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En ce moment, je découvre avec ravissement le « Phaedre » de Platon (en traduction anglaise), ayant surmonté enfin des préjugés considérables contre la lecture de la philosophie. Platon n’est pas qui je pensais. Il est bien plus.. littéraire que je ne me l’étais imaginée, ce qui n’est pas du tout pour me déplaire. (Mais j’ai des souvenirs assez déplaisants de « La République/La Politeia », lu il y a très longtemps quand j’étais étudiante.)
Je ne peux pas m’empêcher d’interroger Sylvain Portier sur ses ambitions, ayant constaté, malheureusement, que le désir de rendre quelque chose accessible au plus grand nombre me semble toxique pour la discipline en question. (Je ne sais pas dans quelle mesure l’arrivée des sophistes sur Athènes n’obéit pas à ce même mouvement circassien qui nous submerge en ce moment.) Si, en rendant la philosophie accessible au plus grand nombre, on détruit la philosophie, qu’est-ce qui est gagné ?
Le monde est ainsi fait, et je crois qu’il restera ainsi, qu’on désire surtout ce qui est rare. La nature du désir est de sortir du lot, d’élire. J’ai des connaissances qui s’imaginent que nous pourrons faire abstraction de réalités psychologiques, mais je n’aurais pas cette prétention.
Après, il me semble qu’il serait bon d’interroger la manière dont nous avons besoin de faire spectacle de tout. Cela ne me semble pas sain, et je ne sais pas dans quelle mesure on peut concilier ce tout-spectacle avec un authentique ? désir de connaissance, telle que j’imagine le but de la philosophie.
On pourra m’objecter, je suppose, que je suis une snob élitiste, sauf que je ne suis…. qu’une midinette qui ose enfin ouvrir le « Phaedre » de Platon pour mon plaisir. En autodidacte amateur. Et je ne gagne pas ma vie en professant la philo non plus. De quel droit le ferais-je ?

Comment en effet ne pas juger « élitiste » le fait de vouloir qu’une culture, notamment la philosophie, ne soit pas accessible à un large public ? C’est ce que je m’efforce de faire sur ma petite chaîne YouTube, car je ne pense pas qu’il y ait une « vraie » philosophie, celle des doctorants et des professeurs émérites : il y en a pour les enfants, les adolescents, les adultes qui n’ont pas la chance d’avoir le capital culturel requis pour lire Aristote, Kant, etc. en y prenant du plaisir. Il y a, il est vrai, des « sophistes » sur les réseaux sociaux, qui prétendent résumer la pensée d’un auteur en quelques secondes ou le programme de philosophie de Terminale en quelques minutes… il ne me semble pas que ce que je produis, en vidéo ou par écrit, soit de ce genre de caricature de la pensée philosophique. Descartes lui-même écrivait en français plutôt qu’en latin, pour que les femmes notamment puissent philosopher, et l’élitiste Kant a daigné rédiger pour le peuple une version de la « CRP » assez accessible (les « Prolégomènes »). Si nous n’avions pas la bienveillance de faire ainsi, vous devriez lire le « Phèdre » de Platon en grec (sinon, là commence le partage à la vulgate qui ne le mérite pas), et les messes seraient encore données en latin (mais je ne suis personnellement pas très « Vatican 1 »). Bien à vous,