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Peter Sloterdijk : « L’invraisemblance de la vie démocratique palpable aux Etats-Unis »

10/11/2016 | par Peter Sloterdijk | dans Monde | 1 commentaire

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Nous publions quelques extraits d’une interview accordée par le philosophe allemand Peter Sloterdijk au magazine Le Point en 2003. Ses propos sont éclairants au lendemain des résultats de l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Propos recueillis par Elisabeth Lévy. 

(…)

LE POINT : Le risque est-il ce « fascisme d’amusement » que vous avez évoqué ?

P. SLOTERDIJK : Je réserve ce terme « fascisme d’amusement » à des phénomènes appartenant strictement au registre médiatique. Je pensais à la chasse aux sorcières et, plus largement, à la transplantation de la feria dans le système parlementaire, là où l’on pouvait espérer un débat. C’est ce que j’appelle la société de l’arène. Le cirque romain l’a emporté sur le stade qui hébergeait l’athlétisme à la grecque. Et l’arène romaine, c’est le lieu de naissance du fascisme d’amusement.

Pour vous, le véritable danger fasciste de l’avenir réside aux Etats-Unis.

Il est effrayant de voir avec quelle facilité la sentimentalité, le ressentiment et le bellicisme peuvent envahir la Maison-Blanche. L’invraisemblance de la forme de vie démocratique est beaucoup plus palpable quand on vit aux Etats-Unis, parce que l’hétérogénéité de la société y est telle que, sans un délire partageable, la société se dissoudrait d’un instant à l’autre. Et il faut renouer le prétendu contrat social à chaque instant. C’est parce qu’ils ont appris à publier toute leur personnalité qu’il est si plaisant de parler avec des Américains, alors que nous, à l’image des aristocrates d’autrefois, nous celons nos secrets de famille. L’arrière-pensée est une spécificité européenne. Ici, on fait la conversation, mais on garde toujours le plus intéressant pour soi.

(…)

Retrouvez l’intégralité de l’interview.

 

Peter Sloterdijk

Peter Sloterdijk est un philosophe allemand né en 1947. Considéré comme l'une des plus importantes figures de la philosophie contemporaine, il est professeur à l'Université Hochschule für Gestaltung de Karlsruhe dont il fut recteur de 2001 à 2015. Auteur de la trilogie Sphères à partir de 1998, il a notamment publié Critique de la raison cynique (1987) ; Règles pour le parc humain (2000) ; Colère et Temps (2007) et dernièrement Après nous le déluge (Payot, 2016).

 

 

Commentaires

Souvenirs, souvenirs..
Je me souviens de mon émotion d’enfant de 13 ans devant la télévision, regardant Neil Armstrong poser son pied sur la lune, avec l’impression d’assister à un moment historique. L’image sautillante, incertaine, en noir et blanc, était à des années lumières des nôtres, lisses, et parfaites. A vrai dire, ce qui passait sur l’écran n’était pas transcendant ; il y avait des longueurs, des silences, du cafouillis, même, parfois, comme lors d’autres moments historiques, qui ne sont pas obligés de se conformer aux canons du vraisemblable des films d’action.
Et les presque débuts de la télévision américaine, avec l’épopée du « Star Trek » d’origine, qui me mettait des étoiles dans les yeux, tant le souffle, les idéaux, me portaient vers le haut. (Le « Star Trek » d’origine continue à me porter vers le haut. Comme d’autres Américains, d’ailleurs.)
Dans ces moments, sur le sol américain, j’étais fière d’être américaine.
Probablement pas loin de ce que devaient ressentir bon nombre de citoyens Romains, sous la vieille république ? sous l’empire ? Difficile à dire…(ce n’est pas une tare, d’ailleurs, et qu’on cesse de battre le tambour de la Grèce antique par OPPOSITION aux origines romaines de l’Occident maintenant. C’est réducteur.)
Que s’est-il passé (chez moi ? chez mes compatriotes ? chez d’autres Occidentaux européens ?) pour qu’on arrive à ce fascisme d’amusement occidental mondial en ce moment ?
Comment la télévision qui nous a donné « Star Trek » en est-elle arrivée à nous donner une multitude de séries que je ne peux plus citer, ne les regardant pas, par lassitude ? Des séries qui font appel au moindre dénominateur commun pour « être accessible au peuple » pour le rassembler en troupeau, traduisant ainsi un obscur mépris de ce même peuple chez ceux qui s’imaginent artistes en les produisant. Ce mépris ne fait pas du bien à nos républiques. Il fomente la révolution.
Cette transformation rapide est encore un mystère. Peut-on le sonder, en lisant, à la suite, Aeschyle, Sophocles, puis Euripide ? Peut-être.
Serais-je en train de « publier ma personnalité » ?
Peut-être.
Publier… est-ce partager ? Est-il (toujours…) bon de partager ? Si on ne partage pas, est-on radin ?
Il y a eu des époques en Europe, (peut-être même aux Etats-Unis) je crois, où les recoins intérieurs de l’âme qui échappaient aux projecteurs étaient des.. palais ? où se dressait un mobilier riche, et varié, et où on accédait par la porte sacrée du rêve…
Je crains que nos secrets modernes ne manquent d’éclat… tout comme nous, d’ailleurs.
Et notre art de la conversation ?

par Debra - le 15 novembre, 2016



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