C’est à Freud qu’il revient d’avoir montré en quel sens la civilisation qui, en principe, nous libère et nous humanise, est en même tant la plus constante et la plus sévère de nos « ennemies ».
Le temps long de l’action collective
Taine nous aide à saisir la crise idéologique des modérés en politique qui vient de ce qu’ils ont à promouvoir une politique de la durée, de la progressivité, dans une société de communication dominée par les attentes immédiates. Leur cause n’est pas forcément perdue, mais elle est difficile.
De la bêtise en stratégie
Si la philosophie a pour vocation de nuire à la bêtise, la stratégie, elle, veut nuire à l’erreur.
La misonomie, ou haine des institutions
Lorsque la loi s'efface, elle laisse le champ libre au déploiement des "forces libres". Il faut lutter contre les lois injustes et les institutions destinées à installer et à perpétuer l'oppression, mais réclamer par principe l'effacement de toute loi et déclarer par principe que toute institution est mauvaise, c'est faire le jeu des pouvoirs - ceux qui nous oppriment à l'extérieur et ceux qui nous gouvernent à notre insu de l'intérieur.
L’histoire politique, un antidépresseur ?
Si sortir d’une dépression, c’est parvenir à retrouver à la fois le sens de sa liberté et le sens des réalités, alors, oui, l’histoire politique gagnerait à être, parfois, consommée comme un antidépresseur.
A propos du Hollandisme : notre monde change-t-il ?
Le grand Karl disait à propos du 18 Brumaire de Napoléon III que « les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librement choisies ; celles-ci, ils les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage du passé ». La leçon marxienne a été bien comprise par nos contemporains, bien qu’on en oublie souvent la paternité, et la dépolitisation de nos sociétés en est ainsi la marque profonde.
Le citoyen, le consommateur et le sujet
L’arrivée en France des « actions collectives », qui permettent aux consommateurs de se regrouper pour mener des actions en justice, importées des États-Unis avec certaines adaptations, m’a replongé dans une vieille interrogation. Au-delà de la pertinence du projet, ne vivons-nous pas un basculement du modèle de citoyen à celui du consommateur ?
Dans l’un de ses traités politiques, David Hume affirmait que le pouvoir était aux mains des gouvernés, non des gouvernants. Que ce soit dans une société féodale, dans une dictature militaire ou dans une démocratie parlementaire, en effet, le pouvoir est toujours aux mains des gouvernés. Pour garder la main, les dirigeants doivent contrôler les esprits et les comportements. Le constat que Hume établissait au XVIIIe siècle vaut encore à l’heure actuelle. Le pouvoir est entre les mains du peuple.
Le care ou l’accompagnement bienveillant
Dans un monde toujours plus complexe et exigeant, qui vulnérabilise les personnes, la notion de care recouvre une inquiétude pour le prochain, qui s’oppose à la société centrée seulement sur la technique, la performance, l’objectivité… pour reprendre l’opposition proposée par Havel dans ses Essais politiques.
Le col Mao, moins tabou que la moustache d’Hitler ?
Hannah Arendt aura en premier osé la comparaison entre le national-socialisme et le communisme, deux systèmes de mise à mort jamais égalés, et qui, par effet d'entraînement et de mimétisme, engendrèrent la « banalisation du mal ». Mais l’un aurait-il plus banalisé le mal que l’autre ? En effet, comment expliquer que les français appellent un col droit sans rabat un « col Mao », alors que les anglo-saxons, moins enclins à assumer le legs de plusieurs millions de victimes, lui préfèrent le terme de « mandarin collar » ? Et d’ailleurs, en vertu de quel principe un « col Mao » serait-il plus valorisable qu’une moustache d’Hitler ?
La repentance : tous perdants
Qu’est-ce que la « repentance » ? Incontestablement la forme laïcisée du mea culpa chrétien. La repentance enfonce ses racines dans un remords collectif, dans une culpabilité sautant d’une génération à l’autre. Que le repentant n’ait pas commis lui-même les fautes pour lesquelles il se frappe la poitrine cesse de nous étonner sitôt que l’on prend en compte cette origine. Qu’est-ce en effet que le péché originel, sinon la culpabilité que la désobéissance d’Adam et d’Eve a fait peser sur tous leurs descendants punis jusqu’à la fin des temps pour l’acte qu’ont commis leurs très lointains ancêtres. La repentance ? Quelque chose de très religieux, donc.
La question fiscale, entre technique et politique
S'il est une question dont tous les citoyens devraient pouvoir s’emparer et débattre rationnellement, c’est bien la question fiscale. Notre consentement à l’impôt constitue en effet un élément essentiel de la théorie du contrat social : l’impôt est l’aliment qui nourrit le Léviathan. Hélas, les termes du débat et son oscillation entre technique et politique ont de quoi laisser dubitatifs les individus les mieux disposés. Qu’on en juge plutôt avec un bref rappel des « séquences » relatives au projet gouvernemental d’instituer une taxe à 75% sur les plus hauts revenus.
Décès de Françoise Seligmann, figure de l’indignation et de la résistance
Françoise Seligmann était l’exemple remarquable du prolongement nécessaire de l’indignation : l’indignation, pour ne point devenir un ressentiment piteux ou haineux, doit être constamment dépassée dans l’action. Et l’action demande de croire à ses idées.
Égalité, compétition et perfectibilité : Faut-il lutter contre toute forme d’inégalité ?
La devise républicaine « Liberté-Egalité-Fraternité » place l'égalité en son centre, mais aussi en seconde position dans une séquence sur laquelle il est intéressant de s'interroger.
Les difficultés que connaît l’Europe aujourd’hui, en particulier l’incapacité de relancer le projet d’une union qui mobiliserait les peuples, et même la résistance que ces peuples y opposent, tient bien sûr aux difficultés financières, économiques et sociales et aux politiques d’austérité qui l’affaiblissent au lieu de lui donner un nouvel élan. Mais ce n’est pas tout, il y a une autre raison : le fait que la question du sens même d’Union politique européenne a été sans cesse retardée. Comme si la dimension politique de l’Europe risquerait de compromettre le projet de construction péniblement mis en œuvre.
La décision d’une majorité peut-elle fonder l’autorité de la loi ?
Les lois votées à la majorité obligent ceux-là même des citoyens qui ne les ont pas voulues. A quelles conditions la volonté d’une majorité n’est-elle donc pas seulement la victoire du plus grand nombre sur le plus petit – car si tel était le cas, de quel droit obligerait-elle la minorité ? Une conception arithmétique de la majorité sape l’autorité des lois.
La crise sans fin
Notre présent est envahi par la crise mais, en se généralisant à un tel point qu’elle semble fonctionner aujourd’hui comme un « fait social total » (pour reprendre l’expression de Marcel Mauss), la crise s’est vidée de son sens originel. Le mot grec krisis désignait le jugement, le tri, la séparation, la décision. Il indiquait le moment décisif, dans l’évolution d’un processus incertain, qui devait permettre le diagnostic, le pronostic et éventuellement la sortie de crise. A l’inverse, la crise paraît aujourd’hui marquée du sceau de l’indécision voire de l’indécidable. Ce que nous ressentons, en cette période de crise qui est la nôtre, c’est sa permanence. Nous n’en voyons pas l’issue. Ainsi dilatée, elle est à la fois le milieu et la norme de notre existence. Un tel renversement témoigne, entre autres, d’une mutation significative de notre rapport au temps.
De la morale laïque à l’école ou « la vertu peut-elle s’enseigner » ?
Une « morale laïque » peut-elle s'enseigner ? Cela soulève la question de sa consistance, laquelle, si elle est vraiment laïque, est subordonnée à sa légitimité d'être enseignée comme morale. Aussitôt posée, la question inclut sa réponse : il n'y a aucune légitimité, pour l'école, à enseigner une vision du bien et une conduite de la vie. Il faut donc s'en tenir à l'extériorité, principalement négative, aux impératifs élémentaires qui font place nette à la possibilité même d'instruire. Et c'est du déploiement de ce qui se fait à l'école que l'exigence morale suit, en même temps qu'elle le conditionne. Tels sont quelques-uns des cercles médités ici par Edith Fuchs.
En démocratie, le lieu du pouvoir est vide
Les élections ne font pas la démocratie. Il existe aujourd’hui dans le monde de nombreux régimes qui se disent démocratiques. Pour une raison toute simple et qui peut sembler probante : leurs dirigeants ont été élus, puis reconduits, parfois même à plusieurs reprises. De plus, les institutions de ces pays comportent, quoique dans des proportions variables, des formes démocratiques. On parlera même, dans certains cas, de « démocratie participative », notamment au niveau local. C’est le cas, par exemple, au Venezuela. Hugo Chavez a été jusqu’à instaurer, en 2004 le « référendum révocatoire à mi-mandat », et il se l’est appliqué à lui-même. Impressionné, J.L. Mélenchon, de retour du Venezuela, a déclaré en août 2012, que ce pays « était plus démocratique que la France ».
Heidegger and the Political: Finitude, Thownness, and the Destiny of Being
A perennial barrier to interpreting Heidegger’s thought has been the philosopher’s impassioned commitment to National Socialism in 1933 – an allegiance that, even after the war, Heidegger never fully renounced.
Réconciliation : les limites d’un conte de fée
Comment transmettre la mémoire au lendemain d’une guerre? Quelle histoire raconter? Maints récits – officiels et individuels – donnent à voir des parcelles du tableau. Derrière chaque récit, un regard, un visage, une famille, un village. Des récits comme autant de cailloux jetés dans un étang, mais dont les ricochets ne sont ni légers, ni amusés. Pavés qui écrasent, remous sans remords, dégoût et souvent goût de mort. Poids de l’irréversible. Comment dire l’absent disparu, l’ennemi abattu, le corps dissolu ? Question tragique et pourtant impérieuse pour se relever et aller de l’avant.
The good, the bad and the ugly and the outcome of the Greek elections (the rest)
Now that a new more stable government is formed and the fact that SYRIZA is a potential political force that can rule the country in the future make the situation different. The party will continue to be attacked for its rejection to enter the coalition and questions over its European orientation and its development strategies will remain high in the parliamentary discussions.
The good, the bad and the ugly and the outcome of the Greek elections
The recent elections in Greece divided people between the pro-bailout and the anti-bailout parties. Marginally, Greeks decided to support a coalition of three parties (the center-right New Democracy, the center-left PASOK and Democratic Left) which claimed that the bailout is the only viable (and hard) way to return to development.
Le premier ministre et la phénoménologie du pouvoir
Début juillet, Jean-Marc Ayrault fera son premier discours de politique générale devant la nouvelle Assemblée, auréolé de la nette victoire des socialistes aux élections législatives, laissant ainsi toute latitude au gouvernement pour mener les réformes du candidat Hollande. Ce discours est souvent très attendu des observateurs, car ils en attendent une publicité totale du pouvoir, au sens kantien du terme (rendre public). Au terme de ce discours, l’Etre du pouvoir sera connu, dévoilé, bref transparent. Cette attente doit néanmoins être interrogée : le pouvoir peut-il être public, peut-il rendre totalement raison de lui-même ? Ceci nous apparaît comme illusoire en raison de contraintes structurelles au champ politique. Et pour répondre à cette interrogation, la phénoménologie nous fournit de précieuses catégories pour penser l’apparaître du politique.
Un petit effort M. le (presque) Président : de l’équité à défaut de réforme !
60 000 postes dans l’Éducation Nationale et le Supérieur, est-ce vraiment une réponse suffisante pour dessiner les solutions des défis auxquels se trouvent confrontées nos têtes blondes ? Soyons juste : les propositions du candidat Hollande ne se limitent pas à cela, mais elles visent plus globalement la réfection de ce qu’a détricoté la nuit sarkozyste. Suffit-il toutefois, telle Pénélope, de retravailler sans cesse le même bâti, pour répondre aux nouvelles ardeurs ?
La fatigue d’être français
Oublié Renan et le « plébiscite de tous les jours », oubliés les lieux de mémoire, oubliés le sentiment et la fierté d’être français. La France serait un hôtel, de bonne catégorie cela va de soi, n’en déplaise aux agences de notation : la première destination touristique au monde, désindustrialisée, disneylandisée, avec force attractions et carrefours végétalisés…Qu’on y entre par la grande porte, satisfaisant aux formalités de la réception (naissance, papiers en règle, naturalisation) ou par les entrées dérobées (immigration clandestine), on y chercherait un lieu, une chambre plus ou moins luxueuse, étant entendu que les prix ont flambé, car l’hôtel est coté.
L’acteur politique
Il y a bientôt un an, le festival de Cannes découvrait Pater. Le cinéaste français Alain Cavalier, se mettant lui-même en scène aux côtés de Vincent Lindon, y interroge, y éprouve, la frontière entre fiction et réalité. Dans cette fantaisie expérimentale, on voit l’acteur chargé de jouer à l’homme politique.
Le sens d’une élection
Comme on pouvait s'y attendre à l'approche des élections, la voix de ceux qui lui contestent toute légitimité politique ne laisse pas de se faire entendre à nouveau. Mais qu'est-ce qui fait au juste le sens d'une élection ?
Le relativisme culturel : un concept vidé
L'erreur des contradicteurs de Guéant ; il ne s'agit pas de racisme culturel mais d'une affirmation de l'objectivité des valeurs et donc, de leur nécessaire hiérarchie. Ce qui peut paraître subversif, dans l'affirmation de Guéant tient en réalité avant tout, semble-t-il, à la difficulté de détermination objective des valeurs d'une civilisation.
La démocratie et le réel
Ainsi, nous dit-on, les démocraties européennes seraient moribondes. Elles seraient passées, au mieux, sous la tutelle de technocrates venus de Bruxelles ou de Francfort ; au pire, sous celle des marchés. Et tout cela, naturellement, serait la faute de l'euro, de l'Union Européenne, des banques et de bien d'autres gens. Pas la notre.
Vous avez dit : « populaire » ?
Le ministre de l'intérieur a soulevé récemment une certaine émotion en qualifiant le Front National de parti nationaliste et socialiste. On n'a pas besoin d'insister sur la faible pertinence de l'analogie que le rapprochement de ces deux termes voudrait suggérer. Le principal problème soulevé par le Front National est qu'il s'agit d'une formation couvrant un spectre sociologique qui fausse les perspectives parce qu'il n'a guère de précédent, à cet égard, dans l'histoire de l'extrême droite française.
Les Indignés peuvent-ils changer le monde ?
A cette question, les faits semblent répondre « non » : que ce soit en Espagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, le mouvement des indignés a marqué le pas, tandis qu'en France, comme cristallisé dans la seule figure de Stéphane Hessel, il n'a jamais mobilisé. Un tel échec intéresse forcément la philosophie : l'indignation serait-elle vouée à l'impuissance ?
Le chef de gare
« Aucune société n'est foncièrement bonne ; mais aucune n'est foncièrement mauvaise ; toutes offrent certains avantages à leurs membres, compte tenu d'une iniquité dont l'importance paraît approximativement constante » écrivait Claude Lévi-Strauss (Tristes tropiques, p 347). Par conséquent, poursuivait-il : « Ceux qui ne pensent pas ainsi versent dans l'absurdité qu'il y a à déclarer une culture supérieure à une autre » (Anthropologie structurale deux, p 413).
Vers une communauté franco-allemande
Une échéance électorale majeure, une crise financière sans précédent et une déstabilisation de l'Union européenne, sur fond de globalisation, se conjuguent pour donner à 2012 le caractère d'une année historique. Conformément à sa vocation, la Fondation pour l'innovation politique entend contribuer au débat démocratique de l'élection présidentielle en proposant 12 idées pour 2012. Parmi celles-ci, figure l'idée de renforcer substantiellement l'axe franco-allemand, moteur de la construction européenne, en réalisant une convergence entre les deux pays dans une série de domaines, parmi lesquels la fiscalité, l'écologie et la citoyenneté.
L’Europe et ses Etats
L’Etat est né en Europe, l'Europe est une construction des Etats. C’est par eux qu’elle s’est faite tout au long des cinquante dernières années. Depuis l’origine, un débat pertinent oppose ceux qui, s’appuyant sur l’histoire des nations qui la composent, en tiennent pour une construction intergouvernementale et ceux qui, forts de l’expérience des premiers traités, croient que seule une logique fédérale peut permettre d’avancer. La réalité observée est celle d’une délicate alchimie des deux logiques que traduit parfaitement l’oxymore de Jacques Delors, qualifiant l’Union de « fédération d’Etats-nations ». Mais vient un jour - et nous y sommes - où l’alchimie, révélant ses faiblesses, doive être redynamisée par un effort politique d’invention.