Jean Picq
Magistrat honoraire et ancien Président de Chambre à la Cour des Comptes, ancien Secrétaire général de la Défense nationale, Jean Picq est Professeur à Sciences Po Paris, où il enseigne l'histoire de l'État et des rapports entre religion et politique. Il est notamment l’auteur des ouvrages Il faut aimer l'Etat (Flammarion, 1995) ; Histoire de l’Etat en Europe (Presses de Sciences Po, 2009) et La liberté de religion dans la République (Odile Jacob, 2014).
La laïcité a pu être hier un instrument de combat contre les religions, elle ne devrait plus l’être aujourd’hui. L’homme est tout un. Comment pourrait-il se priver dans l’exercice de sa liberté de citoyen du soutien que lui donne ses convictions philosophiques ou religieuses ? C’est sagesse pour chacun dans un État démocratique de ne pas s’enfermer dans une communauté de pensée ou de foi et de mettre à l’épreuve ses convictions dans le débat public.
Faut-il aimer l’Etat ?
L’Etat de droit, fruit des conquêtes politiques et sociales de la longue histoire, nous devons l’aimer parce qu’il nous protège. L’un des malheurs de notre Etat réside dans la maxime « chacun pour soi, l’Etat pour tous » que la drogue de la dépense publique a réussi depuis cinquante ans à installer dans les esprits.
L’Europe et ses Etats
L’Etat est né en Europe, l'Europe est une construction des Etats. C’est par eux qu’elle s’est faite tout au long des cinquante dernières années. Depuis l’origine, un débat pertinent oppose ceux qui, s’appuyant sur l’histoire des nations qui la composent, en tiennent pour une construction intergouvernementale et ceux qui, forts de l’expérience des premiers traités, croient que seule une logique fédérale peut permettre d’avancer. La réalité observée est celle d’une délicate alchimie des deux logiques que traduit parfaitement l’oxymore de Jacques Delors, qualifiant l’Union de « fédération d’Etats-nations ». Mais vient un jour - et nous y sommes - où l’alchimie, révélant ses faiblesses, doive être redynamisée par un effort politique d’invention.