Apprendre à mourir : (re)lisons le «Phédon» de Platon
CLASSIQUE : Relisons les grands textes de la philosophie avec Maël Goarzin. Le dialogue de Platon intitulé Phédon se tient le dernier jour de la vie de Socrate, qui précède sa condamnation à mort pour de faux motifs. Quelques uns de ses amis ont été autorisés à lui rendre visite dans sa cellule, avant qu’il ne boive la ciguë. Une discussion s’engage alors sur le thème, grave et universel, de la mort.
Doctorant en Philosophie antique à l’Université de Lausanne et à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) à Paris, Maël Goarzin tient le blog Comment vivre au quotidien ? consacré à l’(in)actualité de la philosophie antique. Il est membre de l’Association Stoa Gallica, pour l’étude et la pratique d’un stoïcisme contemporain. Suivre sur Twitter : @MaelGoarzin
Que ce soit à travers la mise en scène proposée par Platon (les dernières heures avant la mise à mort de Socrate) ou à travers le contenu du dialogue lui-même (l’immortalité de l’âme et le lien âme-corps), le sujet principal du Phédon est la mort. Quelle doit être l’attitude du philosophe devant la mort ? Telle est la question que pose et à laquelle répond le dialogue de Platon intitulé le Phédon.
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Ce texte aura une longue postérité dans la réflexion antique sur la mort, que ce soit chez les stoïciens de l’époque hellénistique et romaine, pour qui Socrate est un modèle de sagesse et de vertu face à la mort, ou chez les néoplatoniciens de l’Antiquité tardive, pour qui la lecture et le commentaire du Phédon sont à l’origine de pratiques de purification de l’âme omniprésentes dans le mode de vie philosophique.
Quelle doit être l’attitude du philosophe face à la mort et comment Platon répond-t-il à cette question ? Tout d’abord, l’attitude du philosophe face à la mort est liée à deux postulats posés et défendus dans le Phédon : l’immortalité de l’âme et le lien âme-corps. Et de ces deux postulats découle une certaine tâche, qui doit être celle du philosophe : le soin de l’âme. En effet, si l’âme est immortelle, et si ce qu’il y a en moi de plus important est l’âme et non le corps, c’est de mon âme qu’il faut que je m’occupe en priorité, et non de mon corps :
«Ainsi, d’une façon générale, cet homme-là [le philosophe], loin de s’occuper de son corps (to sôma), se détache de lui autant qu’il peut, et tourne son attention vers son âme (ê psuchê).»
Platon, Phédon, 64e (trad. M. Dixsaut)
En quoi consiste le soin de l’âme ? Pour Platon, s’occuper de son âme, c’est détacher le plus possible l’âme du corps :
«C’est donc tout d’abord dans les cas de cet ordre que se révèle le philosophe : quand il détache son âme le plus possible, et mieux que nul autre, du commerce qui l’unit au corps.»
Platon, Phédon, 64e-65a
Prendre soin de son âme signifie détacher le plus possible l’âme du corps, le corps étant comme une prison pour l’âme, le corps tenant l’âme prisonnière du monde sensible, de la matière, tandis qu’elle aspire, par sa nature incorporelle, à rejoindre le monde intelligible, ou, en d’autres termes, à atteindre la vérité. Si l’âme est clouée au corps (pour reprendre une image du Phédon), elle ne peut se détacher de lui pour rejoindre les réalités intelligibles auxquelles elle aspire.
Se concentrer sur l’âme, oublier le corps
Pour l’âme qui est trop attachée au monde sensible, le corps peut en effet être un obstacle à la contemplation des réalités absolues (ou de la vérité), ce que Platon nomme dans le Phédon la pensée pure (c’est-à-dire pure de tout lien avec le corps). Il faut donc se concentrer sur l’âme seule, et oublier le corps. Le passage suivant reprend ce nécessaire effort de l’âme qui cherche la vérité :
– Quand donc, dit Socrate, l’âme atteint-elle la vérité (ê alêtheia) ? En effet, lorsqu’elle entreprend d’étudier une question avec l’aide du corps, elle est complètement abusée par lui, cela est évident.
Platon, Phédon, 65b-d
– Tu dis vrai.
– Donc, si jamais la réalité d’un être (tôn ontôn) apparaît à l’âme, c’est évidemment dans l’acte même de la pensée (en tô logizesthai) que cela a lieu ?
– Oui.
– Et l’âme pense (logizetai) mieux que jamais, sans doute, quand elle n’est troublée ni par l’ouïe, ni par la vue, ni par la peine, ni par le plaisir, et qu’elle s’est le plus possible isolée en elle-même : dégagée du corps, et rompant dans la mesure du possible tout commerce et tout contact avec lui, elle aspire à ce qui est (tou ontos).
– C’est bien cela.
– N’est-ce pas alors que l’âme du philosophe méprise le plus le corps, le fuit, et cherche à s’isoler en elle-même ?
– C’est clair.
On a dans ce passage une claire distinction entre connaissance sensible d’une part, issue des sens, et qui nous trompe, et connaissance intelligible d’autre part, issue de la pensée pure. Et c’est uniquement cette dernière, la pensée pure, qui est capable d’atteindre la vérité, ce qui est. Or, c’est ce à quoi aspire l’âme : connaître ce qui est, c’est-à-dire la vérité. Prendre soin de son âme, c’est donc détacher l’âme du corps, afin d’atteindre, par la pensée pure, la vérité. Telle est donc la tâche du philosophe : détacher l’âme du corps, et se concentrer sur l’âme seule afin d’atteindre, par la pensée pure, la vérité.
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On peut donc dire que la vie du philosophe, en tant qu’il s’exerce, tout au long de sa vie, à détacher son âme du corps, est une préparation à la mort, puisque c’est précisément ce qui va se passer au moment de la mort : l’âme va se séparer du corps. Et c’est en ce sens que la philosophie peut être définie comme un exercice préparant à la mort, de la même manière que la méditation de la mort, chez Marc Aurèle, est un exercice apportant la sérénité nécessaire au bonheur du philosophe stoïcien. En ce sens, philosopher, c’est s’exercer à mourir :
«Si au moment où elle se sépare, l’âme est pure (kathara) et n’entraîne avec elle rien qui vienne du corps (…), cela ne revient-il pas à dire que cette âme pratique droitement la philosophie, et qu’elle s’exerce pour de bon à être morte sans faire aucune difficulté. Ne serait-ce pas cela s’exercer à la mort (meletê thanatou) ?»
Platon, Phédon, 80e-81a
Philosopher, c’est s’exercer à détacher l’âme du corps, et c’est donc aussi s’exercer à mourir. Pourquoi ? Parce que tout au long de sa vie, le philosophe va essayer le plus possible (mais jamais complètement) de détacher l’âme du corps, de séparer dès ici-bas, autant que faire se peut, l’âme du corps, détachement qui aura lieu effectivement au moment de la mort.
Alors comment détacher l’âme du corps ? Que doit faire le philosophe pour séparer le plus possible l’âme du corps ? Qu’est-ce que ça veut dire, concrètement, s’exercer à mourir ? Il doit faire deux choses, qui sont liées l’une à l’autre. Tout d’abord, il doit calmer les désirs et les passions, c’est-à-dire les clous qui attachent l’âme au corps : «Chaque plaisir, chaque peine, c’est comme s’ils possédaient un clou avec lequel ils clouent l’âme au corps, le fixent en lui, et lui donnent une forme qui est celle du corps, puisqu’elle tient pour vrai tout ce que le corps peut bien lui déclarer de tel» (Phédon, 83c-d). Prendre ses distances par rapport aux plaisirs et aux peines, qui clouent l’âme au corps, tel est donc l’objectif du philosophe :
«L’âme du vrai philosophe pense donc que rien ne doit être opposé à cette libération [celle du corps] ; aussi se tient-elle à l’écart des plaisirs, des désirs, des peines, des craintes, autant qu’il est en son pouvoir.»
Platon, Phédon, 83b
Mais ce n’est pas tout. Puisqu’il ne doit pas suivre ce que lui dit le corps, que doit-il faire ? Il doit ensuite s’adonner le plus possible à ce que Platon nomme la pensée pure, qui permet, en se détachant pour un moment de tout lien avec le corps, de contempler les réalités absolues, ce qui est. Voilà comment Socrate décrit la vie philosophique, et plus particulièrement la vie de l’âme du philosophe :
«Elle met au calme ses passions, elle suit les pas du raisonnement, elle ne cesse d’être attentive, elle contemple (theômenê) le vrai (to alêthes), le divin (to theion), ce qui n’est pas objet de l’opinion, elle en fait sa nourriture. Elle croit qu’elle doit vivre ainsi toute sa vie, et qu’une fois venue l’heure de sa fin, elle s’en ira vers ce qui est conforme à sa nature, vers ce qui lui ressemble, et qu’elle sera délivrée de l’humaine misère.»
Platon, Phédon, 84a-b
Prendre ses distances avec les peines et les plaisirs corporels pour atteindre l’indépendance de la pensée, voilà, concrètement, ce que signifie, pour Platon, apprendre à mourir. Tel est, pour Platon, l’exercice de préparation à la mort. Maintenant, voici des objections courantes à l’attitude de Socrate face à la mort auxquelles j’aimerais répondre à partir de ma lecture du Phédon : Détacher l’âme du corps, n’est-ce pas précisément ce qui se passe lors de la mort physique ? Pour Platon, effectivement, lorsque je meurs, mon âme se détache du corps, et se réalise alors vraiment ce que le philosophe a tenté de faire toute sa vie : séparer l’âme des liens tenaces qui l’attachent au corps. Dans ce cas, pourquoi ne pas attendre tranquillement la mort, et profiter de la vie dans le monde sensible, en attendant la mort, qui viendra précisément séparer l’âme du corps ?
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Pour répondre à cette objection, Platon précise ceci : s’exercer tout au long de sa vie à détacher l’âme du corps facilite la séparation de l’âme et du corps au moment de la mort. Au contraire, clouée au corps tout au long de sa vie, par les peines et les plaisirs auxquels elle s’est attachée, et qu’elle a tenue pour vrais, l’âme se détachera difficilement du corps au moment de la mort. Et si je dois prendre soin de mon âme, c’est non seulement au moment de la mort, mais tout au long de ma vie, car détacher l’âme du corps n’est pas si simple et demande beaucoup d’effort. C’est aussi en cela que la philosophie est un exercice, c’est-à-dire un effort soutenu pour détacher l’âme du corps. Et comme tout exercice, il doit être répété pour être couronné de succès.
Comment comprendre la joie de Socrate au moment de mourir ? Le moment de la mort est le couronnement d’une vie d’effort consistant à séparer le plus possible l’âme du corps. D’où l’attitude de Socrate face à la mort. Ce n’est pas un moment triste, au contraire, mais l’accomplissement d’une vie entière, d’une vie d’effort enfin récompensée. Voilà comment il faut comprendre la sérénité de Socrate face à la mort :
«Si tout cela est vrai, il y a grand espoir, pour qui est arrivé là où je me rends maintenant, d’acquérir en suffisance, et là-bas plus que partout ailleurs, ce qui a été pour nous le but d’un si grand effort tout au long de notre vie passée. Aussi ce voyage, celui qui à présent m’est prescrit, s’accompagne-t-il d’une noble espérance, et cela vaut pour tout homme qui estime que la réflexion est prête à s’exercer, puisqu’elle est comme purifiée.»
Platon, Phédon, 67b
Si la pensée est ce qu’il y a de plus beau ici-bas, le philosophe n’a pas à s’attrister de la mort, car il retrouvera la pensée pure après la mort. Ce serait pour lui le comble de l’illogisme de commencer à craindre la mort à la fin de sa vie, au moment où il peut atteindre sans effort ce qu’il a tenté d’atteindre avec beaucoup de difficulté tout au long de sa vie. Nous avons ainsi vu que le philosophe, pour Platon, doit prendre soin de son âme, et que la philosophie platonicienne peut donc être définie comme une thérapie ou une thérapeutique de l’âme. Pour Platon, philosopher, c’est prendre soin de son âme, en la détachant le plus possible du corps et de la matière. Or, prendre soin de son âme, c’est prendre soin de soi-même. Ce qui me définit, pour Platon, en effet, c’est d’abord et avant tout mon âme. Philosopher, c’est donc avant toute chose prendre soin de soi :
«C’est en ayant souci de vous-mêmes (epimeleia) que tout ce que vous pourrez faire procurera de la joie. Mais si vous n’avez pas de souci de vous-mêmes, alors même si vous avez pris tous les engagements possibles, vous n’en serez pas plus avancés.»
Platon, Phédon, 115b
On voit bien ici tout ce qu’implique la philosophie platonicienne. Nous avons vu que le soin de l’âme nécessitait une certaine attitude du philosophe vis-à-vis des plaisirs et des peines, un certain détachement à leur égard, et qu’il leur demandait également une tâche bien précise : s’adonner le plus possible à la pensée pure. Le soin de l’âme nécessite donc une certaine manière de vivre, et engage toute la vie du philosophe. Devenir philosophe, c’est s’engager dans un certain mode de vie. Ce n’est pas seulement penser certaines idées comme vraies et d’autres comme fausses, mais c’est choisir de vivre d’une certaine manière, en fonction d’un objectif précis : la séparation de l’âme et du corps, préparation quotidienne à la mort physique et au détachement de l’âme de son enveloppe corporelle.
Doctorant en Philosophie antique à l’Université de Lausanne et à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) à Paris, Maël Goarzin tient le blog Comment vivre au quotidien ? consacré à la philosophie comme manière de vivre et à l’(in)actualité de la philosophie antique. Il est membre de l’Association Stoa Gallica, pour l’étude et la pratique d’un stoïcisme contemporain. Suivre sur Twitter : @MaelGoarzin
Commentaires
Franchement, ce texte me fait frémir…
Loin d’être apaisant (son but ?), il me terrifie.
Je vois très loin, en amont (en songeant qu’il y a un courant oriental puissant qui infiltre la pensée grecque) comment notre civilisation est arrivée à concevoir une haine puissante et destructrice pour nous et nos êtres corporels, et ceci, au nom de la sacrosainte… pureté.
Quand je vois le mot « pureté », maintenant, je frémis aussi. (Et je le vois… beaucoup. Sur des flacons de shampooing, sur des emballages de produits « bio », le mot « pureté » est sur tous les lèvres, même virtuels. Nous vivons nos vies dans des démarches incessantes de.. purification. Certes, ce n’est pas la purification des Anciens, mais c’est de la purification quand-même.)
Il me semble que… la recherche de la pureté est l’essence même d’une certaine vision religieuse de l’existence dont témoignent bien les pratiques religieuses de l’Antiquité.
L’opposition pensée « pure » et enveloppe corporelle… « souillée « ? « corrompue » ? me semble… à dépasser maintenant.
Aurons-nous le courage et l’intelligence de nous atteler à ce dépassement ?
Les événements récents ne m’encouragent guère…
par Debra - le 3 octobre, 2020
Bien d’accord avec Debra : ce texte fait frémir ! Que l’on puisse » s’adonner le plus possible à la pensée pure » , voilà qui est terrifiant . D’abord c’est ignorer l’intersubjectivité : on ne pense pas tout seul , fort heureusement ( sauf à être frappadingue ) mais avec tout son environnement , à commencer par ses semblables . Ensuite , le mépris du corps ça rend malade : » Qui veut faire l’ange fait la bête » . Enfin et surtout , la pensée » pure » c’est celle de tous les idéologues : Hitler avec la race » pure » , appelée à dominer le monde pour mille ans , Staline avec la classe » pure » , la dictature du prolétariat . Heureusement qu’Aristote est arrivé après Platon , pour ramener à plus d’humilité : » L’homme est un animal politique » . Il a besoin des autres et c’est dans la cité qu’il trouve » la vie bonne « , laquelle suppose le dépassement de soi , le souci de l’autre .
par Philippe Le Corroller - le 3 octobre, 2020
Il m’a tardivement apparu présomptueux et inconséquent de ma part de « commenter » le Phédon de Platon, qui, en tant que texte fondateur de l’Occident pèse d’un poids que moi, pauvre être évanescent, je ne pèserai jamais.
Donc, je cède la parole à William Butler Yeats, peut-être le plus grand poète de langue anglaise de la fin du 19ème, début 20ème siècle (irlandais, Yeats) qui a abandonné les sirènes platoniciennes et néo-platoniciennes vers la fin de sa vie, dans sa poésie.
Voici la réponse de William Butler Yeats au Phédon de Platon, en guise de dialogue :
Crazy Jane talks with the Bishop
I met the Bishop on the road
And much said he and I.
« Those breasts are flat and fallen now,
Those veins must soon be dry ;
Live in a heavenly mansion,
Not in some foul stye »
« Fair and foul are near of kin
And fair needs foul », I cried.
« My friends are gone, but that’s a truth
Nor grave nor bed denied,
Learned in bodily lowliness
And in the heart’s pride.
« A woman can be proud and stiff
When on love intent ;
But love has pitched his mansion in
The place of excrement ;
For nothing can be sole or whole
That has not been rent. »
« La folle Jeannette parle avec l’Evêque »
J’ai rencontré l’Evêque sur le chemin
Et nous nous sommes dits beaucoup de choses.
« Ces seins sont plats, et tombés maintenant,
Ces veines seront bientôt à sec ;
Vivez dans une demeure céleste,
Et pas dans une porcherie immonde. »
« Beau et hideux sont proches parents
Et beau a besoin de hideux », j’ai crié.
Mes amis sont partis, mais voici une vérité
Que ni le tombeau, ni le lit n’ont démenti,
Apprise dans la bassesse du corps
Et la fierté du coeur.
« Une femme peut être fière et raide
En visant l’amour ;
Mais l’Amour a dressé sa demeure
Dans le lieu de l’excrément ;
Car rien ne peut être seul, ni entier
Qui n’a pas été déchiré. »
par Debra - le 6 octobre, 2020
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