Centralité de la Souveraineté
Nous publions avec l’aimable autorisation de son auteur les bonnes feuilles de Souveraineté, démocratie, laïcité (éd. Michalon, 2016), le dernier ouvrage de Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS. Elles ont été originellement publiées sur son blog RussEurope.
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Nous vivons un moment souverainiste. La décision du président de la République, M. François Hollande, d’instaurer l’état d’urgence à la suite des tragiques et odieux attentats du 13 novembre 2015 à Paris le prouve. Par ce geste, probablement à son insu et sans nul doute sans en mesurer les conséquences, il a donné raison aux souverainistes et pris acte de la centralité de la souveraineté.
Pourtant, dans l’agora, qu’elle soit électronique ou non, le souverainisme fait débat. C’est une question qui dérange, et à juste titre. Car la souveraineté est ce spectre qui hante notre monde ; elle est ce qui fait clivage. Si la notion de souverainisme a pris une telle place dans le débat, c’est bien le symptôme du fait que la souveraineté touche à quelque chose d’essentiel : la liberté. Celle de faire et de décider, en son nom propre comme de manière collective, et non la simple liberté formelle. On s’oppose parfois à cette notion dans les rangs de la gauche, où, pourtant, on n’hésite pas à parler de souveraineté alimentaire… Ainsi, il y aurait un « bon » souverainisme, de gauche si possible, comme un « mauvais ». Cette incohérence rend ceux qui la tiennent illisibles et, par conséquence, inaudibles.
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Souveraineté, démocratie, laïcité
Au-delà des polémiques mesquines, des approximations politiciennes et des incompréhensions, qui ne sont pas toutes de bonne foi, c’est bien la question de notre liberté qui est posée. Mais, parce que la liberté individuelle ne se construit jamais de manière individuelle, parce que nous sommes avant toute chose des animaux politiques et que nous vivons en société, il ne peut y avoir d’individus libres que dans une société libre. La souveraineté définit aussi cette liberté de décider qui détermine les communautés politiques que sont les peuples à travers le cadre de la Nation et de l’État. L’oubli d’une dimension nécessairement sociale et collective de notre liberté caractérise le point de vue « libéral », point de vue qui lui-même transcende les divisions « gauche-droite », et qui, il ne faut pas s’en étonner, s’avère hostile, donc, à cette notion de souveraineté.
Cependant, encore faut-il savoir ce qui fait société et ce qui constitue « un peuple ». Il faut comprendre que lorsque nous parlons de peuple, il ne s’agit pas d’une communauté ethnique ou religieuse, mais d’une communauté politique d’individus rassemblés qui prend son avenir en main [1]. Le «peuple» auquel on se réfère est un peuple « pour soi », qui se construit dans l’action, et non un peuple « en soi ». Se référer à cette notion de souveraineté, vouloir la défendre et la faire vivre, se définir donc comme souverainiste, implique de comprendre que nous vivons dans des sociétés hétérogènes et que l’unité de ces dernières se construit avant tout politiquement. Cette unité n’est jamais donnée ni naturelle [2]. En fait, c’est cette hétérogénéité qui implique de penser la souveraineté.
Si la société est hétérogène, comment construire une communauté politique sans faire intervenir la souveraineté ? C’est cette dernière qui fait passer des individus isolés au stade de peuple rassemblé, prêt à agir. Se référer à la notion de souveraineté nécessite donc de dépasser l’idée d’un peuple constitué sur des bases ethniques ou par une communauté de croyants et nécessite donc de penser la question de la laïcité. L’appartenance religieuse, quand elle devient l’intégrisme, est contradictoire avec la notion de souveraineté. En France, il faut rappeler, la Nation et l’État se sont à la fois construits dans la lutte contre les féodalités locales et contre les prétentions supranationales de la papauté et de la religion chrétienne. Il n’est donc pas sans importance que le penseur qui a établi le rôle central de la souveraineté, Jean Bodin, ait écrit
l’un des principaux livres sur la laïcité parce qu’il avait pris acte de l’hétérogénéité de la société.
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Centralité de la souveraineté
La souveraineté est aujourd’hui mise en cause par la pratique, mais aussi par la théorie, issue des institutions de l’Union européenne. Les déclarations de Jean-Claude Juncker lors des élections grecques de janvier 2015 en témoignent [3]. Le comportement de l’UE et celui des institutions de la zone Euro appellent une réaction d’ensemble parce qu’elles contestent cette liberté qu’est la souveraineté [4]. Pourtant, la souveraineté occupe une place centrale, et ce pour deux raisons convergentes. D’une part, la souveraineté est nécessaire à l’action politique, à ce passage du « je » au « nous », de l’individu à l’action collective. Si nos décisions sont d’emblée imitées, quelle utilité à ce que nous fassions cause commune ? Ce passage de l’individuel au collectif est impératif face aux crises, tant économiques et sociales que politiques et culturelles, que nous traversons. D’autre part, la souveraineté est fondamentale à la distinction entre le légitime et le légal. La contrainte inhérente à chaque acte juridique ne peut se justifier uniquement du point de vue de la légalité, qui par définition est toujours formelle. La prétendue primauté que le positivisme juridique [5] entend conférer à la légalité aboutit, en réalité, à un système total, imperméable à toute contestation et par essence totalitaire. C’est ce qui permet, ou est censé permettre, à un politicien de prétendre à la pureté originelle et non pas aux mains sales du Prince d’antan [6]. Mais alors, il nous faudrait considérer les lois des pires tyrannies comme légales. La légalité ne prend sens qu’articulée sur la légitimité, c’est-à-dire le jugement en justesse et non plus en justice, de ces lois. Seule la souveraineté peut établir qui est habilité à porter ce jugement en justesse, autrement dit qui détient la légitimité.
Nous comprenons, que ce soit de façon intuitive ou le fruit de réflexions élaborées, que la liberté de cette communauté politique que l’on nomme « peuple », passe par la liberté de l’ensemble territorial sur lequel ce peuple vit. On ne peut penser à la notion de peuple sans penser dans un même temps à celle de Nation. La liberté du peuple dans le cadre de la Nation s’appelle justement la souveraineté. C’est pourquoi elle est essentielle à l’existence de la démocratie.
La souveraineté est une et indivisible, n’en déplaise à certains, mais ses usages sont multiples. Ainsi, parler de souveraineté « de gauche » ou « de droite » n’a pas de sens, ou ne peut avoir qu’un sens caché, celui d’un refus, de fait, de la souveraineté. Il y eut, bien entendu, des nations souveraines où le peuple n’était pas libre. Mais on ne vit jamais un peuple libre dans une nation asservie. La formation de l’État comme principe indépendant de « la propriété du Prince » se fit dans un double mouvement de constitution de la Nation, comme entité politique, et du Peuple, comme acteur collectif.
Les formes de cette constitution peuvent varier, en fonction de facteurs historiques et culturels, mais ils répondent aux mêmes invariants. Ce double mouvement fait émerger des personnes remarquables, dont l’histoire mythifiée ne doit pas remplacer l’Histoire réelle. Jeanne d’Arc est l’une de ces personnes, et Daniel Bensaïd, qui fut un dirigeant mais aussi un penseur de la Ligue Communiste puis du Nouveau Parti anticapitaliste, ne s’y était pas trompé [7]. Dans un entretien tenu quelque temps avant sa mort, Bensaïd est revenu sur cette question : «Jeanne d’Arc ébauche l’idée nationale à une époque où la nation n’a pas de réalité dans les traditions dynastiques. Comment germe, aux franges d’un royaume passablement en loques, cette ébauche populaire d’une idée nationale ? [8]»
Fort bonne question, en effet. C’est celle du double mouvement de constitution de la Nation et du peuple qui est en fait posée. C’est pourquoi la souveraineté est aujourd’hui un concept fondamental et décisif dans les combats politiques actuels.
Cette évidence a été renforcée dans les derniers siècles, qui ont connu le processus historique de la colonisation et de la décolonisation [9]. Certains ont prétendu que l’on pouvait apporter la liberté sous les fers de l’esclavage. Les peuples colonisés, qui avaient perdu la liberté avec la souveraineté, devaient faire cause commune avec leurs colonisateurs au nom d’on ne sait quel principe et d’un prétendu internationalisme. La faillite de ce raisonnement n’a eu d’égal que sa vacuité. Un peuple libre, une communauté politique rassemblée et souveraine, doit faire l’expérience de sa liberté, y compris avec ce que cela implique d’erreurs. Ces dernières, on le sait, furent nombreuses. Pourtant, elles n’étaient pas évitables et font partie de l’expérience, parfois tragique, qu’un peuple doit faire. Vouloir faire le bonheur des individus sans eux ou contre eux, rêve secret de tous les experts ou technocrates auto-proclamés, n’aboutit qu’à la pire des tyrannies, et aux désordres les plus affreux. De l’Irak à la Libye, nous en sommes chaque jour les témoins.
Ce moment souverainiste que nous vivons prend un sens particulier en Europe. Il en est ainsi car les institutions de l’Union européenne, que l’on confond hélas trop souvent avec le concept d’Europe, ont progressivement violé la démocratie et la souveraineté. Il y a maintenant plus de dix ans, en 2005, le peuple français et celui des Pays-Bas rejetaient par leurs votes le projet de traité constitutionnel élaboré à grand frais par les élites politiques. Ils ne l’ont pas rejeté pour des raisons conjoncturelles, loin de là. Ce rejet était celui d’un projet ; il traduisait un mouvement de fond [10]. Pourtant, ce même projet leur fut imposé dans cette parodie de justice que fut le traité de Lisbonne, dont la ratification en France intervint dans un contexte de connivence assumée entre le Parti socialiste et l’UMP.
Dès lors, pas à pas, l’on a empiété sur les libertés politiques des peuples jusqu’au scandale inouï qu’a représenté l’affrontement entre un gouvernement démocratiquement élu en Grèce et les institutions européennes. Ce ne fut plus un simple vote que l’on a alors violé, car la position du peuple grec exprimée le 25 janvier, lors de l’élection qui porta SYRIZA au pouvoir, fut renforcée par le résultat du référendum du 5 juillet qui donna près de 62 % des voix au « non » au mémorandum.
Ce qui fut violé, avec l’impudence cynique d’un Jean-Claude Juncker ou d’un Dijsselbloem, fut en fait la souveraineté d’un pays. Pourtant, quand en Grèce après l’élection du 25 janvier 2015, le parti de la gauche radicale SYRIZA a choisi de s’allier avec un parti de droite, mais souverainiste, et non avec le centre-gauche To Potami, voire avec les socialistes du Pasok, on aurait pu penser que la question de la souveraineté avait été pleinement intégrée par la direction de SYRIZA. Le déroulement de la crise a montré qu’il existait des divergences importantes au sein même de ce parti, ainsi qu’un manque important de clarification. Ce sont ces divergences que les institutions européennes ont utilisées comme levier pour contraindre Alexis Tsípras, le Premier ministre, à se renier [11]. Il y a là une leçon que tous ceux qui veulent vivre libres doivent apprendre par cœur. Car, ce qui s’est produit en Grèce peut se reproduire au Portugal, en Espagne comme en Italie, en Grande-Bretagne ou même en France.
Rappelons donc la citation de Monsieur Jean-Claude Juncker, successeur de l’ineffable Barroso à la tête de la Commission européenne : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » Cette déclaration révélatrice date de l’élection grecque du 25 janvier 2015, qui vit justement la victoire de SYRIZA. En quelques mots, tout est dit. C’est l’affirmation tranquille et satisfaite de la supériorité d’institutions non élues sur le vote des électeurs, de la supériorité du principe technocratique sur le principe démocratique. En cela, Monsieur Juncker et Monsieur Barroso sont largement responsables des drames que la Grèce a connus. Ils reprennent, en l’ignorant ou non, le discours de l’Union soviétique par rapport aux pays de l’Est en 1968 lors de l’intervention du Pacte de Varsovie à Prague : la fameuse théorie de la souveraineté limitée. Ils affectent de considérer les pays membres de l’Union européenne comme des colonies, ou plus précisément des dominions, dont la souveraineté est soumise à celle de la métropole, c’est-à-dire la Grande-Bretagne.
Sauf qu’en l’occurrence, il n’y a pas de métropole. L’Union européenne serait donc un système colonial sans métropole. Et, peut-être, n’est-elle qu’un colonialisme par procuration. En effet, derrière la figure d’une Europe soi-disant unie, mais qui est aujourd’hui divisée dans les faits par les institutions européennes, on discerne celle des États-Unis, pays auquel Bruxelles ne cesse de céder, comme en témoigne la question du traité Transatlantique, que l’on nomme TAFTA. Cela implique donc de penser que la souveraineté est, de tous les biens, le plus précieux, et d’en tirer les conséquences qui s’imposent. Certains, comme Stefano Fassina en Italie [12], l’ont fait. Il faudra en tirer les conséquences, et toutes les conséquences [13].
Souvenons-nous toujours de cette phrase prémonitoire de Bossuet : «Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. » [14].
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[1] Et l’on avoue ici plus qu’une influence de Lukacs G., Histoire et conscience de classe. Essais de dialectique marxiste. Paris, Les Éditions de Minuit, 1960, 383 pages. Collection « Arguments »
[2] Cette question est largement traitée dans le livre écrit pour le Haut Collège d’Économie de Moscou, Sapir J., K Ekonomitcheskoj teorii neodnorodnyh sistem – opyt issledovanija decentralizovannoj ekonomiki (Théorie économique des systèmes hétérogènes – Essai sur l’étude des économies décentralisées) – traduction de Vinogradova E.V et Katchanov A.A, Presses du Haut Collège d’Économie, Moscou, 2001. Une partie de l’argumentation est reprise sous une forme différente dans Sapir J., Les trous noirs de la science économique – Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Albin Michel, Paris, 2000.
[3] Mevel J.J in Le Figaro, le 29 janvier 2015, Jean-Claude Juncker : « la Grèce doit respecter l’Europe ». http://www.lefigaro.fr/international/2015/01/28/01003-20150128ARTFIG00490-jean-claude-juncker-la-grece-doit-respecter-l-europe.ph . Ses déclarations sont largement reprises dans l’hebdomadaire Politis, consultable en ligne : http://www.politis.fr/Juncker-dit-non-a-la-Grece-et,29890.html
[4] Evans-Pritchards A., “European ‘alliance of national liberation fronts’ emerges to avenge Greek defeat”, The Telegraph, 29 juillet 2015, http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11768134/European-allince-of-national-liberation-fronts-emerges-to-avenge-Greek-defeat.html
[5] Dont le représentant le plus éminent fut Hans Kelsen, Kelsen H., Théorie générale des normes, Paris, PUF, 1996
[6] Bellamy R. (1999), Liberalism and Pluralism : Towards a Politics of Compromise, Londres, Routledge,
[7] Bensaïd D., Jeanne de guerre lasse, Paris, Gallimard, « Au vif du sujet », 1991.
[8] http://www.danielbensaid.org/Il-y-a-un-mystere-Jeanne-d-Arc
[9] Voir sur les débats du xixe et du début du xxe siècle, Haupt G., Michaël Löwy M., Claudie Weille (eds), Les Marxistes et la Question Nationale 1848-1914, Paris, L’Harmattan, 1997, 396 p
[10] Sapir J., La fin de l’eurolibéralisme, Paris, Le Seuil, 2006
[11] Sapir J., « Capitulation », note postée sur le carnet RussEurope, le 13 juillet 2015, http://russeurope.hypotheses.org/?p=4102
[12] Voir « Le texte de Fassina », note postée sur le carnet Russeurope le 24 août 2015, http://russeurope.hypotheses.org/4235
[13] Sapir J., « Sur la logique des Fronts », note postée sur le carnet RussEurope, le 23 août 2015, http://russeurope.hypotheses.org/423
[14] Bossuet J.B., OEuvres complètes de Bossuet, vol XIV, éd. L. Vivès (Paris), 1862-1875, p. 145. Cette citation est connue dans sa forme courte «Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes»
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Jacques Sapir est un économiste français, aussi auteur d'ouvrages d'histoire militaire et de théorie politique. Docteur en économie et diplômé de Sciences Po Paris, il est directeur d'études à l'EHESS, directeur du Centre d'études des modes d'industrialisation (CEMI) et a récemment été élu membre de l'Académie des Sciences de Moscou. Connu du grand public pour son rejet de la monnaie unique, il a notamment publié : La Démondialisation (Le Seuil, 2011) ; Faut-il sortir de l'Euro ? (Le Seuil, 2012) et dernièrement Souveraineté, démocratie, laïcité (Michalon, 2012).
Commentaires
Bravo.
par Legros-Collard gabriel - le 14 février, 2016
L’état d’urgence serait souverainiste ? J’ai un peu de mal avec ce raccourci saisissant ! Et si c’était simplement la réaction pragmatique d’un pays attaqué ? Il semble d’ailleurs qu’une majorité de Français , de tous horizons politiques , l’aient parfaitement admis . Quant à imaginer que la liberté passerait par le souverainisme , j’ai un peu de mal également . Qui ne voit qu’on ne pourra résoudre convenablement le problème des migrants qu’à l’échelle européenne ? Qui ne comprend qu’il est temps pour l’Europe d’avoir enfin une Politique étrangère et une Défense communes ? Qui ne sent que le problème de l’emploi exige que les pays de l’euro oeuvrent dans le même sens , en commençant par la fiscalité des entreprises et des placements financiers ? Bref , qui ne voit que pour être véritablement » souverain » , il faut , en réalité plus d’Europe que le contraire ?
par Philippe Le Corroller - le 14 février, 2016
@ Philipe Le Corroller
Contrairement à ce que vous semblez penser, le souverainisme, ce n’est pas le nationalisme : c’est le refus d’abdiquer. D’abdiquer quoi ? La souveraineté du peuple. Tout le monde, d’ailleurs, est souverainiste : simplement pour les uns, fédéralistes, l’échelle de la souveraineté, c’est l’Europe, pour les autres, l’échelle de la souveraineté, c’est la nation. Tous ceux qui sont pour le respect du référendum, c’est-à-dire qui reconnaissent la légitimité du vote national, sont souverainistes. Le problème n’est donc pas qu’il y ait des souverainistes et des anti-souverainistes, puisque tous les démocrates sont souverainistes : c’est qu’il y a un conflit de souveraineté, entre l’échelon national et l’échelon européen. Il y a même un conflit de conceptions de la souveraineté : entre une conception démocratique (la seule qui fonctionne actuellement : à l’échelle de la nation) et une conception anti-démocratique (qui ne cherche qu’à contourner la volonté des peuples –et Sarkozy est à cet égard un modèle).
Le 29 mai 2005, ce que les Français ont refusé d’abdiquer en revendiquant leur souveraineté, c’est la souveraineté du peuple. Or la souveraineté du peuple, c’est la République. Par conséquent, ce qu’ils ont refusé, c’est l’abdication de la République. L’abdication de cette République qui, parce qu’elle a pour fondement l’ensemble de son peuple, assume une responsabilité publique de l’Etat. D’où il découle que, dans le combat pour la défense de la souveraineté populaire, ce qu’ils ont refusé, c’est la démission de l’Etat de ses responsabilités publiques. Et en effet, la logique du traité de Lisbonne (qui est celle de la Constitution européenne rejetée) régissant le fonctionnement actuel de l’Union européenne est bien celle d’une privatisation de toutes les richesses, d’une dénationalisation de l’économie et d’une dissolution de toute responsabilité publique, à l’échelle de l’Europe autant que de chaque nation européenne, tout cela au profit d’une fluidification des capitaux dont on prétend espérer un effet mécanique de prospérité, non pas même européenne, mais mondiale.
par Thibaud de La Hosseraye - le 15 février, 2016
Un grand merci à Thibaud de la Hosseraye pour son excellente et très percutante remise en perspective des choses !
DGL
par Daniel Guillon-Legeay - le 16 février, 2016
La souveraineté du peuple ? Quand elle aboutit à la Terreur de 1793 ou à l’effondrement de 1940 , il est permis d’apprécier qu’elle soit encadrée par quelques solides gardes-fous , non ? Celui qui fonctionne depuis un demi-siècle – la construction européenne – vaut-il vraiment l’indignité à laquelle vous le vouez ? Posez vous la question avec honnêteté , avec sincérité : depuis quinze ans , combien de dévaluations aurions-nous subi en France , si l’euro n’avait mis quelque frein à l’incroyable incurie budgétaire de nos gouvernants , s’il n’avait masqué leur impéritie ? Quant à préférer Victor Orban à Angela Merkel , vous me permettrez de me draper dans le manteau de la vertu , pardon , dans celui de l’Europe des Lumières : c’est non ! Sortir de l’euro , opter pour le souverainisme ? Définitivement , c’est non .
par Philippe Le Corroller - le 17 février, 2016
@ Philippe Le Corroller
Même dans la perspective en apparence la plus européanisante, celle du fédéralisme, il est contradictoire, pour peu que l’on se veuille démocrate, de vouloir affaiblir les nations d’Europe avant d’avoir obtenu aucune garantie sur la réalité de ce par quoi on prétend les remplacer.
Chercher à désarmer les nations d’Europe avant d’avoir constitué une défense proprement européenne, à abdiquer les souverainetés nationales avant que n’ait émergé une prétendue souveraineté européenne (faute d’existence d’aucune nation européenne, c’est-à-dire chez qui le projet européen primerait sur le projet national), à substituer une soi-disant démocratie européenne à la réalité éprouvée des démocraties nationales (faute de l’existence d’un peuple européen capable de débattre réellement, c’est-à-dire entre extrêmes), c’est suicidaire. Ce serait lâcher la proie pour l’ombre. Car aujourd’hui, la réalité, en Europe, ce sont les nations, et le fantasme (de certains), cela demeure l’Etat fédéral.
par Thibaud de La Hosseraye - le 24 février, 2016
@ Philippe Le Corroller
Même dans la perspective en apparence la plus européanisante, celle du fédéralisme, il est contradictoire, pour peu que l’on se veuille démocrate, de vouloir affaiblir les nations d’Europe avant d’avoir obtenu aucune garantie sur la réalité de ce par quoi on prétend les remplacer.
Chercher à désarmer les nations d’Europe avant d’avoir constitué une défense proprement européenne, à abdiquer les souverainetés nationales avant que n’ait émergé une prétendue souveraineté européenne (faute d’existence d’aucune nation européenne, c’est-à-dire chez qui le projet européen primerait sur le projet national), à substituer une soi-disant démocratie européenne à la réalité éprouvée des démocraties nationales (faute d’existence d’un peuple européen capable de débattre réellement, c’est-à-dire entre extrêmes), c’est suicidaire. Ce serait lâcher la proie pour l’ombre. Car aujourd’hui, la réalité, en Europe, ce sont les nations, et le fantasme, cela demeure l’Etat fédéral.
par Thibaud de La Hosseraye - le 29 février, 2016
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