La version originale de Rock around the clock de Bill Haley fera toujours 2’12’’. Mais sa durée vécue demeure étrangère à cette mesure puisque la chanson peut me sembler courte ou long, selon qu’elle m’ennuie ou m’enthousiasme, que je danse dessus ou que je regarde les autres danser dessus.
La beauté est-elle féminine ?
La division masculin/féminin, que ce soit sous la forme animale d’une beauté masculine et d’une laideur plutôt féminine, ou sous la forme humaine et beaucoup plus récente dans le temps d’une beauté féminine et d’une laideur masculine, perdra insensiblement de sa pertinence.
La D’jeunification des darons
Parfois les dictionnaires vous ôtent les mots de la bouche. Ou les transforment en numéro d'un cirque orchestré par Monsieur Déloyal ?
Äkta Människor : l’amour et la violence comme propres de l’humanité
Jeudi 2 mai dernier s’est achevée sur Arte la première saison de la série télévisée suédoise Real Humans (Äkta Människor). Dans les notions qui ont servi à caractériser l’humain, les fameux propres de l’homme que seraient le rire, la bipédie, la pitié, etc., trois ressortent particulièrement ici et viennent confirmer une tendance des séries (et films) sur les robots : l’amour, la violence et la liberté ; les deux premiers servant à préparer et à prouver la troisième.
Création, procréation, autocréation
Il existe d’étranges chassés-croisés métaphoriques entre la création artistique et l’enfantement. S’agit-il de simples métaphores ? Et n’y aurait-il pas un troisième degré, auquel parviendrait un être supérieur sculptant son individualité afin de devenir lui-même « œuvre d’art » ? S’il en est bien ainsi, artiste créant une œuvre, femme procréant un enfant, et être supérieur se créant lui-même, ne constitueraient-ils pas les trois degrés d’une création allant vers sa perfection ?
Le corps entre le sport et la mystique
Le sport repose sur la haine du corps. Haine du corps : le corps n’est pas comme il devrait être pour permettre la performance ; pis : le corps intervient intempestivement pendant l’accomplissement de la performance, se rappelant au bon souvenir du compétiteur, par des refus, par des blessures.
Meetic, ou l’insipide-dating selon Baudrillard
Ainsi des célibataires se rencontrent-ils dans le réel par la seule divine intrusion du virtuel. Un « simulacre » de rencontres, en somme, que Baudrillard définissait lapidairement comme « la copie à l’identique d’un original n’ayant jamais eu lieu ».
Le mot « nihilisme » n’apparaît qu’à la fin du XVIIIème siècle et fait florès à partir du XIXème siècle, notamment sous l’impulsion de l’athéisme et du matérialisme. Il devient un courant de pensée duquel se revendiquer, à l’instar d’un personnage de Dostoïevsky dont la pensée est souvent résumée à travers cette formule : si Dieu n’existe pas, tout est permis.
Garder « une petite place pour le dessert » ? Cuisine ou pâtisserie ?
J'entre dans la cuisine et bien que dans mon entourage on réclame et on apprécie un gâteau, ça m'ennuie vraiment de m'y mettre. Que de temps perdu (car il faut, chose sérieuse, faire le repas), que de vaisselle encombrante, que de poids et mesures sourcilleux, que de saupoudrages blanchâtres qui s'envolent dans la pièce, que de regards impuissants jetés par le hublot d'un four impitoyable, que d'ingrédients régressifs - sucres, farines, lait, semoules, crèmes, coulis et autres suavités aux coloris infantiles. Que d'œufs que d'œufs que d'œufs ! Et quand vient le moment de manger, la perversité et la puissance destructrice de ce qui se présente ingénument dans l'assiette, insaisissable sauf sous peine de démolition et de déroute par coulées et autres glissements de terrain, méritent l'admiration.
Il était une fois les Arts martiaux
Depuis leur introduction en Occident, les pratiques de combat asiatiques, popularisées, puis médiatisées sous l’appellation générale d’Arts Martiaux ne cessent de susciter interrogations et étonnements quant aux raisons et aux succès de leur implantation et de leur diffusion. Les termes de « Martial arts » trouvent leur équivalence en français dans ceux d’Arts Martiaux, et dans celui de Bujutsu, « technique de combat », en japonais. Ce néologisme, formé par J. Kano, en 1904, avait pour finalité de souligner les liens entre « l’univers des pratiques guerrières et le monde des Arts ».
Le temps de la substitution du sexe à la race
Comment expliquer la polarisation du débat politique sur la question sexuelle ? Il y a 30 ans d’ici on eût jugé futile de se quereller au parlement et de manifester dans la rue autour du mariage homosexuel. Au cœur de l'imaginaire collectif le sexe et la race ont depuis des siècles partie liée. Longtemps, cette union perdura sous le signe à la fois symbolique et mythique du sang. Qu'était le sang sinon la race se transmettant par le sexe ? Il n’est pas anodin que l’on songe conjointement à instaurer le mariage homosexuel, à modifier la filiation et à effacer le mot « race » de la constitution. Notre temps n'est-il pas celui d'une reconfiguration du doublet race-sexe ?
Oui, nous avons un pape !
Faut-il s’en prendre au Pape ? Calomnies ou analyses historiques véridiques posent le problème de l’attitude de l’Église argentine pendant les années de la dictature. Jean-Michel Muglioni n’attend rien d’une enquête mais se contente d’une tautologie : un pape est un pape, il est chargé de la pérennité de l’Église et l’Église comme les vieillards est obsédée par le souci de sa conservation.
Du même à l’identique
Mai 68 : Herbert Marcuse vient de sortir L'Homme unidimensionnel. Il y dénonce les besoins illusoires que l'on crée, le vertige du superflu et tend à renvoyer dos à dos capitalisme et communisme, malgré quelques relents marxistes de l'école philosophique à laquelle il appartient, celle de Francfort. L'individu tombé dans le matérialisme historique ou consommateur est désormais mouliné par le système production-consommation-bureaucratie. L'esprit critique est volontairement laminé et favorise la manipulation des âmes - le mot "âme" devient d'ailleurs anachronique, réservée aux "psy" ou à la soul music.
Cheval, boeuf et cochon
Comme si tout allait bien avant le scandale... Comme si nos mœurs alimentaires, justifiées rationnellement, ne pouvaient être remises en cause que le jour où le mangeur de bœuf s’avérerait être, à son insu, un mangeur de cheval. Ne devrait-on pas voir dans le naufrage de nos croyances, de nos convictions et de nos habitudes, le signe de leur fragilité ? La solidité, la cohérence, le bien-fondé de nos principes ne s'éprouvent-ils pas en période de tempête ?
Au moment où je suis entré dans ma septième décennie, il m’est apparu fondamental de porter mon regard de philosophe sur ce qui est désormais la pente inéluctable de ma vie : le vieillissement. Les pistes que je vais présenter sont très librement inspirées de la lecture d’un livre de 1944 de John Cowper Powys, The Art of Growing Old, dont le titre, dans la traduction française, est L’art de vieillir.
Le corps en questions
Si Alain fait du corps « le tombeau des dieux », l’interrogation de Philaminte à Chrysalle « Le corps, cette guenille est-elle d’importance ? » montre combien notre compréhension de celui-ci a souvent oscillé entre exaltation, louange, admiration pour un instrument de beauté, d’esthétique, de performances, de relation sociales et le rejet violent, le dégoût , l’amertume pour ce tombeau qui nous emprisonne , nous contraint, nous limite.
Que reste-t-il du propre de l’homme ?
Un enfant de 4 ans est malgré tout bien plus inventif qu’un robot qui sait jouer aux échecs mais qui n’est pas en mesure de nous surprendre vraiment (« le robot qui battra mon gamin au foot n’est pas né »), ni de nous amuser. En revanche, les chimpanzés, les perroquets et les chats, par exemple, ont le sens de l’humour. Inutile de consulter les plus grands experts en la matière (qui le confirment) pour s’en convaincre. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les abondantes vidéos de chats farceurs ou de perroquets hâbleurs ; ces infatigables humoristes nous font oublier une minute notre dérisoire outrecuidance.
La révolution de l’amour
Comme la conscience malheureuse décrite par Hegel dans la Phénoménologie, nous avons tendance à ne percevoir dans l’histoire que ce qui s’effondre et meurt, presque jamais ce qui surgit et prend vie. De là notre propension au pessimisme, propension d’autant plus forte qu’il donne des ailes à la pensée négative. Par où il devient la maladie du siècle.
Croire à la fin du monde, c’est ne plus y croire
Croire aujourd’hui à sa fin en ce 21 décembre, c’est repousser la réalité d’une menace qui est fort nouvelle pour nos civilisations : par son développement exponentiel, l’humanité se met en péril. Et c’est justement parce que nous ne savons pas quand viendra le danger que le péril est aujourd’hui très grand. Jorge Luis Borges, le grand poète métaphysicien annonçait déjà : « L'avenir est inéluctable, mais il peut ne pas avoir lieu, Dieu veille aux intervalles ».
Sites de rencontres et virtualité
La virtualité tend à l'omniprésence dans la culture contemporaine. Au moment même où les philosophes modernes repoussent les vieux concepts scolastiques auxquels elles appartenait, le mécanisme et le dualisme de l'âme et du corps la réinventent et l'instillent dans une nouvelle philosophie de la perception.
Le sport, la matrice de l’inhumain
S’échapper d’où, demandera-t-on ? Du moule sportif – moule pour le corps et l’esprit, moule tout ensemble social, sociétal et anthropologique. Dans ce contexte une affirmation se justifie : le sport est la matrice de l’inhumain.
Le crépuscule des genres
Qu’il s’agisse du débat sur le mariage homosexuel ou de la polémique qui, il y a quelques mois encore, faisait rage autour des nouveaux manuels scolaires de Sciences et Vie de la Terre, la question des genres fait plus que jamais la une de l’actualité. Les réflexions de la romancière anglaise Virginia Woolf, compilées dans Une chambre à soi (1929), apportent à cet égard un éclairage singulier que le film The Hours, réalisé en 2002 par l’Américain Stephen Daldry, prolonge de la façon la plus stimulante qui soit.
Le jardin à la française
Alain Baraton, jardinier en chef des Jardins de Versailles et du Trianon, a publié en octobre 2012 Le dictionnaire amoureux des jardins chez Plon. Le philosophe Jacques Darriulat, maître de conférences à la Sorbonne, revient dans cet éditorial sur la jardin à la française : "Le jardin à la française invente une nature domestiquée par l’homme, une nature dont l’homme peut se dire en effet « comme maître et possesseur », une nature qui renonce aux lois propres de l’exubérance végétale et se plie docilement (...) aux exigences du concept. Une telle nature, celle tout artificielle que mettent en scène les jardins de Le Nôtre (...) est une nature courtisane, qui se soumet à la volonté toute rationnelle de son maître, qui est l’entendement humain dont la figure géométrique exprime adéquatement la toute-puissance, une nature qui fait la révérence et dégage l’espace sous le regard du souverain qui s’avance en ses domaines.
Extrait de la pièce Le Chemin des Dames
Nous sommes le 6 avril 1917. Le général en chef Robert Nivelle a été nommé en décembre 1916 pour préparer une attaque massive au printemps 1917. Il a prévu d’attaquer avec 800 000 hommes et 3 000 canons le 16 avril au Chemin des Dames. Le président de la République Raymond Poincaré, lassé de ces débats et disputes qui affaiblissent l’armée et le commandement, a convoqué une ultime réunion pour débattre et décider de lancer l’attaque ou pas.
Luc Ferry et la Bohème triomphante
Ce livre d’art, d’histoire et de philosophie, est une sorte de roman des origines de l’individu « révolutionnaire » contemporain. Luc Ferry y plonge au cœur d’un secret longtemps occulté – celui de la première fabrique, bien artisanale, de nos racines, à nous autres humains du XXIème siècle. Humains du temps de la Bohème triomphante.
Faut-il mourir de rire ?
"La Plaisanterie" du héros communiste de l'écrivain tchèque Milan Kundera avait provoqué sa déchéance ; l'ironie - méthode dialectique d'accouchement de l'autre - avait entraîné la mort de Socrate.
La haine de la nature : un affect enfoui et dénié
Depuis 1972, date du premier Sommet de la Terre, la « protection » de l'environnement s'est manifestée par une prolifération de discours (sommets, conférences, accords, traités...), d'institutions (la plupart des quelques 200 États du monde disposent désormais d'un ministère de l'environnement), et de concepts nouveaux (développement durable, énergies renouvelables, empreinte écologique etc.). Cette idéologie et cette politique reposent sur le postulat que l'homme a pris conscience de la possibilité d'une nouvelle catastrophe et qu'il a le souci de préserver une nature de plus en plus menacée. En réalité, toute cette débauche de signes cache une hostilité profonde, aux origines anciennes, mais qui s'est enfin librement déployée à partir du XXe siècle par le moyen de la puissance démultipliée des technosciences.
Pour changer, ne vous adaptez pas
Il y a cinquante mille ans vivaient sur Terre deux espèces d’homme : homos sapiens en Afrique et l’homme de Neandertal en Europe. Comme les périodes glaciaires venaient régulièrement geler les orteils et autre choses de Neandertal en Europe, comme le chauffage central n’était pas inventé, ce fier chasseur était très adapté au climat froid. Homo sapiens quant à lui se prélassait dans les moites tiédeurs et les capiteuses délices de la savane, il n’était pas adapté au climat froid. Or donc voilà qu’homo sapiens dont la curiosité est le pire défaut quitte l’Afrique et vient en Europe. La rencontre entre les deux espèces a lieu sur le terrain de Neandertal.
La philosophie aux Jeux Olympiques
Interrogeons-nous sur la possibilité que la philosophie devienne discipline olympique en 2050.
« Revivre » pour penser et agir dans le présent
Oui, il faut revivre, et il faut penser le « revivre », pour agir et pour penser dans le présent. Mais pourquoi le faut-il exactement ? Ne serait-ce pas un mot d’ordre volontariste, plus que vitaliste, un vœu pieux, une injonction, faussement libératrice ?
Debord, Merah et la société du spectacle
"Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de renvoyer les images", disait Cocteau. Les pseudo-journalistes aussi.
L’esthétisme reconsidéré : Une brève histoire du concept de Beauté
Commençons par ces mots de Bergson dans L’évolution Créatrice : « Quel est l’objet de l’art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l’art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l’unisson de la nature. »
L’équipe de France et la fortune (morale)
Les Français sont à peu près aussi désabusés de l’équipe de France de football que cette dernière l’est lorsqu’elle joue au ballon. Il y a une réciprocité qui laisse peu d’avenir au football français dans l’immédiat tant les deux parties semblent s’éloigner l’une de l’autre. Les critiques ne cessent de fuser de toutes parts (...) Mais une chose marque particulièrement (à défaut des joueurs) : leur conduite de balle semble bien moins gêner que leur conduite morale.
Contagion du baiser ou speed kissing
Avez-vous remarqué depuis quelques lustres l'essor du baiser de salon ? On ne serre plus la main, on tend la joue. Baiser frôlé, baiser baveux, deux ou cinq selon les régions, les pays. Baiser, arme politique quand il est sur la bouche, plaqué par Brejnev sur les lèvres du président d'une démocratie populaire, ou requis ailleurs par une compagne politique un soir d'investiture. Peut-on refuser un baiser sans désormais provoquer une tempête ?
Déconnexion : quand l’arrivée des beaux jours incite à l’épicurisme
Carpe diem. Cueille le jour présent. Cueille l’instant, la surprise qui s’offre à toi. Cueille la minute, la seconde, dont l’épaisseur tout à coup se donne à goûter.
Franz Liszt et l’esprit de liberté (la suite)
Le plus frappant chez Liszt est la façon dont il dessine un chemin de liberté dans les contraintes du Paris romantique de la monarchie de Juillet puis ensuite d’une Europe travaillée par les idées nouvelles mais qui reste encore une Europe des cours.
Franz Liszt et l’esprit de liberté
Liszt a payé chèrement le prix de la liberté : scandales, anathèmes, moqueries, solitude, incompréhension, indifférence.
Souriez, vous êtes smiley !
Du 5 au 13 mai, c’est la Fête du sourire (http://www.lafetedusourire.fr/): l’occasion de s’interroger sur l’incompréhensible succès du « smiley » ! Comment ce pac-man jaune inélégant au possible a-t-il pu s’imposer ainsi ? Quel effet produit-il pour que son usage, loin de s’épuiser, se diffuse ? Pourquoi tout lui sourit-il ? Il se pourrait bien que la réponse à toutes ces interrogations se trouve dans cette dernière question... Tout lui sourit parce que lui-même sourit ! Car le sourire a la qualité du cercle vertueux : il ne tourne pas en rond, il entraîne dans une ronde sans fin...
La question de la laïcité en 2012
La laïcité est à la fois le nom d’un cadre juridique précis et le nom d’un principe, d’une idée dont l’extension n’est pas fixée une fois pour toutes. Le cadre est connu, parfois mal connu ou sciemment mal interprété : il est défini par les lois de 1905.
Laure Manaudou, le retour héroïque
Certains protesteront : la notion d’ « héroïsme » n’est-elle pas ici décalée, voire dérisoire ? Il y a loin entre la personnalité aux multiples facettes de notre épatante championne et l’idée que l’on se fait habituellement du « héros », ce quasi surhomme que le peuple adule et auquel la patrie rend légitimement un culte.
Quand la notion de culpabilité se perd
Dans l’éditorial « L’imitation matinale », l’espace médiatique a pris une forme particulière : il n’est plus simplement un vecteur d’information pour des individus particuliers, il est aussi un espace sacré où ces mêmes individus forment à eux tous une foule.
L’imitation matinale
Ce sont probablement des millions de Français qui chaque matin en allant à leur travail ou en prenant leur petit déjeuner écoutent religieusement une actualité d’un genre un peu particulier, celle que retransmettent les imitateurs.