Eric Delassus
Docteur en philosophie, Eric Delassus est professeur agrégé de philosophie au lycée Marguerite de Navarre à Bourges. Il est entre autres l'auteur de De l’Éthique de Spinoza à l’éthique médicale (Presses Universitaires de Rennes, 2009) et anime le site internet de philosophie http://cogitations.free.fr. Suivre sur Twitter : @EDelass
ANALYSE : Le progrès technologique est si vertigineux que l’on peut sérieusement imaginer aujourd’hui une justice rendue non par des hommes mais par des algorithmes capables d’ingérer une somme d’informations qu’aucun juge, même le plus savant en jurisprudence, ne serait en mesure de maîtriser. Néanmoins, même si elle était omnisciente, une machine ne serait pas pour autant capable d'appliquer une justice singulière.
Le philosophe n’est pas là pour donner des leçons de management !
BONNES FEUILLES : Le manager peut en revanche réveiller le philosophe qui sommeille lui. C'est le propre de la philosophie de conceptualiser des arts, des sciences et des techniques qui ne sont pas elles. Alors pourquoi pas avec le management, qui régit une grande partie de nos vies ?
Intelligence artificielle : du fantasme à l’idée adéquate
ANALYSE : La puissance potentielle de l'intelligence artificielle, à la fois, nous fascine et nous effraie. Il nous faudra apprendre à vivre, même bâtir une «nouvelle alliance» avec cette nouveauté si proche de nous, trop peut-être.
Le philosophe n’est pas un professeur de bonheur
BONNES FEUILLES : Loin des marchands de bonheur qui font aujourd'hui florès, le philosophe spinoziste assume un postulat moins agréable dans son dernier ouvrage, "Philosophie du bonheur et de la joie", paru chez Ellipses : le bonheur est une chose rare et difficile à atteindre.
Pourquoi le goût du pouvoir rend-il impuissant ?
CHRONIQUE : Le pouvoir est nécessaire dans les organisations humaines, mais a le défaut d'être à la fois remède et poison, ce que les Grecs appelaient un pharmakon. Pour Eric Delassus, le point de basculement réside dans la nature désir du manager, selon qu'il souhaite - ou non - contribuer à la puissance d'agir de ses subordonnés.
«La Gueule de l’emploi» : l’entreprise comme état de nature
BILLET : Le documentaire La gueule de l'emploi, sorti en avril dernier, montre un management impitoyable et humiliant renvoyant les hommes à une sorte d'état de nature. Eric Delassus révèle les processus d'habitude et d'irresponsabilité individuelle à l'œuvre dans ces situations professionnelles, comparant les cadres de recrutement à ce qui semble être une nouvelle "banalité du mal".
Le management : une question philosophique
ANALYSE : En raison d’une méconnaissance réciproque, la philosophie et le management n’ont pas toujours fait bon ménage. Mais, au lieu de réduire le management à la transmission et l’application mécanique de procès dont la teneur éthique est parfois discutable, il semble préférable d’en faire un objet de réflexion.
ANALYSE : Construire le récit de sa vie en y introduisant tous les événements qui ont pu ébranler cette existence et trouver l’oreille attentive d’un autre être faisant preuve de sollicitude est certainement l’une des voies pouvant permettre de restaurer une puissance d’agir perdue.
Le travail est-il pour l’homme une malédiction ?
ANALYSE : retour sur une question datant de l'Antiquité et qui n'a pas commencé avec la loi travail El Khomri et le 49-3.
Spinoza : liberté et déterminisme
ANALYSE : Comment penser une liberté qui n’ait plus rien à voir avec le libre arbitre ? Comment penser la liberté à l’intérieur même du déterminisme ?
Éthique et nouvelles technologies
ANALYSE : Il faut penser ces outils numériques et virtuels comme "pharmakon" (tant poison que remède) pour mieux habiter ce nouveau monde et ne pas devenir esclave d'un nouveau technologisme.
Sagesse et résignation
BONNES FEUILLES : la résignation qui a si mauvaise presse est-elle un mauvais affect pour atteindre la sagesse ? N'y-a-t-il pas au contraire dans une forme d'acceptation libre quelque chose de la sophia ?
Monde du travail : prendre en considération la vulnérabilité
ANALYSE : le problème dans le monde du travail, c’est que le désir de l’employé, du salarié est soumis à un « désir maître », celui du chef d’entreprise ou du supérieur hiérarchique. Introduire l’éthique du care dans le monde du travail, prendre en compte sa propre vulnérabilité et celle d’autrui, n’y a-t-il pas là une voie pour tenter de sortir des rapports de servitude que génère encore trop souvent l’organisation du travail ?
Le préjugé de tous les préjugés
BONNES FEUILLES : Nous n’avons pas des yeux pour voir, mais nous voyons parce que nous avons des yeux. Le préjugé finalise inverse l’ordre naturel des choses et prend toujours l’effet pour la cause. Mais, ce qui fait que ce préjugé nécessite qu’on lui accorde autant d’important et que l’on dépense autant d’énergie pour le combattre, c’est qu’il est à l’origine de tous les autres.
C’est cette compréhension qui manqua aux concepteurs des centrales nucléaires nippones qui ont oublié que « l’homme n’est pas dans la nature comme un empire dans un empire », et que cette formule ne vaut pas que pour les affects de l’homme, mais aussi pour tous les autres phénomènes naturels. Quoi qu’il fasse, l’homme est régi par les lois constantes d’une nature à laquelle il ne peut commander qu’en lui obéissant.
La philosophie, méditation de la mort ou de la vie ?
Quelle place accorder à la vie et à la mort en philosophie ? Eric Delassus met en parallèle Pascal qui voit dans le divertissement un échappatoire à la mort et Spinoza qui voit dans la philosophie une méditation non de la mort, mais de la vie.
Pour une politique du care
Une éthique et une politique du care relèvent plus d’une philosophie de la puissance au sens spinoziste du terme que d’une démarche purement compassionnelle qui maintiendrait les personnes dans la faiblesse et la sujétion.
D’une rationalité à l’autre
La notion de rationalité est souvent perçue dans sa seule dimension instrumentale. Il nous faut développer une rationalité réflexive et remettre à sa juste place cette rationalité instrumentale qui risque de nous conduire à la déraison triomphante.
La mort et la maladie, des accidents inévitables
Notre corps est un jeu de forces qui s'affrontent chacune à des niveaux de complexité différents en n'ayant qu'un seul but : subsister aussi longtemps qu'il est possible.
Les voies du sens
C’est la grande leçon de Spinoza pour nous éviter de sombrer dans le non-sens et la barbarie : si notre désir confond les moyens et les fins nous devenons les artisans de notre malheur, incapables de donner à notre existence le sens que nous désirons lui donner.