ANALYSE : en accusant les sciences sociales d’« excuser » à propos des attentats de Paris, le premier ministre aurait révélé sa profonde ignorance selon Bernard Lahire. Ce n’est pas si sûr !
L’imitation en art : aliénation ou invention ?
ANALYSE : Si l’imitation comme réglage superficiel sur l’extérieur peut correspondre à une perte de soi, en revanche, pourvu qu’on le prenne au sérieux, le moment d’extériorité peut être compris comme une épreuve permettant de se constituer comme intériorité en se donnant une règle, en s’interrogeant sur la vérité même des choses, enfin en se constituant comme force autonome et en donnant à la pensée la forme sensible sans laquelle elle ne pourrait sans doute pas se saisir elle-même.
La séduction de la terreur
Jean-Michel Muglioni propose ici un début de réflexion sur la cause générale de la séduction du terrorisme. Une ère de terrorisme ne fait que commencer. Le vide intellectuel et moral de notre temps et la réduction de la politique à l’économie font le lit des fanatismes religieux, car les hommes ont d’autres exigences que l’argent. Pourquoi notre société a-t-elle des enfants perdus ?
Mythes antirépublicains, laïcité et communautarisme
Le personnage du républicain « laïcard franchouillard » est un grand classique du roman antirépublicain. Ce mythe n'a aucun fondement conceptuel, mais il s'incarne dans une caricature et donne naissance à des fantasmes dont les effets sont bien réels. Le franchouillard et le multiculturaliste se confortent l'un l'autre en construisant de toutes pièces leur objet fantasmatique commun que les uns révèrent et que les autres abhorrent.
Indivisibilité et pragmatisme : le droit de vote des étrangers
Le combat pour le droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales n'est pas toujours animé par des vœux pieux ou des bons sentiments. Il peut aussi relever d'une volonté pragmatique : il faudrait en finir avec la rigidité du bloc citoyenneté-nationalité-droit de vote.
Les créationnismes contre la liberté
Bien au-delà de l'anti-évolutionnisme qui campe sur le récit de la création tel qu'il apparaît dans la Genèse, le créationnisme est polymorphe et ne prend pas si simplement, comme on le croit trop souvent, la science directement pour cible.
La misonomie, ou haine des institutions
Lorsque la loi s'efface, elle laisse le champ libre au déploiement des "forces libres". Il faut lutter contre les lois injustes et les institutions destinées à installer et à perpétuer l'oppression, mais réclamer par principe l'effacement de toute loi et déclarer par principe que toute institution est mauvaise, c'est faire le jeu des pouvoirs - ceux qui nous oppriment à l'extérieur et ceux qui nous gouvernent à notre insu de l'intérieur.
Ce n'est pas parce qu'on rejette l'horrible « Arbeit macht frei » qu'on doit tomber dans la polémique illusion du « droit à la paresse » : dans Pour une philosophie du travail, Martine Verlhac propose de reprendre à nouveaux frais les analyses du travail.
Pourquoi s’attaquer aux stoïciens ?
Je me souviens d’une colère de Canguilhem, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, en 1968 ou 1969. Après une allusion au stoïcisme, il avait senti dans l’assistance quelque chose comme un mouvement de mépris. Quand tout va bien, on n’a pas besoin de morale, dit-il furieux, mais quand on en a besoin, il n’y a que le stoïcisme. Par exemple lorsqu’on est en camp de concentration. La formulation était plus percutante et plus belle. Nous savions qu’il avait été un vrai résistant.
Garder « une petite place pour le dessert » ? Cuisine ou pâtisserie ?
J'entre dans la cuisine et bien que dans mon entourage on réclame et on apprécie un gâteau, ça m'ennuie vraiment de m'y mettre. Que de temps perdu (car il faut, chose sérieuse, faire le repas), que de vaisselle encombrante, que de poids et mesures sourcilleux, que de saupoudrages blanchâtres qui s'envolent dans la pièce, que de regards impuissants jetés par le hublot d'un four impitoyable, que d'ingrédients régressifs - sucres, farines, lait, semoules, crèmes, coulis et autres suavités aux coloris infantiles. Que d'œufs que d'œufs que d'œufs ! Et quand vient le moment de manger, la perversité et la puissance destructrice de ce qui se présente ingénument dans l'assiette, insaisissable sauf sous peine de démolition et de déroute par coulées et autres glissements de terrain, méritent l'admiration.
Oui, nous avons un pape !
Faut-il s’en prendre au Pape ? Calomnies ou analyses historiques véridiques posent le problème de l’attitude de l’Église argentine pendant les années de la dictature. Jean-Michel Muglioni n’attend rien d’une enquête mais se contente d’une tautologie : un pape est un pape, il est chargé de la pérennité de l’Église et l’Église comme les vieillards est obsédée par le souci de sa conservation.
Égalité, compétition et perfectibilité : Faut-il lutter contre toute forme d’inégalité ?
La devise républicaine « Liberté-Egalité-Fraternité » place l'égalité en son centre, mais aussi en seconde position dans une séquence sur laquelle il est intéressant de s'interroger.
La décision d’une majorité peut-elle fonder l’autorité de la loi ?
Les lois votées à la majorité obligent ceux-là même des citoyens qui ne les ont pas voulues. A quelles conditions la volonté d’une majorité n’est-elle donc pas seulement la victoire du plus grand nombre sur le plus petit – car si tel était le cas, de quel droit obligerait-elle la minorité ? Une conception arithmétique de la majorité sape l’autorité des lois.
Y a-t-il des « agents rationnels » ?
Jean-Michel Muglioni s’étonne que des commentateurs respectés de la vie politique croient en la rationalité des décisions prises par les chefs d’Etat et oublient que la politique est d’abord affaire de passions, d’autant plus que l’enjeu n’est jamais seulement quelque intérêt égoïste, mais toujours l’honneur et la liberté.
Tu l’as voulu, George Dandin : c’est un économiste, Christian Arnsberger, qui le dit (Libération 19-03-2012 p. 24) . « L’actuelle architecture monétaire et financière […] est en tout point responsable de la crise qui nous frappe » et il précise que « les excès de l’obligation de croissance », inscrits dans cette organisation ont suscité de tels effondrements que la seule issue pour faire revenir la croissance paraît consister en une « brutale décroissance maquillée en cure d’austérité ».
De la morale laïque à l’école ou « la vertu peut-elle s’enseigner » ?
Une « morale laïque » peut-elle s'enseigner ? Cela soulève la question de sa consistance, laquelle, si elle est vraiment laïque, est subordonnée à sa légitimité d'être enseignée comme morale. Aussitôt posée, la question inclut sa réponse : il n'y a aucune légitimité, pour l'école, à enseigner une vision du bien et une conduite de la vie. Il faut donc s'en tenir à l'extériorité, principalement négative, aux impératifs élémentaires qui font place nette à la possibilité même d'instruire. Et c'est du déploiement de ce qui se fait à l'école que l'exigence morale suit, en même temps qu'elle le conditionne. Tels sont quelques-uns des cercles médités ici par Edith Fuchs.