accomplir. Pour le dire en une formule : le pari d’une interprétation philosophiquement anachronique de l’actualité est de postuler que la République de Platon offre un angle de réflexion qui permet de comprendre, sur ce qui se passe dans nos actuelles cités, des choses que n’aperçoivent ni l’éditorialiste ni l’historien. J’ai rappelé plus haut la belle expression de Michel Foucault évoquant la tâche du philosophe s’attaquant à l’actualité : produire une «ontologie du présent». J’avoue ne pas bien saisir ce que Foucault a voulu dire par là (d’autant plus qu’il n’a à ma connaissance jamais écrit quoi que ce soit qui ressemble à une ontologie) et je crains de toute façon qu’une telle démarche ne puisse conduire qu’à éditorialiser derechef sur l’actualité. Mais si par «ontologie» on entend «grille d’interprétation philosophique de la réalité», mon projet dans la plupart des textes réunis dans ce volume a été d’interroger le présent avec les ontologies du passé. Je n’ai aucune envie de hiérarchiser les différentes activités et places que je viens d’évoquer en soutenant, par exemple, que cette façon d’interpréter l’actualité est meilleure que celle de l’éditorialiste. Il suffit de remarquer qu’elle est différente, et que cette différence confère, peut-être, son sens et sa légitimité à une interprétation philosophique de l’actualité.

Pour analyser philosophiquement l’actualité, jouer autant que possible la carte de l’anachronisme conceptuel ou de l’actualisation de l’histoire de la philosophie, c’est-à-dire utiliser les outils philosophiques fournis par les grands philosophes du passé pour interpréter notre présent. J’en étais là – c’est-à-dire, je l’admets volontiers, pas beaucoup plus avancé – dans mes réflexions lorsqu’au printemps 2015, le journal La Vie me proposa de tenir une chronique mensuelle dans son cahier intitulé «Plus loin que l’actualité». La commande était redoutablement simple : en 4000 signes [1], aborder avec un regard de philosophe un aspect de l’actualité, lato sensu. Ma première réaction fut de refuser poliment la proposition, d’une part parce que je ne me sentais pas le talent personnel pour l’honorer, et d’autre part parce que, pour les raisons que je viens de rappeler, il me semblait philosophiquement très difficile de tenir ce cahier des charges. Pourquoi ai-je fini par changer d’avis et par écrire une série de chroniques dont une sélection constitue le présent ouvrage ? Diverses raisons expliquent ce revirement : la douce pression («tu devrais essayer, ce pourrait être amusant») de certains amis consultés à ce sujet, la curiosité qui me prit à l’idée de me lancer dans une activité philosophiquement borderline, l’envie de tomber un peu mes austères oripeaux d’universitaire, ma crise de la cinquantaine peut-être. Mais la principale de ces raisons tint, de façon là encore parfaitement anachronique, à la pensée de mes deux philosophes favoris, Descartes et Spinoza. Que viennent, dira-t-on, faire Descartes et Spinoza dans cette affaire, eux qui n’ont jamais philosophé sur l’actualité ? C’est que chez eux on rencontre deux thèses complémentaires qui ont eu sur moi un effet libérateur tandis que je m’enferrais à n’en plus finir dans des questions compliquées et des interrogations gigognes en tournant et retournant la question : «Cela a-t-il un sens, et de l’intérêt, de philosopher sur l’actualité ?».

Quand on souhaite réfléchir sur un aspect de la réalité, la meilleure façon de faire du surplace, voire de régresser, est de se lancer au préalable dans des questionnements interminables et sophistiqués sur les «conditions de possibilité» de ce qu’on entreprend. […] On peut passer, et perdre, sa vie à ne rien forger en se demandant : mais quel est le marteau qui nous a permis de forger le marteau qui nous a permis de forger le marteau, etc. ? La réponse de Spinoza à ces interrogations paralysantes est d’une libératrice simplicité : nous avons des marteaux, même rudimentaires, servons-nous-en, et nous nous engagerons ainsi dans une démarche de progrès qui nous rendra capables de forger de mieux en mieux avec de plus en plus de facilité. Transposons, comme Spinoza, cette analogie au domaine de la pensée, et par exemple à la question : cela a-t-il un sens, et de l’intérêt, de philosopher sur l’actualité ? On peut, comme je le fis, régressivement passer trente ans à se poser cette question, à la décomposer en sous-questions elles-mêmes décomposables en sous-sous-questions. On peut aussi, un jour, décider de se lancer et tenter d’avancer avec les moyens intellectuels du bord, en espérant que par cet avancement et cette activité, on comprendra petit à petit et de mieux en mieux ce qu’on est en train d’accomplir, et qu’on s’y montrera donc de plus en plus performant.

Mal compris, cet éloge spinoziste de l’audace spéculative risque toutefois de reconduire à la posture du perroquet philosophiste estimant avec une intempérante intrépidité qu’il a nativement et sans plus de précautions les moyens de se lancer dans une interprétation philosophique de l’actualité. D’où l’importance d’une deuxième leçon, reçue de Descartes : il est important de philosopher méthodiquement, c’est-à-dire en étant guidé par des règles qui organisent la pensée ; mais il faut le faire en se gardant d’une conception elle aussi stérile de la méthode qui verrait en elle une sorte de «mode d’emploi» hyper-détaillé pour bien penser, une série de nombreuses règles ou de multiples protocoles toujours applicables et qui produiraient mécaniquement du savoir correctement formé. Dans une Lettre à Mersenne du 27 février 1637, Descartes affirmait ainsi que «la méthode consiste plus en pratique qu’en théorie». La «méthode» n’est pas donc entendue comme un préalable à la philosophie. La méthode est la philosophie en acte, en train de s’édifier tout en prenant conscience des conditions de cette édification. C’est pourquoi Descartes évite les deux écueils entre lesquels ont à louvoyer tous ceux qui se soucient de méthode : le formalisme creux de règles totalement dissociées des contenus auxquels elles s’appliquent ; et la prolifération anarchique de contenus dont rien n’organise les rapports.

J’ai essayé d’être fidèle à cette magistrale leçon : à la façon de Descartes dans la seconde partie du Discours de la méthode, je me suis, comme on l’a vu en lisant cette introduction, doté d’un petit nombre de règles destinées à assurer un encadrement minimal de ma pratique de philosophe de l’actualité, pour éviter de penser de façon par trop anarchique et de dire n’importe quoi. Mais je me suis lancé dans cette activité nanti seulement de l’encadrement minimal de ces dix règles, sans autre idée préconçue sur ce qu’il convenait de faire pour bien philosopher sur l’actualité et sans avoir rédigé un imposant traité qui aurait répondu de façon précise et préliminaire à la question : «Cela a-t-il un sens, et de l’intérêt, de philosopher sur l’actualité ?». Ai-je bien fait ? Cette décision d’écrire une certaine forme de philosophie en actualisant anachroniquement les recommandations pour bien philosopher formulées il y a près de quatre siècles et dans un tout autre contexte par Descartes et Spinoza a-t-elle été fructueuse ? Là aussi, le lecteur jugera.

«La philosophie vient toujours trop tard […]. Lorsque la philosophie peint son gris sur du gris, une forme de la vie a vieilli et elle ne se laisse pas rajeunir avec du gris sur du gris, mais seulement connaître. La chouette de Minerve [animal symbolisant la philosophie] ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit», écrivait Hegel à la fin de la Préface de ses Principes de la philosophie du droit, pour signifier que la philosophie n’est en mesure de comprendre un processus qu’une fois qu’il est achevé. Cette considération n’est, à nouveau, pas très encourageante pour celui qui envisage de philosopher sur ce qui est encore exposé à la blanche et actuelle lumière du grand jour. Elle signifie peut-être aussi que ce n’est qu’après avoir philosophé sur l’actualité qu’on est en mesure de comprendre un peu ce que cela représente. J’espère, au moins, en être arrivé à ce point.

Pour aller plus loin : Denis Moreau, Plus loin que l’actualité. Philosopher jour après jour, éd. Desclée de Brouwer, 2022

[1] Cette forme brève est bien sûr une contrainte (étant entendu que, pour des textes paraissant dans la presse écrite, ce volume de 4 000 signes est déjà généreux). À quelques exceptions près, j’ai conservé ce format dans la reprise de ces chroniques : il n’est certes pas facile de développer des idées philosophiques dans un tel format, qui contraint à simplifier, à ne pas s’embarrasser des nuances et subtilités qui font la saveur d’une philosophie digne de ce nom. Mais cette forme brève a l’avantage d’obliger à aller à l’essentiel en évitant bavardages et épanchements stylistiques.

 

Denis Moreau

Ancien élève de l’École normale supérieure (L1987)2 et membre de l’Institut universitaire de France, il a été reçu premier à l'agrégation de philosophie en 19903. Il a enseigné à l’université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, puis à l’université de Nantes où il est actuellement professeur d’histoire de la philosophie moderne et de philosophie de la religion. Il est membre de l'Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire.

 

 

Commentaires

J’apprécie beaucoup ce texte, bien qu’étant une personne qui me méfie de la philosophie.
J’y retrouve bon nombre de mes interrogations personnelles sur la possibilité de relier le passé et le présent, surtout dans une civilisation muséale. (tout en pensant que la civilisation en Occident pousse à sortir la culture/l’histoire du musée, où elles ont été mises en boite, et donc, hors circulation, pendant longtemps.)
Mille fois oui pour la remarque qu’une réflexion sans POINT de départ, sans rigueur intellectuelle, « méthode », s’étiole, dans un processus de métonymie sans fin, comme dirait Jacques Lacan, je crois. Est-ce que cela tourne en rond, ou cela tend à partir vers les confins d’un univers sans bords ? Difficile à dire.
La métonymie, la (non) association qui se veut libre de toute contrainte, de pensée ou autre, sous-tend le fait d’être devant un écran et de cliquer sur des « liens » (lol) pendant toute une journée, et la suivante, et ainsi de suite.

Une interrogation supplémentaire : dans un des derniers livres de Jacqueline de Romilly, elle parle de « Bérénice » de Racine, et critique la démarche de quelques enseignants qui « actualisaient » la pièce en ramenant la situation des protagonistes à quelque chose avec lequel les adolescents pouvaient s’identifier dans leur quotidien.
Elle s’est offert le luxe de désapprouver, et j’approuve sa désapprobation. Pourquoi devons-nous… ramener le passé, l’histoire, la littérature et la culture du passé à des « émois » ou des situations que nous pouvons « comprendre » dans notre culture ? Pourquoi ramenons-nous le passé vers nous, au lieu de sauter à pieds joints pour nous dépayser ? dans un autre monde, en tentant de NOUS mettre dans la peau des autres, au lieu de les mettre dans les nôtres ?
Il me semble que… ce serait une démarche d’altérité plus stimulante. En ce moment, je cherche, parfois désespérément, un peu d' »autre » dans un monde qui est obsédé par « le même » (« identité »). Interrogation supplémentaire : dans quelle mesure l’exercice de la démocratie est compatible avec la philo-sophie, A LA LONGUE ? en sachant que cette démocratie est la glorification du même, donc, de la non-altérité ? A grande échelle, en tout cas.
D’accord avec Hégel dans son observation si poétique. Il me semble que c’est la nature de la pensée elle-même de comprendre dans l’après-coup. Est-ce que l’après-coup est pour autant un… recul ? Il est tentant de le croire, mais je ne sais pas maintenant si cela tient la distance à la longue.
C’est un fait avéré que nous ne savons pas ce que nous faisons au moment où nous le faisons. C’est la nature de notre monde qui le veut.
Je chercherai le livre ; il m’intrigue. Merci de le présenter.
Un dernier mot sur le parti-pris d’aller à l’essentiel dans un style qui ne s’embarrasse pas d’ « épanchements stylistiques ».
On a peu dire que le style, c’est l’homme. Ou.. ecce homo, comme vous voulez. Je crois qu’il n’y a rien de superflu dans ce credo, pas plus que le style est superflu. Il est dangereux d’estimer que l’essentiel est forcément… clair, directe, concis. Dans la mesure où le verbe fait son monde, j’affirmerai qu’un verbe « clair, directe, concis » (notre parti pris pour comprendre le style… grec ?) crée un monde. Mais un style qui n’OBEIT PAS à ce parti pris crée… un autre monde (et un autre homme/femme ?).
Vaut-il plus qu’un monde qui s’organise autour de nos préjugés sur le monde grec ? Vaut-il… moins ?
Une minute de silence pour continuer à faire le deuil du monde du verbe grec… nous n’allons pas le retrouver. Il nous est définitivement perdu. Il nous reste tout au plus notre imagination pour accéder à ses textes, et essayer de nous mettre dans la peau de ses protagonistes.

par Debra - le 7 novembre, 2022


En proie à l’insomnie l’autre soir, j’ai réfléchi à ces réticences sur la démarche philosophique.
En la mettant en face du théâtre, de l’épopée, de la littérature, il me semble que la langue philosophique est plate et, visant la compréhension, explique.
« Expliquer » vient de l’idée d’enlever les plis. Mettre…le monde à plat (et la langue avec, dans l’ensemble, si je comprends bien, mais je me trompe peut-être. La citation de Hegel est une consolation et une surprise, mais… elle est dans la préface.)
Il me semble que la philo permet de penser… à plat, et en surface, mais pas sur plusieurs plans en même temps, et en profondeur, comme une corde pincée qui fait résonner la corde à côté, où on entend les harmoniques…

par Debra - le 9 novembre, 2022



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