Un voyage dans le passé
A VOUS DE JOUER – Nous continuons notre série d’été qui durera jusqu’à la fin du mois d’août. Découvrez et répondez aux exercices et autres tests extraits de l’ouvrage Petites distractions philosophiques du philosophe allemand Robert Zimmer, qui vient d’être publié par la Librairie Vuibert. Cette semaine, nous vous proposons de remonter dans le temps… à condition d’en résoudre les difficultés d’ordre logique !
Robert Zimmer est un philosophe et essayiste allemand né en 1953, auteur d’une thèse de doctorat en Philosophie sur Edmund Burke et de biographies et d’introductions à la philosophie particulièrement populaires outre-Rhin. Une partie de son oeuvre est traduite en français, notamment Le Grand Livre des philosophes (éd. Fayard, 2012) et Petites distractions philosophiques (éd. Vuibert, 2017).
Enoncé
Dans les «voyages dans le temps» tels que les décrivent de nombreux romans de science-fiction, le temps est envisagé comme la quatrième dimension, par analogie aux trois dimensions de l’espace. En découle l’idée qu’il serait possible de se déplacer dans le futur ou dans le passé comme à travers un espace. Examinez le cas suivant :
A. est né en 1970, son père en 1940. A. ne se sent pas à l’aise dans son siècle et fait, en l’an 2000, un voyage dans le temps, dans le passé : il se propulse en l’an 1900, où il poursuit son existence.
➦ Quel problème logique en résulte-t-il – par exemple, par rapport à la durée de vie de son père ? Comment un tel problème logique pourrait-il, éventuellement, être résolu ?
Merci pour vos réponses en commentaires. Et voici celle de Robert Zimmer !
Le problème logique soulevé tient naturellement à ce que le fils vit à une époque où son père n’est pas encore né. Il est donc, tel que nous comprenons sa situation, plus âgé que son père – ce qui n’est pas possible. Supposer un univers parallèle régi par une autre temporalité peut éventuellement résoudre cette contradiction. Le fils comme le père pourraient ainsi vivre tous deux «en même temps» à des époques différentes.
Découvrez les autres articles de notre série d’été
Le meilleur des mondes possibles ?
Connaissez-vous le paradoxe du tas ?
L’être peut-il aussi «ne pas être» ?
La philosophie est une gymnastique
Robert Zimmer est un philosophe et essayiste allemand né en 1953, auteur d'une thèse de doctorat en Philosophie sur Edmund Burke et de biographies et d'introductions à la philosophie particulièrement populaires outre-Rhin. Une partie de son oeuvre est traduite en français, notamment Le Grand Livre des philosophes (éd. Fayard, 2012) et Petites distractions philosophiques (éd. Vuibert, 2017).
Commentaires
(commentaire publié originellement sur Facebook)
A la seconde où A se propulse dans le passé, il va produire un « effet papillon », autrement dit « décaler »tous les événements. Même dans le cas où son père naît, ce qui est loin d’être évident, puis rencontre tout de même sa mère, il y a une chance infime pour que le gamète mâle produit par le père au moment de l’accouplement soit effectivement celui de A.
En allant dans le passé avant sa propre naissance et celle de son père, A a toutes les chances de disparaître purement et simplement tout en recréant un nouveau futur.
La seule façon de résoudre ce problème est de considérer que la naissance de son père et sa propre naissance ont été provoquées par son voyage dans le temps depuis toujours, formant une boucle temporelle infinie.
Boucle temporelle tout à fait paradoxale car on ne voit pas comment elle aurait pu débuter.
On ne voyagera jamais dans le temps. Disons que nous-mêmes avec nos corps physiques, notre espace, sommes aussi le temps. Je pense que c’est une erreur de penser que nous vivons « dans » le temps. Nous sommes le sommes. Et le temps ne voyage pas en lui-même…
En ce qui concerne les voyages dans le futur (si on allait à la vitesse de la lumière), eh bien c’est possible seulement en théorie, et en pratique sur des objets non vivants.
Je ne nie pas la relativité du temps, bien au contraire, je dis seulement que si l’espace-temps est modifié radicalement de façon extraordinaire sur un être humain, son corps n’y résisterait pas.
par J. L. - le 9 août, 2017
La preuve que c’est impossible de voyager dans le passé, nous n’avons jamais rencontré de visiteurs du futur…
par Mme Michû - le 9 août, 2017
Désolé, Mme Michû, mais je viens du futur.
par André P. - le 9 août, 2017
Blague à part…
L’un des problèmes est la conséquence de nos actions sur le futur. La moindre cause ayant un effet, par boule de neige, le monde tel qu’il est aujourd’hui ne l’aurait pas été si Cléopâtre avait eu le nez plus court, ce qui, dans la théorie des catastrophes, a été traduit par Edward Lorenz en 1972, par l’assertion suivante : le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas.
Le passé est fixe, contrairement à l’avenir, qui est ouvert. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’appel d’Edith Piaf a toujours été d’une grande sagesse : non, je ne regrette rien. Rien ne sert de changer un iota de notre passé, car, si on en change un iota, notre futur serait totalement différent, formant un autre monde dans lequel « je » aurait lui-même été un autre, rendant toute comparaison inutile.
C’est toute la question du raisonnement contrefactuel du type « si j’avais fait…, alors je serais/aurais », particulièrement travaillé par Jean-Pierre Dupuy dans sa philosophie du « catastrophisme éclairé ». Par exemple, la phrase suivante est-elle valide : « Si, le 8 mars 2014, j’avais été dans le vol MH 370 reliant Kuala Lumpur à Pékin, je serais mort » ? En réalité non, car nous serions dans un « autre » monde. Ce monde étant « autre », le vol MH370 ne serait pas tombé.
Voilà pourquoi les machines à remonter le temps sont difficilement concevables. D’ailleurs, les films qui en imaginent le fonctionnement essaient toujours de faire en sorte que les actions du personnage qui remonte le temps n’est pas d’impact sur le futur, ou si elles en ont, le personnage remonté dans le temps fait toujours en sorte d’annuler ces effets avant de remonter dans la machine pour que l’avenir ne soit pas changé. Ceci est en réalité impossible, on ne peut pas remonter en 1900, y vivre sans que cela ait la moindre conséquence pour le futur. Pour le dire autrement encore, on ne peut pas imaginer que l’effet soit antérieure à la cause.
La seule possibilité est effectivement d’imaginer, comme le dit J.L., que « la naissance de son père et sa propre naissance ont été provoquées par son voyage dans le temps depuis toujours, formant une boucle temporelle infinie ». Un cas-limite en somme, de prophétie auto-référentielle…
par André P. - le 9 août, 2017
Si A revenait en 1900, lui ou elle et son père seraient donc à la fois nés et pas nés.. une boucle.. cela pose peut-être la question de l éternité, des dimensions parallèles, mais aussi de la toute puissance.
A un autre niveau, cela pose également la question de savoir si notre passé est définitivement inscrit et conservé (aux archives !?!), s il pourrait s’observer de visu, et s’il est modifiable. Mais si l’on pouvait retourner dans le passé, ce serait terrible, car cela voudrait dire enfin également que n importe qui pourrait nous anéantir… Nous, nos parents, nos enfants… Cela pose donc une question éthique, et probablement une question de l ordre du biopouvoir..
par Catherine - le 10 août, 2017
Si l’on postule l’éternel retour du même, il n’est pas impossible que A ou son clone réapparaisse en 2100. Cet A’ serait alors à A ce que A serait lui-même à l’autre A de 1900 (A »). Il pourrait y avoir une continuité du « moi » entre tous ces A qui formeraient une même identité personnelle suivant le processus décrit par John Locke. Sauf que s’il est possible que A’ ait gardé en mémoire les souvenirs de A, il est chronologiquement impossible que A » ait mémorisé des événements liés à A qui par définition ne se sont pas encore produits.
par thierry - le 10 août, 2017
Si rien ne se crée, ni ne se perd mais se transforme, il se pourrait que nous puissions, en des états divers, vivre sous d’autres tropiques. Considérer le vivant comme la matière animée par une énergie et nous pouvons imaginer cette énergie comme une mémoire immuable.
Mémoire de tous les phénomènes qui se déploient dans la matière et fait de chaque chose vivante un terrain de combinaisons/actions possibles.
Si tout est déjà là, alors nous vivons indéfiniment l’infini des possibles.
Poser le problème en terme d’individu X désirant vivre en 1900 revient à vouloir extraire un point dans une somme de points qui n’a ni début ni fin, pour l’extraire il faudrait qu’il y ait un dehors.
Tine
par chiarappa - le 10 août, 2017
Bonjour,
Je m’interroge sur la notion temps!
Existe t-il vraiment?
Quelle perception en avons nous humains?
Est-elle la même pour tout le monde?
Est-elle la même pour »mesurer »la course des astres,le branle universel?
Est-elle la même dans le fonctionnement de l’univers?
Notre représentation tiendrait du local,mais ignore le reste.
Parlant du temps, ou du pas le temps, nous nous exprimons en théories!
Mais notre esprit, notre mémoire, sont capables d’imaginer des possibles;mais pas tous!
Des extrapolations de la pensée comme un reflet de réels utopiques.
Au reste, qu’en serait-il du mouvement de inflation cosmique?
par philo'ofser - le 11 août, 2017
Bonjour,
Il me semble que, comme le dit J.L nous sommes le temps. Nous le disions lors de la réflexion autour du premier article de cette série nous sommes la totalité du monde que nous pouvons percevoir appréhender, connaître. Nous pouvons élargir cette perception en l’enrichissant des connaissances des autres, de leurs recherches, de leurs réflexions, mais lorsque nous disparaissons, le monde, la totalité, y compris le temps disparaît avec nous.
par Catherine Daures - le 11 août, 2017
Ce matin, une intuition : je pense que nous parviendrons à repartir dans l’espace temps (je suppose que le temps sans l espace n existe pas , ce serait le temps sans repère historique… Sans contexte, bref, sans rien). Nous parviendront à maîtriser l espace temps, donc, mais concernant le passé, uniquement en tant qu’ observateurs.
par Catherine - le 11 août, 2017
Catherine, votre confiance en » nous » sans doute la science, est réjouissante mais, juste une question : le temps qu’il « nous » faudra pour effectuer ce voyage vers le passé sera-t-il décompté sur le présent, dans le cas d’un transfert instantané ou bien sur le futur ? Mettons, je décide ( opportunité rendue possible par « nous » ) de me rendre à Pompéi juste avant l’explosion de l’Etna, le temps qu’il me faudra pour effectuer ce voyage s’inscrira-t-il dans mon présent, ou dans mon futur ? Et le temps passé la bas ?
Et puis en tendu cet après midi à la radio » Le passé est devant nous, c’est notre histoire », le futur est derrière nous, nous n’en savons rien » J’ai bien aimé 🙂
par Catherine Daures - le 13 août, 2017
Nous pourrions même imaginer que quelques visiteurs viennent du futur, tels des historiens ou autres scientifiques. Nous serions alors une sorte de mémoire.
par Catherine - le 13 août, 2017
Catherine Daures, c est drôle, nous nous sommes croisées !
Imaginons que cela fonctionne comme si nous étions dans une bulle nommée espace temps. Le voyage de notre humanité future qui nous rendrait visite serait alors décomptee dans leur propre espace temps, bien sûr, comme le nôtre lorsque nous consultons par exemple notre mémoire. Par contre, aucune idée sur la limite, le cadre, d un tel fonctionnement.. cad, si nous avions des visiteurs du futur, dans quelle mesure eux mêmes pourraient t ils en avoir ou pas ?
par Catherine - le 13 août, 2017
[…] les autres articles de notre série d’été Voyage dans le passé Le meilleur des mondes possibles ? Connaissez-vous le paradoxe du tas ? L’être peut-il aussi […]
par iPhilo » La probabilité est-elle calculable ? - le 13 août, 2017
Avec Catherine Daures nous nous sommes croisées, cad, nous avons posté un commentaire en même temps sur ce fil (le dernier post).
Je poursuis un peu sur l hypothèse que j ai formulée. Nous pouvons considérer que tout ce qui se déroule, toute l histoire de l humanité, est une mémoire. L histoire nous l enseigne d ailleurs.. Sauf que nous, au présent, sommes soumis à des interprétations et de multiples versions. Les historiens s’efforcent de rétablir par des faits vérifiés la vérité, mais ce n est pas encore, disons, la Mémoire. La mémoire, c’est la Vérité. Cad, ce qui est, et ce qui s est réellement passé à chaque moment T. Cette vérité est la Mémoire, notre Mémoire. Nous pouvons considérer, même si c est pour le moment hypothétique, qu’ au fur et à mesure que nous avançons dans le temps, ce qui s est déroulé est évacué dans une autre dimension… Et que cette dimension pourrait être un jour consultable. Nous concernant, nous pourrions aussi faire partie de la mémoire.. qui peut être consultée. Concernant le souhait de A. Si nous maitrisions le temps, inscrit dans un espace (ici, l espace 1900), il pourrait consulter les années 1900. Y vivre, c est autre chose, ce serait encore une autre étape, que je ne crois pas possible car ce serait un chaos. En revanche, ce temps pourrait être virtuellement reconstitué et il pourrait peut-être virtuellement y vivre..
par catherine - le 13 août, 2017
C’est bientôt 48 heures 🙂 ?
par Catherine - le 15 août, 2017
C’est peut-être ça la réponse : 48 heures ? oui, mais dans quel sens ? Vers demain ou vers hier ? 😀
par Catherine Daures - le 15 août, 2017
En fait Catherine, ce que je crois c’est que comme il n’y a guère que vous et moi qui nous prenons au jeu, nous répondons, argumentons, à notre piètre niveau, nous n’intéressons pas ces intellectuels de haut vol qui du coup ont laissé tomber. Tant pis ! Et comme pour ma part, je ne suis vraiment pas intéressée par leur histoire de statistiques, je vais laisser tomber moi aussi. Bonne continuation à vous 🙂
par Catherine Daures - le 15 août, 2017
De haut vol, peut-être (sans doute), mais bien que nos contributions soient modestes, academiquement parlant, je trouve pour ma part trop peu d’intérêt aux réponses pour poursuivre…
par catherine - le 19 août, 2017
Et j ajouterai que je trouve les commentaires plus intéressants, bien plus riches, que les réponses des intellectuels du site.
Bien à vous.
par catherine - le 19 août, 2017
Autrement dit, on est davantage pris.e.s pour des imbéciles que nous le serions.
par Catherine - le 19 août, 2017
Bonjour,
Perso, je trouve vos méls très intéressants,alors que je suis incapable d’élaborer pour entrer dans le jeu,une quelconque réponse mathématique!
Je vous (nous vous invitons) invite à continuer vos commentaires au niveau qui est le vôtre; loin,très loin d’être piètre!
Amicalement
par phio'ofser - le 27 août, 2017
Bonjour, qui « nous » ? Qui êtes vous ?
Merci c est gentil en tout cas.. Mais on attend aussi des réponses qui nous permettent d avancer, un certain investissement dans les réponses des administrateurs du site.. enfin.. un entraînement sans correction digne de ce nom est inutile voir contre productif.. et par respect nous devrions recevoir la réelle contrepartie de ce que nous donnons.
Bien à vous
par Catherine - le 27 août, 2017
Laissez un commentaire