iPhilo » Au-delà du Covid : fracture profonde

Au-delà du Covid : fracture profonde

9/12/2021 | par Thierry Formet | dans Politique | 2 commentaires

Download PDF

ANALYSE : Nous avons choisi de donner la parole à un philosophe qui s’assume comme réfractaire face au discours dominant entourant la pandémie de Covid-19. Opposé aux mesures sanitaires qui dessinent les contours d’un état d’exception, Thierry Formet défend l’idée que le premier droit de l’homme est bien la liberté, audacieuse et risquée, insécurisante et peu sûre. Ce texte choquera sans doute certains de nos lecteurs. Il ne représente pas l’opinion du journal iPhilo, mais nous trouvions important de partager ce point de vue hétérodoxe.


Professeur agrégé de philosophie, Thierry Formet enseigne au lycée Georges de la Tour, à Metz, en classes préparatoires économiques et commerciales. Il a collaboré à l’édition scolaire du Gorgias de Platon (Gallimard, 2009) et a contribué à l’ouvrage collectif Une journée de philosophie (avec Martin Steffens et Pierre Dulau, éd. Ellipses, en 2013).


La prolongation indéfinie de «l’état d’urgence sanitaire» dans notre pays ne peut manquer de déprimer une large partie de la population. Nombre de français sont proprement exaspérés par les mesures qui leur sont imposées depuis trop longtemps. Mais la situation présente doit nous conduire à interroger la logique profonde des événements. Elle exige d’abord ici de prendre acte des perceptions diverses dont ils semblent manifestement faire l’objet. La première chose qui saute aux yeux est la réalité d’une nouvelle fracture de la société française autour de l’interprétation fondamentale qu’il faudrait savoir donner de la réalité commune. En lieu et place du consensus, c’est bien plutôt le dissensus qui éclate en plein jour. Cette fracture est profonde. Ici en effet, deux visions du monde parfaitement incompatibles sont sommées de cohabiter encore dans un espace et un temps qui sont leurs derniers points communs alors qu’elles ne peuvent au fond coexister du fait de ce qui les opposent absolument.

Lire aussi : Michel Foucault, le Covid-19 et le «combat immense et multiple des savoirs» (Jean Ziagnaris)

C’est cela seul qui peut rendre intelligible la violence des échanges entre ces partis opposés. Cette violence est symbolique d’abord par les provocations, les humiliations, les brimades, les accusations, voire les licenciements que les uns imposent aux autres. Et elle risque de prendre bientôt la forme d’une violence matérielle et physique. D’un côté, on peut trouver les arrestations, les privations, les matraquages et les contraintes diverses relatives aux moyens dont les pouvoirs publics sont dotés. D’un autre côté, on pourrait constater les procédés dont les contestataires pourraient faire usage pour se révolter si si leurs raisons ne sont pas entendues. Il importe donc de tendre ici l’oreille.

Pour voir et comprendre cette fracture, il faut donc d’abord examiner les deux modes d’interprétation qui se font face ici en exposant les éléments qui les justifient. Ensuite il faudra voir le lien que ces interprétations entretiennent avec deux postures existentielles qui interrogent les principes fondamentaux qui organisent nos sociétés modernes. Enfin, nous tâcherons de mesurer l’importance du tournant qui s’opère sous nos yeux, en soulignant notamment la place qu’y occupe la tentation de transformer le gouvernement des hommes en une gestion technicienne du parc humain.

L’interprétation dominante

On constate d’un côté l’existence du discours officiel où se déploie la vision des pouvoirs publics qui semble trouver un véritable écho au sein d’un quart de la population au moins. Il est si connu qu’il en devient un lieu commun. Se trouve par-là déterminé le contexte dans lequel chacun croit être véritablement plongé. Il correspond globalement à ce que la plupart des médias de grande audience ont su relayer depuis dix-huit mois. Dans la population, ce camp est globalement composé de tous ceux qui se disent prêts par exemple à réélire le président pour un autre quinquennat, satisfaits sans doute des deux dernières années de son mandat. Numériquement, cela pourrait correspondre à une vingtaine de millions de personnes convaincues. Trois éléments  sont à considérer ici pour résumer ce point de vue.

Premièrement, on estime globalement, qu’il y a bien un fait majeur à prendre en compte, un fait massif qui justifie d’occulter toute autre considération. Il y aurait, de fait, dans le monde entier un risque pandémique inédit. Il serait d’une gravité sans précédent comme le furent en leur temps la peste noire, le choléra, la grippe espagnole. Il y aurait là, circulant partout sur la planète, un virus à la vitesse de propagation, à la force de mutation et aux effets destructeurs qui expose à une situation apocalyptique. Ses ravages seraient déjà à constater et encore à craindre, d’où la comptabilité perpétuelle du nombre de contaminés détectés ou de morts déjà enregistrés.

Deuxièmement, c’est précisément ce fait qui, à lui seul, justifierait toutes les «restrictions sociales» imposées depuis bientôt dix-huit mois : le port obligatoire du masque en intérieur ou en extérieur, les confinements et les couvre-feux, les autorisations de sorties et l’instauration du laisser-passer sanitaire, les fermetures d’institutions diverses (comme les écoles et les universités, les conservatoires, les cinémas et les théâtres, les clubs sportifs ou encore les commerces jugés non-essentiels). Les amendes et les arrestations, la surveillance et le traçage des citoyens, la suspension du secret médical comme la suppression de la prérogative de prescription médicale aux médecins purent ainsi se banaliser.

Troisièmement, une telle situation doit venir légitimer une politique d’incitation massive à la vaccination qui serait la seule et unique issue imaginable à la crise sanitaire permettant d’espérer la fin des restrictions sociales. Mais alors, dans le cadre d’une pandémie mondiale, l’ambition de la République Française ne doit plus être seulement de vacciner toute la population française, mais aux dires du président actuel, de «vacciner le monde» : il faut veiller à immuniser le monde entier, car rien sans cela ne pourra mettre les français à l’abri d’un «virus qui ne connaît pas de frontières». Le pouvoir alors n’aura de cesse de poursuivre les réfractaires à la vaccination car ils empêchent d’espérer un retour rapide à la vie normale, vie qu’on pourrait retrouver d’ici quelques mois… ou quelques années. Les projections de Jean-Pierre Dupuy le conduisaient à se représenter les choses à l’échelle d’une dizaine d’années.

Lire aussi : Trump, la Covid et nous. Valeur du vrai (Mathias Girel)

En fin de compte, cette interprétation de la réalité semble bien justifier globalement un «état d’urgence sanitaire», premier degré de «l’état d’exception» suspendant l’application de certains aspects du droit positif ordinaire : c’est ce qui confère à l’autorité civile et, de fait, au personnel politique en place, de quoi étendre son pouvoir. L’urgence de la situation justifie de museler tout discours alternatif, et a fortiori toute opposition, au nom d’un certain hygiénisme sécuritaire. Précisément parce que la situation relèverait d’une question de sécurité de tout premier ordre, elle permettrait de reléguer ses adversaires au rang d’ignobles obscurantistes méprisant les constats scientifiques, d’insensés téméraires risquant leur propre vie et d’irresponsables libertaires licencieux et égoïstes, en fin de compte des hommes impitoyables méprisant le sort de leurs congénères. Salus populi suprema lex : le salut du peuple est la loi suprême. Et les «complotistes» menacent ici, de leur mauvaise foi comme de leur mauvaise volonté, l’action efficace des autorités.

Refuser sa confiance au gouvernement, c’est ici une faute et une traîtrise. C’est imaginer soit que les pouvoirs publics «complotent» contre le peuple alors qu’évidemment ils s’emploient à faire son bien, soit qu’ils représentent l’élément visible d’une action dont les commanditaires sont anonymes et invisibles alors qu’il devrait être évident que l’Etat français agit toujours de sa propre autorité. Parce que c’est la nécessité même qui dicte les mesures gouvernementales, il ne saurait y avoir d’alternative, nous venons de le voir. Mais il ne doit pas y avoir de discussion : la nécessité même, impersonnelle et brute, doit s’imposer et appeler la simplicité d’un commandement efficace et rigoureux pour y faire face. Dans la «guerre contre le virus» se voit finalement légitimée l’existence d’un «conseil de défense» où s’élaborent à huis clos des stratégies d’action indiscutables. Ce dernier permet de décider, dans le plus parfait secret, du salut du peuple. Mais, plus encore, il permet de rendre inaccessible à toute investigation les documents liés à la gestion politique de la crise sanitaire. Pendant des dizaines d’années, le «conseil de défense» permet de classifier les dossiers pour soustraire à tout risque de poursuite les individus qui portent la responsabilité des mesures actuelles.

Ainsi, le secret présidentiel est un peu comme le secret du roi dans la monarchie d’Ancien Régime qui attestait de la confiance des sujets envers leur souverain. Emmanuel de Waresquiel le rappelait encore récemment dans sa biographie consacrée à Joseph Fouché. On ne veut vérifier que ce dont on doute. Mais personne ne peut douter de la sagesse, de la justice, de la bonté d’un président doux et dévoué, ni des membres les plus zélés du gouvernement qui œuvrent nuit et jour au salut du peuple. Triste chose que celle qu’on constate avec la tentation «complotiste». Car, une seule morale dicte au gouvernement ses mesures, un seul devoir ici qui tient d’ailleurs en trois mots simples : «sauver des vies».

L’alternative réfractaire

D’un autre côté pourtant, on trouve bien une logique interprétative d’une tout autre nature qui, non seulement, doute de cette interprétation officielle mais qui, en outre, s’inquiète toujours davantage des mesures qui sont prises en conséquence. Trois éléments sont bien à considérer alors.

Premièrement, les statistiques mondiales et nationales viennent appuyer ici les observations les plus ordinaires pour nourrir certains doutes. On estime alors que l’existence du coronavirus ne constitue manifestement pas un danger aussi terrible qu’on a pu parfois le croire. Fausse alerte. Il n’y a pas de peste noire ni de grippe espagnole qui annoncent la fin de la vie humaine sur terre. Nombre d’études rappellent ainsi depuis plusieurs mois que le taux de létalité mondiale est en effet d’environ 0,5%. De la sorte, un seul malade sur deux-cents décède des formes graves de la maladie. Les cent-quatre-vingt-dix-neuf autres en guérissent. Les courbes démographiques, nationales aussi bien que mondiales, quant à elle rassurent ici car les deux dernières années ne montrent pas un nombre de morts très différent des années précédentes. Les réfractaires disent en somme qu’il n’y a pas de pandémie mortelle. Il y a bien plutôt un gouffre entre la réalité objective et l’interprétation officielle qui préside aux décisions des pouvoirs publics.

Deuxièmement, on peut estimer que ni «l’état d’urgence sanitaire» ni donc les «restrictions sociales» ne sont le moins du monde justifiées par l’état de fait. Elles doivent donc au plus vite être suspendues pour permettre un retour immédiat à la vie normale telle qu’on l’a laissée il y bientôt deux ans. On doit surtout pouvoir retrouver un sentiment de sécurité sanitaire et cesser d’être harcelé par tous les moyens possibles avec le coronavirus. Il faut au plus vite arrêter d’inquiéter les gens, de les obséder, de les culpabiliser ou de les terroriser en leur parlant toujours d’une seule et même chose. – Pas de déluge ici, pas d’inondation en vue, ni de noyade. Pas besoin de canots ni de gilets de sauvetage non plus que de sauveteurs comme on a pu le croire. Délivrance et soulagement devraient partout redonner à respirer une bouffée d’oxygène. Certains personnels soignants seront peut-être déçus de n’être pas les héros du jour, ou de ne plus jouir des avantages matériels de l’opportunité présente. Une majorité d’entre eux aimerait aussi retrouver des conditions de travail plus normales.

Lire aussi : «Face au Covid, tous épidémiologistes ?» (Alexis Feertchak)

Troisièmement, l’incitation pressante à la vaccination massive (qui pourrait devenir bientôt obligatoire, comme certains pays se proposent de l’instituer) ne peut manquer ici d’apparaître comme une mesure inutile, voire dangereuse pour ceux qui pourraient craindre des effets secondaires. L’acharnement contre les personnes non-vaccinées, leur stigmatisation ou les pressions de toutes sortes qui pèsent sur elles, tout cela doit donc aussi prendre fin. Les politiques vaccinales du passé n’ont pas à servir de modèle pour la situation présente. Et l’idée comme la pratique du «laisser-passer sanitaire» conditionnant l’accès aux aspects divers de la vie sociale doit disparaître immédiatement pour faire cesser une situation de discrimination sanitaire absolument anticonstitutionnelle.

Cette attitude qu’on peut dire «réfractaire », offrant une alternative scandaleuse au discours officiel, correspond, numériquement, à celle d’une large partie des diverses formes d’opposition à l’égard du gouvernement qu’on peut trouver à gauche comme à droite de l’échiquier politique. Elle a pu nourrir les nombreuses manifestations du samedi dans diverses villes de France depuis des mois rassemblant une grande diversité de sensibilités. En droit, 75% des électeurs qui ne veulent pas réélire l’actuel président peuvent compter au nombre de leur insatisfaction la gestion calamiteuse de la crise sanitaire. Les uns prennent leur mal en patience, les autres, eux, s’impatientent des maux dont on les accable sans véritable raison depuis trop longtemps. De fait, au moins 10 millions de personnes acceptent de supporter toutes les restrictions sociales par opposition aux mesures gouvernementales en refusant, avec la vaccination et le laisser-passer qu’elle permet de délivrer, cette interprétation sanitaire d’une crise qui est en fait politique : pour les réfractaires, nous vivons surtout une époque de bouleversement politique, puisque s’opère une révolution dans la gestion pragmatique des populations. Même parmi les personnes vaccinées de force (elles ont pu être menacées de perdre leur emploi, ou de ne pas pouvoir suivre un traitement à l’hôpital), on trouve nombre d’opposants d’autant plus farouches qu’ils durent, pour des raisons diverses, se soumettre aux ordres jugés absurdes du gouvernement. La seule logique à l’œuvre semble, pour les réfractaire, tenir aussi en trois mots : «ruiner des vies».

Trouble-fêtes, ou résistants du bon sens ?

Peinant à trouver un écho dans les médias grand public, puisque la majorité des journalistes s’emploient à se faire le relai idéologique du discours officiel, cette interprétation alternative peut être incompréhensible à nombre de Français. Les réfractaires peuvent apparaître comme des abrutis et des trouble-fêtes. De leur côté, ces opposants eux-mêmes ne trouvent pas toujours les mots pour exprimer clairement leur désaccord. Cette frange de la population (taxée de «complotisme» et cataloguée parmi les «antivax») pourrait estimer seulement qu’il conviendrait de donner une réponse plus mesurée et mieux proportionnée à la réalité objective des risques que peut faire courir le coronavirus. Trois choses à retenir ici pour mesurer le sens de cette interprétation alternative au niveau des propositions concrètes qui pourrait être au fond les siennes.

Primo, il conviendrait d’utiliser prioritairement l’argent public pour développer des services hospitaliers mieux adaptés à l’accueil des malades en détresse. Ce service public souffre depuis des années d’une gestion préjudiciable à l’activité des personnels soignants comme, surtout, aux malades qui ont besoin d’eux. Secundo, il faudrait surtout inviter la recherche savante à développer des traitements permettant d’éviter les formes graves de la maladie. On n’a pas attendu le vaccin contre le SIDA pour trouver des traitements afin d’améliorer la vie des malades. Il importerait, tertio, de réserver les mesures de précaution aux personnes fragiles (télétravail, octroi de congés maladie, masque conseillé, accès prioritaire aux traitements et, quand cela convient, au vaccin). On estime ici que l’analyse des «facteurs de comorbidité» se révèle être un indicateur qui, fiable, est des plus précieux pour rendre au plus vite à la plus large partie de la population ses libertés élémentaires. Il faut donc surtout protéger les personnes fragiles, et laisser tous les autres vivre normalement.

Lire aussi : Covid-19 : un million de vaccins… par jour ! (Michel Juffé)

Du point de vue de l’interprétation réfractaire au discours officiel, la restriction de la liberté de s’instruire, de se cultiver, de se divertir, de se déplacer, de travailler, de se réunir… doit alerter sur les dérives, potentiellement ou effectivement, dictatoriales de l’état d’urgence. De ce point de vue, beaucoup aimeraient vivre ici sans plus avoir à craindre chaque semaine qu’on restreigne ces libertés ni qu’on les supprime, ni qu’on les soumette encore et encore à condition pour rajouter aux contrariétés de la vie ordinaire le calvaire des tracasseries juridico-administratives qui inquiétaient déjà Tocqueville en son temps.

Ce grand penseur fut en effet l’un des premiers à parler si profondément du «despotisme doux» des grands Etats modernes qui promettent aux individus de jouir toujours mieux de leur vie privée en abandonnant les affaires publiques à ceux qui sauront mieux s’en charger qu’eux. L’auteur des deux tomes De la démocratie en Amérique pensait au pouvoir d’une administration centralisée cherchant à ôter tout souci aux hommes, promettant de retirer jusqu’à la difficulté de vivre à ses administrés. C’est un pouvoir immense qui, rempli de ses bonnes intentions, partout gêne pourtant. Toujours il ralentit, inspecte, contrôle, soumet à condition. En somme, il s’agit d’un Etat omniprésent, omnipotent et omniscient qui bureaucratise et technocratise la moindre des démarches humaines. Rien d’inquiétant a priori. Il n’y aura qu’à signer un formulaire pour sortir en promenade ; faire une simple demande pour partir en vacances ou encore passer un permis pour jouer du piano… enfin, avoir un dossier sanitaire mis aux normes pour circuler dans l’espace public, boire un café en terrasse, aller travailler ou faire ses courses. Paradoxalement, plus l’Etat donne, plus il prend. Plus il est généreux, plus il devient avide. Plus il prétend offrir de garanties aux libertés, plus il les restreint. Qui peut nier que le philosophe français, à travers ces termes, parvient à dire quelque chose de notre présent ?

Stupeur et méfiance

C’est une telle interprétation qui provoque une stupeur en plus qu’une lassitude à l’égard de la gestion politique d’une crise qui pourrait n’avoir de sanitaire que le nom qu’on lui a donné. Cela produit une fatigue et une impatience en même temps qu’une frustration où la colère rejoignant l’impuissance condamne à l’amertume déprimée tout en préparant des formes de révoltes convaincues. Le diagnostic officiel apparaît aux réfractaires inapproprié mais aussi responsable de multiples dérèglements qu’on ne cesse d’occulter. La gestion calamiteuse de la situation ne peut que discréditer encore les pouvoirs publics et le personnel politique avec eux : ils semblent pour beaucoup avoir une conscience inadéquate des problèmes réels comme des solutions à leur apporter.

Dans la perspective réfractaire à l’interprétation officielle, le masque est alors perçu comme un bâillon des plus désindividualisant. La seringue est perçue comme le symbole d’une soumission aliénante qui dépossède chacun de lui-même et, d’abord, de son propre corps. Les propos gouvernementaux sont perçus enfin comme une entreprise opportuniste d’exploitation politicienne de la situation sans souci foncier du bien commun. La crainte devant les diverses formes de l’hygiénisme sécuritaire cède le pas alors à l’effroi devant les injonctions impérieuses du despotisme sanitaire d’autant plus inaccessible à la critique qu’il prétend agir pour le bien des gens inconscients de ce qui leur arrive.

Les alertes pédiatriques et gérontologiques, cancérologique et psychiatriques se multiplient. Or, devant le mépris du gouvernement pour les aspects divers formant l’équilibre et la dynamique de la santé humaine, on peine à comprendre son entêtement dans une impasse funeste, aveugle aux problèmes que provoquent ses prétendues solutions. Impossible de ne pas se demander alors pourquoi il en est ainsi plutôt qu’autrement.

Lire aussi : Camus et le coronavirus : avons-nous le dernier mot face au monde ? (Diane Delaurens)

Tantôt, on craint d’y voir (perspective décliniste) une tendance tout bonnement suicidaire qui précipite toutes les dislocations et toutes les liquidations finissant de déchirer la riche articulation du monde social de la vieille nation française. Tantôt (perspective souverainiste), on craint d’y voir une tendance visant à affaiblir les nations pour les soumettre aux grands organes de régulation supranationale (on voit alors l’ombre de l’européisme et du mondialisme). Tantôt encore (perspective socialiste), on y voit l’essor des entreprises multinationales comme les GAFAM sachant profiter de la situation. Et on y décèle alors le jeu des intérêts du capitalisme libre-échangiste. Le président même le laisse penser en déclarant que le coronavirus est plutôt «bon pour le numérique».

Il y aurait urgence alors pour tous ces opportunismes (mondialistes, européistes, capitalistes) à supprimer, à chaque fois que c’est possible, les dernières formes de solidarité, les particularismes, les attachements et les proximités, bref les «enracinements» dirait Simone Weil. Ils forment autant de frontières consistantes qui entravent, ou de freins qui ralentissent le flux des populations, des informations et des capitaux. Tout cela au mépris des pauvres gens, ajoutera-t-on volontiers avec un esprit qui peut aussi bien être celui de la charité chrétienne que de l’humanisme solidaire, celui de la philanthropie conservatrice aussi bien que celui du socialisme protecteur et redistributif. Un Michel Houellebecq aurait sans doute le talent suffisant pour écrire ici l’analogue de ce que Zola publia en son temps avec Au bonheur des dames. Il saurait trouver partout le mot juste et parviendrait à dire ce qui, sous nos yeux, se défait d’un monde réel et habité au profit du monde rêvé et inhabitable. Cauchemardesque, donc : masque, distanciation sociale, surveillance permanente, confinement, fermetures multiples… pour toujours peut-être. Pour longtemps sans doute.

Ce que la perspective réfractaire perçoit enfin dans la réalité produite par les démarches gouvernementales, c’est la transformation de la société française d’abord en camp de concentration à ciel ouvert dans le parcage généralisé des populations confinées à plusieurs reprises mais désormais aussi, sa transformation en laboratoire d’expérimentation d’échelle nationale avec l’injection sans discernement de produits dont on ignore la composition et les effets à moyen et long terme. Partout, dans l’interprétation réfractaire, les individus semblent seulement considérés comme des variables d’ajustement servant surtout à écouler des stocks de masque, de gel hydroalcoolique et de doses de vaccins qu’on paye donc deux fois au prix fort. Il semble alors que sadisme administratif épuisant tout un chacun rejoint sans cesse celui qui s’acharne sur les plus jeunes comme sur les plus âgés. Les premiers sont privés des sports, des loisirs, du suivi scolaire et universitaire, des formes de convivialité essentielles à leur développement physique et psychique, affectif et intellectuel. Les seconds se voient privés des visites en maison de retraite ou à l’hôpital, comme des réunions de famille qui sont parfois leurs dernières joies.

Quel sacrifice ?

Au fond deux visions du monde s’opposent ici, deux conceptions de l’existence et non seulement deux interprétations de la réalité présente. Ces deux visions de l’existence, ces deux postures ou ces deux positions existentielles, ont rapport au statut qu’elles confèrent au sacrifice. Elles procèdent (théoriquement) de deux attitudes mais débouchent (pratiquement) sur deux morales distinctes et antithétiques. En même temps, elles permettent de voir comment deux visions des «droits de l’homme» peuvent hiérarchiser différemment les premiers principes de nos constitutions (liberté, égalité, sûreté, propriété, résistance à l’oppression).

D’un côté, on trouve manifestement une valorisation de l’assistanat frileux qui nourrit une conception protectionniste de l’existence biologique laquelle définirait l’horizon premier et potentiellement dernier des mesures publiques d’un Etat hyper-providentialiste promettant, avec une compassion souvent niaise et quelque peu infantilisante, de libérer les individus des risques de la vie, acceptant de sacrifier alors tout ce qui donne à l’existence sa valeur et son sens. La situation actuelle rappelle les origines de la réflexion moderne sur l’Etat dans la perspective qui fut initiée par Thomas Hobbes, le théoricien de l’absolutisme, pour lequel le pouvoir est autoritaire (dans sa condition d’exercice) parce qu’il est sécuritaire (dans sa vocation). Et il ne peut occulter alors ce qui portait Carl Schmitt à estimer qu’est «souverain» ce qui «décide de l’état d’exception» pour rappeler alors que le souverain n’est pas, dans notre situation, le peuple mais la présidence et son gouvernement – l’exécutif donc et non le législatif – notamment parce que la majorité à l’assemblée ratifie d’emblée les propositions présidentielles et gouvernementales sans pouvoir véritablement les pondérer.

D’un autre côté, une autre conception de l’existence s’affirme, celle fondée sur une liberté qui refuse la peur de l’aventure humaine pour prendre le risque de la vie partagée plaçant toujours l’horizon de la vie humaine et de la vie individuelle bien au-delà d’elle-même.

Ce n’est plus l’opposition de la liberté et de l’égalité qui ferait le tragique de la modernité déchirée entre ses valeurs fondatrices, mais – comme on l’a souvent dit – celle de la sûreté et de la liberté parce que se jouent ici des prises de position existentielles distinctes à partir d’elles. La sûreté en vient même à dissoudre le droit de résistance à l’oppression. Les porte-paroles de la liberté s’en voient réduits à refaire tragiquement cette expérience héroïque, pleine du courage archaïque des grandes figures fondatrices. Les réfractaires ont bien leurs porte-paroles, politiques (avec Florian Philippot ou Nicolas Dupont-Aignan par exemple) ou médiatiques (avec Ivan Rioufol par exemple) qui s’inscrivent dans la tradition libérale conservatrice. Quant aux hérauts imprudents de la raison, grands noms de la médecine française, ils reprennent le manteau de Socrate et s’efforcent de transformer le monologue sophistique en un dialogue raisonné. Qu’ils se nomment Luc Montagnier, Didier Raoult ou Christian Perronne, ils seront inquiétés, enfermés et auront à boire la cigüe pour toute leur impiété et leur tentative de corruption de la jeunesse comme, en général, de la population. Pour les réfractaires, tout se passe donc comme si le «conseil de l’ordre des médecins» et le grand «conseil scientifique» veillaient partout à l’orthodoxie et à l’orthopraxie au sein de la secte covidiste.

Lire : Le Réveil du Léviathan (Eric Desmons)

Dans un cas, on tient assez servilement et assez bourgeoisement à conserver la vie en sacrifiant au fond tout sacrifice : chacun estime d’abord que son droit est de ne pas mourir parce que, a priori, chacun aurait une valeur inestimable et trouverait, dans le fait de sa vie même, la source immanente de toute évaluation des biens et des maux. Le premier droit de l‘homme est donc la sûreté qui ne réclame plus seulement la protection contre l’agressivité d’autrui mais désormais contre les dangers de la vie – et la sûreté conditionne alors la liberté jusqu’à la supprimer au besoin comme elle peut conduire dans certains pays à supprimer la propriété. On peut rappeler alors l’action du ministre Dan Andrews en Australie qui a interdit aux non-vaccinés d’accéder à leurs ressources bancaires. L’inégalité de traitement entre vaccinés et non-vacciné dans l’accès aux biens et services sociaux ne semble alors poser de problème à personne.

Dans l’autre cas, on admet plus aristocratiquement que la possibilité du sacrifice est la condition de la vie proprement humaine. Celle-ci ne vaut que par ce à quoi elle se consacre. L’existence humaine n’est jugée telle que de se rendre disponible à un contenu substantiel, elle doit être prête à se perdre pour se trouver, chacun ayant alors le devoir de trouver sa valeur et, pour ce faire, de prouver sa valeur. Le premier droit de l’homme est donc bien la liberté, audacieuse et risquée, insécurisante et peu sûre. Celle-ci n’est jamais réductible à la protection de l’espace privé : la vie peut bien y finir privée de tout et de tous. Enfermé dans la sphère autistique et narcissique de ce tout petit monde qui est celui du Moi. Ce n’est donc pas «la liberté des modernes» qui intéresse les réfractaires mais bien plutôt la «liberté des Anciens» si l’on accepte d’emprunter à Benjamin Constant sa distinction célèbre dont on peut sans peine rappeler la teneur ici.

La «liberté des modernes» veut surtout des «garanties pour les jouissances privées», la seconde, la «liberté des Anciens», tient surtout à la participation des hommes à la vie publique. L’expérience contemporaine nous montre comment la première peut bien conduire, paradoxalement, à enfermer chacun dans l’alvéole d’un espace confiné, alors que la seconde réclame toujours l’expérience de la vie partagée. Pour l’interprétation alternative des réfractaires aux mesures gouvernementales, c’est bien une liberté se trouvant effectivement dans la participation à la vie commune qui est à défendre. Elle est prête aux risques inhérents aux rendez-vous de l’existence. Faire la promotion de la liberté d’expression, de circulation, de réunion, d’association, de culte… rappelle que l’important est de pouvoir rejoindre autrui dans le monde commun, car c’est ce qui fait le cœur de nos vies profondément relationnelles. Bien comprise, cette liberté n’est alors que la seule manière de faire valoir sa dignité. Qu’il soit permis à chacun de montrer ce qu’il vaut parmi les siens, en trouvant en lui-même de quoi prouver encore par ses actes et ses œuvres ce que vaut une vie humaine cherchant son accomplissement. L’égalité formelle des citoyens comme le respect de la propriété ne sauraient ici être discutés dans une situation qui n’a pas la gravité qu’on lui accorde. Et, paradoxalement, ériger la sûreté en principe suprême est le meilleur moyen de produire une situation qui lui est au fond défavorable.

Il faut rappeler ici au grand public ce qu’il sut apprécier dans le film célèbre de Night Shyamalan intitulé Phénomène qui fit plus de 163 millions d’entrées dans les salles de cinéma du monde entier. Les héros, Elliot et Alma Moore (interprétés par Mark Wahlberg et Zooey Deschanel) fuient une épidémie étrange provoquant partout dans le monde des vagues de suicide. Une fois acculés dans des espaces confinés par une sorte de souffle contagieux, ils décident de prendre le risque de mourir unis plutôt que de vivre séparés. Ils découvrent alors que c’est dans ce geste d’amour sacrificiel que cette contagion du désespoir est vaincue et que l’hostilité vengeresse de la nature contre les hommes recule enfin.

Fuite en avant

Tout à rebours du courage qui porte à se rejoindre plus qu’à se séparer toujours davantage, l’état neurasthénique d’une grande partie de la population donne toutefois à constater hélas autre chose. Cette attitude pourrait ne faire qu’étonner l’observateur si, pour l’interprétation réfractaire, elle ne préfigurait pas le pire… dans la paresse, la lâcheté et finalement la soumission qu’elle montre dans sa docilité excessive.

A ce niveau, on doit bien admettre, avec l’interprétation réfractaire, que si la population pensait massivement que le coronavirus était un danger mortel pour la plupart d’entre nous, il n’y aurait pas besoin d’utiliser tous les moyens de pression sociale et toutes les contraintes possibles pour imposer les «gestes-barrière» ou la «vaccination» par un chantage inouï donnant partout à la liberté de droit des atours de liberté conditionnelle. De fait, une majorité de nos concitoyens se vaccine, non pas parce qu’ils pensent cela foncièrement utile pour eux-mêmes ou pour autrui, mais simplement pour qu’on les laisse tranquilles avec les restrictions sociales. Chacun veut retrouver seulement son indépendance personnelle, son autonomie de mouvement. Chacun s’impatiente surtout de retrouver les plaisirs et les joies de la vie collective. Par conséquent, la majorité de la population est prête à accepter de considérer ce qu’elle sait superflu comme nécessaire, de ratifier une politique gouvernementale qu’elle ne peut comprendre, et à se soumettre à une interprétation dominante de la réalité qu’elle ne partage pas en son for intérieur.

Les abus de pouvoir peuvent croître proportionnellement à la facilité avec laquelle un peuple se laisse assujettir. Cela montre que la démocratie pourrait être menacée ici de deux côtés : parce que ses représentants usurpent leurs prérogatives, parce que les représentés deviennent indifférents au sort du pays dont ils devraient avoir souci. Mais le prix d’une attitude, si molle et si aveugle, si inconséquente, est exorbitant car il est celui d’une parfaite aliénation morale : on trouve bien la situation d’un être pensant qui n’estime pas que sa pensée propre puisse avoir à diriger sa vie selon des principes auxquels il adhère raisonnablement. C’est sur cette base qu’il est appelé à participer de façon réfléchie à la délibération collective pour éviter, tant que faire se peut, de sombrer dans l’inhumain. Hannah Arendt disait que «la banalité du mal» tenait précisément à cette «absence de pensée» relative aux principes et aux conséquences, aux fins et aux moyens des actions individuelles qui tissent pourtant la trame de nos existences collectives.

Lire aussi : Par-delà le christianisme, la valeur universelle de la croix (Thierry Formet)

L’inquiétude est à son comble alors sitôt qu’on accepte de se représenter un instant ce qui pourrait bien constituer le fond de notre époque : pourrait avoir lieu une mise à jour de l’humanité sommée de se rendre conforme aux exigences des biotechnologies comme de la technocratie. Dans cette «technosphère» ou ce «technocosme», on se soucie seulement de gérer des réalités manipulables aux propriétés calculables et prévisibles. On peut rappeler, comme Philippe de Villiers par exemple dans un de ses derniers livres, les inquiétudes qui furent celles de Michel Foucault concernant le «biopouvoir». Le corps humain alors, depuis son système immunitaire jusqu’à son système nerveux, serait le nouveau domaine d’action du pouvoir politique.

De ce point de vue, la plus grande illusion est le pire des pièges. C’est une erreur tenace que de croire que le meilleur moyen de retrouver au plus vite la «vie d’avant» suppose d’accepter sans mot dire le port du masque, la vaccination massive, le passeport sanitaire, le traçage numérique ou encore la sélection des flux de population par validation de QR-codes. Au contraire, accepter cela c’est précipiter nos vies dans le tourbillon de sa gestion technicienne sans fin, la jeter pieds et poings liés dans le puits sans fond d’une logistique au plus haut point réificatrice. Au lieu de retrouver comme on le croit trop naïvement, le «monde d’avant» (cette «ancienne normalité» dont parle Herbert Kickl), on accepte en réalité d’entrer davantage en régime d’accélération dystopique précipitant alors les temps sombres du «monde d’après». Avec le masque, le vaccin, le laisser-passer sanitaire… avec toutes ces pratiques se produit surtout la mise à jour, la mise à niveau et la mise aux normes des régulations corporelles qui deviennent la condition de toute activité humaine et de toute vie relationnelle.

Ainsi, loin d’être des imbéciles empêchant la vie de reprendre bientôt son cours, les réfractaires au covidisme pourraient être de vrais résistants. Ces dissidents du jour, en partisans de l’interprétation alternative et en défenseur des libertés relationnelles, pourraient empêcher alors que le cours de la vie ne soit bientôt perdu.

 

Thierry Formet

Professeur agrégé de philosophie, Thierry Formet enseigne au lycée Georges de la Tour, à Metz, en classes préparatoires économiques et commerciales. Il a collaboré à l'édition scolaire du Gorgias de Platon (Gallimard, 2009) et a contribué à l'ouvrage collectif Une journée de philosophie (avec Martin Steffens et Pierre Dulau, éd. Ellipses, en 2013).

 

 

Commentaires

J’ai lu avec intérêt ce texte qui me semble sobre, bien argumenté, pas enclin à la polémique, bien que défendant des positions qui excitent des passions à l’heure actuelle.
Pour les prises de distance…
Il y a quatre ans, un ami américain, professeur d’histoire dans une faculté pour femmes sur la côté Est, faculté prestigieuse, m’a raconté les déboires d’un collègue titulaire de son post ayant eu le malheur d’avoir tenu des propos qui déplaisaient à une étudiante dans son cours. L’étudiante s’est plainte, et a saisi le conseil d’administration. Le professeur titulaire a été licencié. Ces pratiques se généralisent aux Etats-Unis, et commencent à voir le jour en France. Elles sont… inquiétantes. Elles témoignent d’un renversement dans l’ordre du monde qui laisse penser que…. les jeunes vont gouverner les anciens, dans une perversion de l’idéal d’AUTO-détermination qui conduit à , et s’épuise dans, l’impossibilité du « peuple » de se gouverner ou d’être gouverné. Nos ancêtres Romains et Athéniens s’en étaient déjà aperçus. C’est écrit noir sur blanc dans « Les Euménides » d’Eschyle, à la fin, et… ça date.
L’épisode Covid se déroule dans un contexte d’ébullition… politique ? sociale ? (difficile de parler de politique dans un monde si dépolitisé, tout de même), où des peurs de la fin du monde déjà présentes en 2000, fin du dernier millénaire, ont créé une panique sur l’état de nos machines, nos nouvelles idoles.
Ces peurs, frisant la panique, (« panique »/ »pandémie ») se sont attachées à nos préoccupations écologiques, pour aggraver encore… notre sentiment que la fin du monde approche, et surtout que nous en sommes responsables si nous ne nous repentons pas, étant déjà si terriblement coupables dans l’affaire. (Mais si, mais si. « On » a beau dire, et se dire que la science, étant scientifique, échappe, ou devrait échapper à nos.. peurs irrationnelles, mais la science étant le produit… des scientifiques, qui sont des hommes et des femmes avec des peurs irrationnelles qu’ils ne laissent pas à la porte en mettant leurs blouses blanches, ça ne marche pas comme ça.)
En l’an mil, lors du passage du millénaire, ces peurs ont été également paroxystiques. Au moment de la naissance, et de la prêche de Jésus, idem. Ces peurs sont constitutives de notre nature d’êtres contraints de nous situer dans le temps, et l’espace, par le biais de nos constructions symboliques, dont… notre langage, et nos calendriers, qui détiennent un pouvoir déterminant sur nous, et la réalité que nous construisons… grâce à eux.
Alors… la fin du monde est proche ou pas ?
Difficile à dire. Mais en investissant notre science et nos scientifiques, de capacités prédictives à grande échelle, nous jouons avec le feu, et nous portons atteinte à la scientificité de la science elle-même. Cela ajouté au fait qu’il faut du temps, et de la distance pour faire de la bonne science, une personne qui ne panique pas ? a les moyens de se dire que la civilisation d’urgence que nous avons fabriquée (factum non genitum), est incompatible avec… la raison que nous glorifions comme notre dieu…

Je reviens régulièrement sur ce site troubler la fête en racontant ce que j’ai vu aux U.S. il y a quinze ans dans un zoo à Washington D.C. la capitale. Devant l’enclos des fauves, un panneau disait ceci : « Vous pourriez penser que nos fauves sont malheureux dans ce (vaste, moi) enclos, mais demandez-vous bien ce que vous préféreriez, être ici où vous êtes nourri, logé, avez accès à l’eau, un vétérinaire pour vous soigner en cas de blessure, UNE BALLE POUR JOUER QUAND VOUS VOUS ENNUYEZ, ou dans la nature, où vous ne savez pas d’où viendra votre prochain repas, ni s’il viendra, ou vous pouvez vous blesser, et même mourir. »
Ce panneau, il y a quinze ans. Tocqueville se serait retourné dans sa tombe. En revenant en France, j’ai raconté ce panneau à mes amis qui m’ont regardé d’un air perplexe devant mon indignation et stupéfaction.
Si on regarde l’épisode Covid à LA LUMIERE de ce panneau, il y a des choses qui deviennent… claires, pour employer un mot cher aux Lumières, et pas que.
Merci pour l’écrit. Il représente… la voix de la raison, pour moi. Même si la raison n’est pas mon Dieu, il faut dire qu’elle est bien pratique des fois, et elle aide à vivre…

par Debra - le 11 décembre, 2021


Bonjour j’ai lu votre article attentivement et je souscris à la quasi totalité de vos réflexions et pourtant je viens de me faire vacciner d’une troisième dose, je porte le masque et comme bon nombre, je crois en la fin de cet état d’urgence pandémique.
Pour autant, dans votre pensée vous oubliez une donne , celle du temps, vous croyez que les citoyens français vaccinés et respectueux du bien commun vont continuer dans cette discipline ad vitam aeternam? pour ma part je n’y crois pas.
Effectivement, il y a un premier temps de surprise, puis d’affolement, puis d’informations et d’évaluation, puis d’optempération, puis de lassitude, d’impatience et d’exaspération (ce que nous vivons actuellement) puis le désir intense du retour à notre chaos préféré, celui ou quelques règles du vivre ensemble sont acceptées mais juste ce qu’il faut pour nous laisser vivre comme nous aimons, point déjà.
Votre scénario est plausible mais sans tenir compte de ce désir plus fort que toutes les injonctions. Je me demande ce qui pourrait aujourd’hui en France nous priver de nos libertés à jamais? ce pouvoir doux n’est pas prêt de s’installer, nous aimons nos libertés , nous sommes tous vigilant-e-s et rébel-les, coopérer oui mais jusqu’à un certain point et cela notre gouvernement le sait. Confiance!

par chiarappa - le 12 décembre, 2021



Laissez un commentaire