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Islam, religion et totalitarisme

25/11/2015 | par L. Hansen-Love | dans Politique | 6 commentaires

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La religion peut rendre fou. En l’occurrence, une certaine interprétation d’une certaine religion. La religion en question doit-elle incriminée pour autant ?

Aucune religion n’est terrorisante ni totalitaire par nature. Au pire elle est un opium, une drogue douce.  Dans toute religion,  il y a une part d’éthique (« Tu ne tueras pas » « Aime ton prochain comme toi même » « Celui qui tue un homme tue l’humanité tout entière » ( Coran, S.5) etc…) et une exigence de spiritualité. Ce fond commun constitue un antidote à l’individualisme amoral de notre monde désenchanté, de cette « société du tout à l’ego » dont parle Régis Debray. C’est la raison pour laquelle Tocqueville a pu dire que les peuples démocratiques ont, plus que tout autres, un besoin vital de religion.

Une religion, c’est la mémoire d’une civilisation, une culture, autrement dit une captation de la violence qui permet de la ritualiser, de l’endiguer et de la refouler. C’est donc une dimension du politique qui, en règle générale, et par nature, prône la bienveillance et favorise le vivre-ensemble. Toutes les religions adoucissent les douleurs, apaisent l’angoisse mortelle, consolent les déshérités, et encouragent à sublimer notre agressivité. En ce sens, la religion en tant que telle constitue l’antithèse de la barbarie. Par ailleurs, il n’appartient à personne de hiérarchiser ni les cultures ni les religions.

Il faut donc déclarer que l’islamisme radical et terroriste n’est plus une religion. C’est une idéologie, ce qui est bien différent. Et cette idéologie, délirante et paranoïaque, on a le droit de la critiquer ! Cette critique peut passer – entre autres – par la dénonciation de son caractère totalitaire. Totalitaire : qui veut s’emparer de l’homme tout entier et qui veut régir le monde dans sa totalité. Une telle « idéologie » (au sens de H. Arendt) ne capte pas la violence pour la canaliser, l’encadrer, voire l’euphémiser. Tout au contraire, elle la prône pour asseoir sa puissance séculière, mais aussi pour justifier la guerre totale, éliminer l’Autre et précipiter l’Apocalypse. Elle est totalitaire car elle présente l’ extermination de l’ ennemi comme la condition du possibilité du Salut. Elle est totalitaire car elle ne dissocie pas politique et religion mais prétend – à l’opposé – dériver un dessein « politique » de la religion. Elle est totalitaire car elle divise la planète entre amis et ennemis, tout comme le préconisait l’idéologie nazie. Elle est totalitaire car elle déclare la guerre à la civilisation en tant que telle. Elle est totalitaire car elle nie l’unité de l’humanité, dès lors qu’elle en scinde l’humanité en trois groupes (les croyants, les infidèles, et les égarés). Elle est totalitaire car elle sacralise la mort, désacralise la vie et déshumanise l’ennemi.

Quant à la vraie piété, laissons à Lucrèce le soin de la définir :

« La piété, ce n’est pas se montrer la tête voilée et, tourné vers une pierre, s’approcher de tous les autels, ni se prosterner à terre, tendre ses mains ouvertes devant les temples des dieux, inonder leurs autels du sang des animaux, enchaîner les prières aux prières. La piété, c’est regarder toute chose avec sérénité  » (De la nature, Livre V)

 

Post Scriptum
Ce que veut vraiment l’Etat islamique : http://www.courrierinternational.com/article/enquete-ce-que-veut-vraiment-letat-islamique
Pour H. Arendt toute idéologie est virtuellement totalitaire : http://hansenlove.over-blog.com/2015/11/ideologie-et-terreur.html

 

L. Hansen-Love

Professeur agrégée de philosophie, Laurence Hansen-Love a enseigné en terminale et en classes préparatoires littéraires. Aujourd'hui professeur à l'Ipesup, elle est l'auteur de plusieurs manuels de philosophie chez Hatier et Belin. Nous vous conseillons son excellent blog hansen-love.com ainsi que ses contributions au site lewebpedagogique.com. Chroniqueuse à iPhilo, elle a coordonné la réalisation de l'application iPhilo Bac, disponible sur l'Apple Store pour tous les futurs bacheliers.

 

 

Commentaires

Bon…
Je crois que ce texte est à examiner, à lire en face à face, avec le texte de Freud dans « Résultats, idées, problèmes », la lettre à Albert Einstein, « Pourquoi la guerre ? », texte auquel je fais référence ici souvent, je crois…En très grand penseur, Freud se permet de penser qu’il POURRAIT y avoir quelques conséquences fâcheuses à la sublimation (des pulsions), et que ces conséquences A LA LONGUE, pourraient être fatales à l’espèce humaine.
J’aurais envie de dire que ce qui est totalitaire, c’est ce qui totalise. (Le pouvoir du « peuple » peut-il être totalitaire ? En parlant de « tyrannie du peuple », nos ancêtres ont reconnu cette possibilité, il me semble.)
Des projets ambitieux évangélistes de notre civilisation, par le passé, et par le présent, dans leurs visées unifiantes et… universalistes sont… totalisants…La preuve ? je crois qu’il serait difficile dans le monde qui est le nôtre de trouver un pays où les lettrés, les gens détenant du pouvoir et des richesses, n’ont pas été colonisés par nos idées et nos technologies occidentales.
On peut observer dans nos vies que ce qui exerce une pression totalisante exerce par la même occasion, mais sur un autre plan, dans un univers parallèle ? invisible ? une pression contraire pour fragmenter en morceaux, en guise de résistance.
Les mots exercent cette pression terrible, impulsés par notre besoin… instinctuel ? de faire en sorte qu’ils se différencient afin de pouvoir continuer à vouloir dire. Le mot « tout » exerce une pression colossale. Et évidement, afin de continuer à vouloir dire dans nos têtes, dans nos idées (inéluctablement en acte, dans nos sociétés), le mot « tout » a besoin d’un… « pas-tout », exclu pour lui faire face.
Plus on s’adonne à la jouissance, exempte de l’autodiscipline, d’enchaîner les mots « tout », « jamais », pour n’en citer que les plus explosifs, plus… SOI, au niveau de la fourmi (que nous sommes, que nous sommes…on pourrait essayer de comprendre pourquoi ce que nous appelons.. « ego », dans le sens du « moi », est plus proche de la conscience de la fourmi que celle du loup à l’heure actuelle, par exemple, mais cela nous amènerait trop loin ici), on accroît la pression totalisante… de ces mots. Sur nos esprits. Sur les esprits des autres.
Si j’attire votre attention sur cet état de fait, c’est pour faire le constat, par la même occasion, que dans NOTRE monde »laïc », en France, nous ne percevons que trop bien les effets de cette pression totalisante. Sans que Monsieur ou Madame Tout le Monde SE revendique une foi, une appartenance religieuse.
Ici, encore, il y aurait des pages très intéressantes à écrire ? lire ? dire ? sur la différence structurale entre la foi dans une Idéologie et la foi religieuse. Si la foi (et la croyance) ont une structure similaire dans les deux cas, la différence de leur objet induit des considérations à identifier, penser, et méditer avec la plus grande attention.
Sur l’Apocalypse : Dans quelle mesure l’idée de « précipiter l’Apocalypse » ne serait-elle pas une réaction à une folie ? humaine inexcusable mais compréhensible : le désir d’éliminer la mort comme… fin de nos existences, et de rendre caduc la nécessité pour nous, créature vulnérables et impuissants que nous sommes, d’ACCEPTER de recevoir notre mort, quelle qu’elle soit. (Hypothèse : nous RECEVONS notre mort de l’extérieur dans une fin que « nous » (le moi, ici) ne choisissons pas. Toute infraction à ce.. commandement ? sera punie de conséquences dévastatrices pour la personne, et sa société.)
Merci pour la citation de Lucrèce. Mais je ne suis pas d’accord sur LA.. VRAIE piété. Je préfère penser qu’il y a DES formes de piété multiples…
Jusqu’à la fin des années cinquante à peu près, en France, les femmes couvraient leur tête.. à l’Eglise (catholique romaine), survivance d’une coutume commune à beaucoup d’endroits en Orient, et en Occident, pendant des siècles et des siècles, par humilité, par désir de modestie, par besoin de se soustraire aux regards admiratifs ? concupiscents ? d’inconnus, par BESOIN DE TRANQUILLITE dans l’espace public. Elles n’étaient pas pour autant des citoyens de seconde zone.
Elles montraient ainsi… qu’il y avait du secret, du caché, et que cela pouvait être bon, et désirable.
Lucrèce montre ici son refus de s’agenouiller et de prier. Pourtant… je ne vois pas en quoi cela ne serait pas VIRIL de pouvoir s’agenouiller et prier, seul, la porte fermée, quand on est un homme ? Celui-ci ne pourrait-il pas ainsi SAUVER LA FACE, et sa virilité par la même occasion, tout en sauvant (peut-être) SON AME ??
Bienheureux monde où le Maître des maîtres serait Dieu, et pas le supérieur hiérarchique. Je pars du principe qu’il y a certains aspects de notre monde qui se laissent percevoir SUR LES GENOUX, et pas d’après un autre angle. Et qu’il est bon de pouvoir enrichir son regard afin d’enrichir notre monde.
Pour regarder « TOUTE » (sans commentaire…) chose avec sérénité, je dis que cela rappelle la paix… du cimetière, et la paix du cimetière est désirable… AU CIMETIERE… (un autre exemple d’étendre ce qui est « bon » DANS UN LIEU vers des lieux où il n’est plus forcément « bon ».)
La citation de Lucrèce me fait voir ce qui se passe quand le mieux devient l’ennemi du bien…
Décidément, vivre est un métier très difficile, mais passionnant, à exercer à plein temps.

par Debra - le 25 novembre, 2015


Merci pour cet article
je manquais d’arguments pour répondre au discours suivant:

http://youtu.be/mzHCPqj-ZHs

B. Daumas

par Daumas Bernard - le 25 novembre, 2015


Je découvre ce site. Objectif intéressant.
En préambule, je dirais que votre article est un amas de choses vraies et fausses mélangées. C’est une philosophie fourre-tout, désolé!
Pour en venir aux deux citations ci-dessous:
1. » Il n’appartient à personne de hiérarchiser ni les cultures ni les religions ».
2. « Il faut donc déclarer que l’islamisme radical et terroriste n’est plus une religion. C’est une idéologie, ce qui est bien différent ».

1. Le relativisme culturel (c’est bien de ça qu’il s’agit?) est un non-sens, un nihilisme camouflé. Toute culture étant relative (même quand elle prétend à l’intemporel) à un peuple, une époque, une région, un climat, un niveau de technologies, en somme au temps comme à l’espace, et chacune ayant ses propres fondements, elles se hiérarchisent forcément les unes les autres.

2. L’Islam est une idéologie en même temps qu’une religion, c’est incontestable, sauf pour les bobos occidentaux. Demandez à Erdogan ce qu’il en pense.
L' »islamisme radical et terroriste »( quelle purée de mots!) serait une idéologie et pas une religion… et n’aurait donc rien à voir avec l’Islam ? Vous avez appris où à parler français? Que ce soit une lecture partielle ou partiale de l’Islam, peut-être (l’islamisme revendiqué des Frères Musulmans n’aurait donc rien à voir non plus avec l’islam?), mais nier le lien est un déni de réalité et une insulte à l’intelligence.

par Candide - le 10 janvier, 2016


Je ne nie pas le lien entre Islam et Idéologie islamiste radicale… J’essaie juste de montrer qu’une idéologie totalitaire se distingue d’une religion, -sur laquelle elle se fonde et dont elle dérive toutefois. Voyez ma première phrase… Cela dit n’importe quelle religion (cf bouddhistes de Birmanie) peut dériver de cette manière…merci quand même pour l’ « insulta à l’intelligence » !

par Hansen-Love - le 25 août, 2017


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