Tout à sa solitude, le philosophe peut-il parler de la vie sociale ?
ANALYSE : Y a-t-il un intérêt à philosopher sur la vie sociale ? Le goût pour la solitude, dont se prévaut souvent le penseur, ne discrédite-t-il pas ses appréciations, souvent sévères, sur les formes de la vie en société ? Jean-François Crépel entend montrer ici qu’il convient de revisiter la vulgate rousseauiste du philosophe solitaire, à la fois pour rendre justice au penseur de l’état de nature et pour rappeler qu’être philosophe, c’est non seulement être instruit des sciences de la culture, mais aussi savoir réveiller la conscience de notre nature humaine commune, si souvent étouffée par les passions sociales.
Professeur de philosophie depuis 1999, Jean-François Crépel est enseignant au Lycée Saint-Joseph du Loquidy-la-Salle de Nantes et chargé de cours à l’Université de Nantes. Il collabore avec l’association Philosophia et a notamment donné un cours à l’Université Permanente de Nantes sur le thème «Kierkegaard ou le choix de soi».
La vie sociale est la trame de l’existence qui fait de chacun de nous un être qui échappe à la solitude. En cela, la vie sociale est déjà, par elle-même, source d’une insondable perplexité. Y a-t-il un moment où, quittant la solitude, nous basculons dans le mode d’existence de la vie sociale ? Ce mode d’existence est-il par essence distinct de celui de la solitude ? Celle-ci est-elle première ou seconde dans notre existence d’être humain ? Mais le plus important est sans doute que la vie sociale engage chaque individu à faire culturellement corps avec un collectif, qu’on appelle de façon aussi générique qu’indéterminée : la société. Or on peut faire l’hypothèse que cet engagement conduit insensiblement à l’adoption d’un comportement qui ne peut pas être simplement considéré comme issu de la nature, en tant que celle-ci ne se comprend que dans et à travers des données immédiates et primitives auxquelles seule la solitude permet d’accéder. Vivre en société signifierait alors inévitablement se dénaturer, faire l’expérience de l’entrée dans la culture.
L’homme ne peut guère échapper à la culture, ni à la vie sociale qu’elle génère, mais il peut toujours élaborer une théorie de l’état de nature qui l’a logiquement précédé (1). La vie sociale est l’envers de cet état de nature, conçu par Rousseau d’abord dans le seul but de la faire apparaître en négatif comme seconde et artificielle, c’est-à-dire faite de conduites élaborées et littéralement produites par le corps social lui-même. Un simple fait social comme le repas le montre bien. Loin d’être un simple acte animal de dévoration de nourriture, le repas est une cérémonie humaine qui dit déjà tout de notre comportement d’être social, de notre éducation, de nos goûts et nos dégoûts, tout autant que de nos mœurs. Un repas est donc un acte de la vie sociale, un acte qui célèbre la culture de la sociabilité, et cela parce que les manières de tables, les gestes qui consistent, par exemple, à savoir ou non se servir de couverts à poissons, sont des signes avant d’être des actes utiles. Même pris isolément, tout dans le repas fait signe vers la société. Il faut alors ajouter que c’est le propre de la vie sociale que d’être tissée d’une diversité d’usages, de représentations et de valeurs qui, pris ensemble, contribuent à fabriquer des cultures infiniment variées. Au point qu’il est devenu commun de parler de cultures au pluriel plutôt que de culture au singulier pour qualifier l’humanité. Les riches et passionnants travaux des ethnologues culturalistes (2) ont su ainsi donner ses lettres de créance scientifique à cette façon de parler de l’humanité.
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On peut ici faire l’hypothèse suivante : ces travaux d’ethnologie n’ont-ils pas contribué à faire perdre à la Culture la majuscule que lui conférait l’éducation de l’humanisme classique. Pour celui-ci, la Culture signifie en effet culture des humanités, et celles-ci constituent un ensemble de savoirs et de conduites permettant d’accéder à une forme supérieure d’existence, en épanouissant l’Homme dans sa nature et en le civilisant. Cependant, cet idéal méconnaît les effets sociaux réels de la culture, et le fait que celle-ci constitue un ensemble de processus qui génèrent une conduite marquée par des propriétés historiques et géographiques particulières, faisant par exemple que la culture bretonne n’est pas la culture périgourdine. Le problème est que la reconnaissance spontanée de la diversité culturelle ne fait rien gagner en compréhension à la vie sociale. Celle-ci est en effet étroitement associée dans les mentalités aux stéréotypes, ces empreintes laissées dans l’esprit des hommes par des schémas de représentations, et véhiculées par l’exotisme des récits de voyageurs, et ces stéréotypes présentent cette vie sociale comme étroitement déterminée par un milieu culturel : qu’on évoque les baguettes, la cérémonie du thé, les croyances shintoïstes et quelques estampes, et nous nous croirons ainsi déjà familiers de la culture japonaise ! Ainsi la représentation stéréotypée du milieu culturel n’est souvent que l’alibi de notre ignorance des autres cultures, c’est-à-dire des autres façons de faire société, alibi que nous avançons bien souvent en faisant la promotion paresseuse de cet exotisme caricatural, au lieu d’aller à la rencontre de l’autre.
Cependant, l’ethnologie culturaliste a constitué un tournant décisif dans l’avènement des sciences de la culture, et plus précisément dans la critique scientifique de ces caricatures de la vie sociale que sont les stéréotypes, tout autant que dans la crise de l’idéal de l’humanisme classique. Elle a en effet permis de comprendre que la culture, loin d’être un simple milieu où s’élaborerait une idiosyncrasie particulière à une façon de faire société, se présente comme un véritable système de fabrication des comportements sociaux. Pour employer un vocabulaire métaphysique auquel répugnent ces savants ethnologues, nous dirions volontiers que la culture est le substrat de la vie sociale, qu’elle constitue l’essence des mœurs d’une société, aussi bien de celles qui sont étrangères aux hommes qui se les représentent, que de celles qui leurs sont propres. En effet, ces mœurs sont régies par des processus bien souvent inconscients de ceux qui en font partie ; et c’est bien ce que nous découvre, par fragments, l’ethnologie culturaliste, à travers l’observation des systèmes de parenté (3), de la sexualité (4), ou encore des échanges (5) propres à ces différentes sociétés.
Une autre énigme de la vie sociale apparaît alors ici : pourquoi la découverte des autres sociétés ne contribue-t-elle pas à nous guérir de tous les préjugés qui nous empêchent de comprendre, ou au moins de tolérer, d’autres modes de vie que les nôtres ? Pourquoi, avec ces connaissances ethnologiques, la sauvagerie et la barbarie sont-ils des mots qui ne sont pas véritablement sortis de notre vocabulaire pour qualifier les comportements, étrangers à nos mœurs, comportements que l’on ne comprend pas, et qu’on se représente comme une menace, qu’au mieux souvent on apprend à tolérer ? En réalité, nous restons souvent doublement ignorants : non seulement des mœurs des cultures étrangères aux nôtres, mais encore bien plus de l’explication génétique de nos propres mœurs : d’un côté, la vie sociale reste pour nous marquée de ces stéréotypes, qui nous la font représenter chez les autres, par le prisme de schémas caricaturaux, et nous font concevoir les langues étrangères comme des curiosités ; d’un autre côté, nous sommes tout autant victimes de la caricature que nous élaborons de notre propre vie sociale, caricature que nourrissent également les clichés des autres cultures, et que parfois nos propres dirigeants politiques intériorisent. Il n’est pas sûr par exemple que le stéréotype du «gaulois réfractaire» contribue à réconcilier les français avec ce que les économistes appellent la mondialisation des échanges. Il est certain, en tout cas, que la vie sociale de chaque culture reste un abîme d’incompréhension non seulement pour les étrangers qui la découvrent, mais aussi pour les autochtones qui n’ont jamais fini d’exhumer l’héritage de leur passé. Nous sommes à nous-mêmes nos propres barbares, et il nous incombera toujours la tâche de devenir les «ethnologues de nous-mêmes» (6).
Le philosophe, être isolé dans sa tour d’ivoire ?
La question que nous voulons poser ici est la suivante : peut-on encore aujourd’hui convoquer la figure du philosophe pour résoudre ce problème de méconnaissance de la vie sociale ? Rien n’est moins sûr en effet : car le philosophe peut apparaître à ses semblables comme cet être isolé dans sa tour d’ivoire, bardé d’un langage hermétique et étranger au commun des mortels, ne brisant le silence et l’incompréhension que pour railler ou dénoncer la folie des sociétés humaines : on voit mal alors ce que ses anathèmes pourraient nous apprendre de la vie sociale ! De même, il peut paraître se placer au-dessus de la mêlée des mouvement sociaux, en montrant ostensiblement son indifférence aux revendications les plus criantes des minorités mais, de façon contradictoire, déplorer pour lui-même souvent un manque de reconnaissance de la part de sa communauté. Enfin, il peut se figer dans l’image passéiste de celui qui appelle à la sauvegarde de la haute Culture de l’humanisme classique en crise de transmission, en faisant fi des leçons de l’ethnologie moderne. Ainsi, le philosophe, autant, sinon plus que tout autre figure de la vie sociale, menace de voir ses jugements emportés par le vent de l’Histoire ! Revisitons donc cette figure du philosophe pour savoir s’il peut constituer pour nous un explorateur de la vie sociale, capable de rivaliser avec nos modernes sciences de la culture.
Depuis Socrate, c’est-à-dire presque depuis les commencements de la philosophie, le philosophe est celui qui lie son sort à, et place son destin sous le signe de la rencontre avec l’autre. Il y a certes une disposition à la solitude du philosophe, qui le dispute en cela à l’ermite ou au sage antique, nous y reviendrons, mais cette solitude compose plutôt pour lui des parenthèses provisoires dans le cours des relations souvent tumultueuses qu’il entretient avec la société. Là où le philanthrope comme le misanthrope ont tôt fait de conclure à l’idée que ce qui constitue la relation à l’autre est le paradis ou l’enfer, le philosophe s’emploiera plutôt à questionner cette relation par des méthodes qui permettent d’en redécouvrir sans cesse la dimension paradoxale. Ce n’est pas pour rien que le philosophe est souvent convoqué pour questionner la relation amoureuse : matrice de toutes les relations sociales, l’amour est en effet aussi le concept le plus difficile à créer, tant la nature de ce qui le constitue, la frontière entre ses différentes formes, et la valeur de ce qu’il apporte mettent en déroute les savants, les théologiens et les littérateurs réunis ! Ainsi, l’amour place la rencontre avec l’autre sous le signe du paradoxe. Il appelle une métaphysique qu’aucune science, aucune religion, ni aucun roman ne peut véritablement constituer. Il reconduit donc le philosophe à l’énigme première de l’épreuve de l’altérité, de l’accès à la pensée elle-même, et finalement des signes brouillés d’humanité qui environnent ce seuil, lequel n’est rien d’autre que la frontière entre la nature et la culture. Ainsi, les signes de la rencontre avec l’autre ne suffisent pas pour pouvoir prétendre déchiffrer le sens de la vie sociale. Le philosophe étudiera donc les formes et les fortunes des différents collectifs par lesquels les hommes cherchent à faire société. Soucieux de comprendre la vie sociale, non pas tant, comme chez les ethnologues culturalistes, pour en dégager des systèmes de relations que pour saisir, soit l’ordre ontologique de l’instance qui fonderait cette vie sociale, ce que fait la République de Platon, soit le mouvement historique qui la porterait, ce que cherche à restituer par exemple l’étude du Discours sur l’inégalité de Rousseau. Certes, à l’ère des sciences de la culture, on pourrait penser que les hommes n’ont plus besoin aujourd’hui du philosophe pour explorer la force du fait social, mais l’ordre spontané de la vie sociale n’est pas un ordre juste, et le mouvement de l’histoire n’est pas nécessairement un progrès ; dès lors, toute vie sociale est travaillée par des divisions qui la menacent autant qu’elles la renouvellent : la tradition et la modernité, le dominant et le dominé, ou encore l’autochtone et l’étranger, et bien d’autres divisions, font de la vie sociale un nœud de tensions conflictuelles dont le dénouement est un défi pour le jugement. Le philosophe se donne ainsi pour tâche d’interroger ces divisions de la vie sociale, les conflits qu’elles engendrent, et la valeur des solutions apportées à ces conflits.
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Enfin, le philosophe fait, après l’historien, le constat que la vie sociale n’est pas une vie éternelle, mais une vie faite et défaite par des hommes souvent inconscients des causes qui les déterminent à agir. Si la mission de l’historien relève de l’investigation du passé, celle du philosophe consistera en l’élaboration d’une véritable médecine de la société du futur, diagnostiquant les crises de la culture à venir, à la lumière de ce que les symptômes du mal présent semblent annoncer. Ainsi pourront être questionnés par lui les défis politiques mondiaux que se fixent les États, les nouvelles formes de statuts que le Droit institue, ou encore les revendications à plus d’égalité et de libertés de groupes sociaux minoritaires. Cependant, là encore, on dira que les hommes ont mieux à faire que de consulter le philosophe pour faire des diagnostics sur l’avenir de la société. Il nous suffit pour cela de convoquer les sciences de la culture qui nous permettent de regarder avec une extrême acuité le présent, et presque de dessiner l’avenir, un peu comme les historiens regardent le passé. Qu’est-ce que le philosophe pourrait bien apporter à cette nouvelle intelligence des faits sociaux ? Ou pour le dire plus brutalement : le philosophe est-il encore à la hauteur de la culture, telle qu’elle se fait et se fera demain, ou n’est-il que le dépositaire d’un patrimoine d’idées appartenant au passé ? Un historien des idées ?
En réalité, ni le signe de la rencontre avec l’autre, ni les modèles construits par les sciences de la culture ne suffisent à faire une philosophie de la vie sociale. Il faut encore que soit menée à bien une certaine connaissance de la nature humaine. Nous quittons ici tout à fait l’ethnologie culturaliste, qui nie l’existence d’une telle nature, ou fait l’hypothèse de son inexistence. Pourtant, il n’est pas un savant, pas un directeur de conscience, pas un professeur qui ne cherche à conduire les hommes qu’il étudie, conseille ou éduque à l’accomplissement de son être, c’est-à-dire à l’épanouissement de ses vertus : pas de culture vivante donc sans une nature dont cette culture constitue finalement la mise en valeur des potentialités les plus enfouies. Or, la vie sociale est, elle-même, la forme d’activité qui demande les ressources les plus élaborées et les plus raffinées de l’humain. Certes, on peut dénoncer, comme Rousseau, le poison que constitue la culture du «paraître» (7), faisant de cette vie un comble de l’aliénation, mais on observera aussi que la vie sociale se nourrit d’antagonismes surmontés et pacifiés, et qu’elle n’a pas naturellement vocation à rester, si tant est qu’elle l’aie jamais été, une existence de «Bergers d’Arcadie», selon l’expression de Kant (8). La culture de la vie sociale n’est donc pas l’absence de conflits et de violence, mais le dépassement de ces oppositions générées par les passions humaines.
On demandera encore cependant : cette connaissance de la nature humaine, pourquoi en réserver l’étude au philosophe généraliste, alors que les experts se consacrent à des savoirs bien plus spécialisés et rigoureux pour en formuler les théories ? Mieux, chaque homme résumant «l’humaine condition» (9), ne lui appartient-il pas de tirer lui-même les leçons de l’expérience humaine qu’il est seul à pouvoir faire et qu’il ne peut déléguer à personne ? Sur le premier point, on suggérera que le philosophe est le mieux placé pour réunir ce que les savants spécialisés dissocient et segmentent : en effet, la matière qu’étudie le savant physicien est faite du même substrat que l’esprit dirigé par le directeur de conscience ; et le professeur sait que l’apprentissage de l’intelligence est un acte entier de la personne, et non une accumulation de compétences disparates. Tout acte d’apprentissage est l’acte d’un sujet apprenant tout à la fois un savoir, un savoir-faire et un savoir-être, et il faut à la connaissance de la nature humaine un générique sans lequel les savoirs spécialisés de l’apprentissage n’ont pas de sens.
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Le philosophe peut enfin invoquer un type d’expertise que la plupart des hommes répugnent à exercer : celle de la solitude. En effet, est devenu philosophe celui qui est enfin capable à chaque moment de sa vie de se mettre en retrait de la vie sociale, en vue d’acquérir et de préserver une forme singulière de liberté : l’autarcie ou la capacité à se suffire à soi-même, à ne pas dépendre des autres, donc à se libérer de l’aliénation sociale. Car la vie sociale, le misanthrope le rappelle à l’envie, peut ne pas être une vie digne de l’humanité, et la société peut développer des raffinements inhumains de cruauté, tout autant que le sens de la moralité. Le philosophe, pour mieux juger la société avec lucidité, doit être capable à tout instant de faire l’expérience du détachement, c’est-à-dire de faire de la solitude, non une traversée du désert ou une vocation spirituelle, mais un véritable moment de méditation sur la vie humaine elle-même, un instant dépouillée de ses artifices sociaux : c’est dans cet état de nature où l’homme peut éprouver, dans l’intimité à soi, les jouissances et les angoisses de l’existence, qu’il peut alors s’adresser à cette secrète interlocutrice qu’il ne trouve qu’en lui-même: sa conscience (10). Le philosophe n’est peut-être pas un expert de la vie sociale, mais il sait que cette vie n’a de sens que pour des hommes capables de s’extraire, ne serait-ce qu’un instant, de son tourbillon, pour se réfugier dans le bonheur fragile mais au combien vital, d’une pleine et entière expérience de la solitude, expérience où se rejouent sans cesse les conflits et se renouent sans fin les liens de la nature et de la culture.
1. Telle est la démarche de Jean-Jacques Rousseau au début du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755).
2. Comme représentants de cette école de pensée qui date du début du XXe siècle, renouvelle les observations de la vie sociale par une étude scientifique de la culture, et plus précisément de la façon dont elle constitue le vecteur des sensations et des émotions de chaque individu à travers le marquage des corps, on citera par exemple Malinowski et M. Mead, et on se référera aux travaux contemporains de David Le Breton.
3. Cf. Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté (1948).
4. Cf. Malinowski, Le sexe et sa répression dans la société primitive (1927).
5. Cf. Malinowski, Les argonautes du Pacifique occidental (1922).
6. Selon une expression de l’écrivain P. Chamoiseau.
7. Rousseau, juge de Jean-Jacques (1780) : «Tous, avec un beau vernis de paroles tâchent en vain de donner le change sur leur vrai but ; aucun ne s’y trompe et pas un n’est la dupe des autres quoique tous parlent comme lui. Tous cherchent leur bonheur dans l’apparence, nul ne se soucie de la réalité. Tous mettent leur être dans le paraître.».
8. Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784).
9. Selon la formule de Montaigne dans ses Essais, III, 2 (1588).
10. C’est ce que résume Rousseau à la fin du Discours sur les sciences et les arts (1749) : «Ô vertu ! Science sublime des âmes simples, faut-il donc tant de peines et d’appareils pour te connaître ? Tes principes ne sont-ils pas gravés dans tous les cœurs, et ne suffit-il pas pour apprendre tes lois de rentrer en soi-même et d’écouter la voix de sa conscience dans le silence des passions ?».
Jean-François Crepel est professeur de philosophie depuis 1999, et enseigne au Lycée de la Joliverie (Loire Atlantique). Il collabore avec l'association "Philosophia" et a notamment donné un cours à l'Université Permanente de Nantes sur le thème "Kierkegaard ou le choix de soi".
Commentaires
Ah , le bon vieux débat nature/culture , que les philosophes remettent sans cesse au coeur de leurs préoccupations , au fil des siècles ! Vous le renouvelez de manière très intéressante en rappelant que » le philosophe peut invoquer un type d’expertise que la plupart des hommes répugnent à exercer : celle de la solitude « . Car c’est souvent , en effet, le prix à payer pour qui veut effectuer le fameux pas de côté permettant une réflexion authentique . En revanche , j’ai du mal à vous suivre lorsque vous vous interrogez : » Pourquoi la découverte des autres sociétés ne contribue-t-elle pas à nous guérir de tous les préjugés qui nous empêchent de comprendre , ou au moins de tolérer d’autres modes de vie que les nôtres ? » . Je ne vois pas bien , par exemple , au nom de quoi je devrais tolérer l’excision et me frapper la poitrine , en considérant que je suis coupable de « préjugé » , puisque cette pratique me paraît effectivement relever de la » barbarie » ? J’avoue , au contraire me réjouir tous les jours d’appartenir à une culture qui a depuis longtemps mis la bride à la » sauvagerie » de la nature . Pas vous ?
par Philippe Le Corroller - le 7 octobre, 2021
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