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La « machine à expériences » de Nozick

19/08/2017 | par Robert Zimmer | dans Classiques iPhilo | 8 commentaires

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A VOUS DE JOUER – Nous continuons notre série d’été qui durera jusqu’à la fin du mois d’août. Découvrez et répondez aux exercices et autres tests extraits de l’ouvrage Petites distractions philosophiques du philosophe allemand Robert Zimmer, qui vient d’être publié par la Librairie Vuibert. Cette semaine, nous vous proposons de choisir (ou non) un univers virtuel.


Robert Zimmer est un philosophe et essayiste allemand né en 1953, auteur d’une thèse de doctorat en Philosophie sur Edmund Burke et de biographies et d’introductions à la philosophie particulièrement populaires outre-Rhin. Une partie de son oeuvre est traduite en français, notamment Le Grand Livre des philosophes (éd. Fayard, 2012) et Petites distractions philosophiques (éd. Vuibert, 2017).


Enoncé

C’est dans son ouvrage Anarchie, État et utopie (1974) que Robert Nozick (1938-2002) a élaboré l’idée d’une «machine à expériences» : un homme flottant dans un réservoir est relié par des électrodes à une machine qui lui transmet des expériences désirées, toutes agréables. Ces expériences «intérieures», qu’il peut choisir à l’entrée du réservoir comme sur catalogue, il les vit exactement comme si elles étaient «vraies». Il peut à tout moment quitter le réservoir afin de programmer de nouvelles expériences agréables. Nozick était convaincu que l’homme ne souhaite fondamentalement pas voir le monde véritable remplacé par un univers virtuel.

➦ Quels arguments développeriez-vous pour soutenir cette thèse ?
➦ Quels arguments plaident selon vous en faveur de l’idée que l’offre sur catalogue serait acceptée par beaucoup ?

Réponse dans 48 heures !

Nous publierons dans deux jours la réponse de Robert Zimmer à cette interrogation de Nozick. D’ici là, n’hésitez pas à publier vos éléments de réponse en commentaires de cet article.

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Robert Zimmer

Robert Zimmer est un philosophe et essayiste allemand né en 1953, auteur d'une thèse de doctorat en Philosophie sur Edmund Burke et de biographies et d'introductions à la philosophie particulièrement populaires outre-Rhin. Une partie de son oeuvre est traduite en français, notamment Le Grand Livre des philosophes (éd. Fayard, 2012) et Petites distractions philosophiques (éd. Vuibert, 2017).

 

 

Commentaires

On doit émettre un bémol sur la croyance que les expériences citées dans l’énoncé, celles qualifiées de « virtuelles », soient purement intérieures, en sachant que nous avons de sacrés partis pris sur la nature de la fiction qui est assimilée à du mensonge…à opposer à une « réalité qui elle, serait… « objective », donnée, donc « vraie ».
J’aime toujours citer l’exemple de Dale Carnegie dans sa bible du management américain qui raconte qu’un employé des chemins de fer américain s’étant fait enfermer dans un wagon réfrigérant est mort (de froid) après avoir péniblement gravé par son sang qu’il mourait de froid…. dans un wagon qui était débranché…
Cela fait réfléchir sur la nature de l’expérience virtuelle, du statut de la fiction, et de l’opposition problématique « intérieur/extérieur », comme de l’opposition « réel/virtuel ».
Que l’Homme devienne de plus en plus insatisfait de vivre autant sa vie par procuration, et dompter ses passions et ses pulsions à travers sa construction culturelle, en excluant le réel de son être corporel, me semble plus que normal, mais n’est-ce pas le lourd tribut à payer pour la civilisation à l’heure actuelle ?
La Paix éternelle se paie cher, en nous rendant inconséquents et inconsistants dans l’acte de tout consommer, en tendant à mettre un prix chiffré sur tout ce qui bouge et porte un nom, et en excluant notre souffrance.
L’énoncé ne dit rien sur la capacité de l’Homme de programmer (désirer ? sur quel plan ?) les expériences désagréables. Serait-ce impensable ?
Pourtant, Freud a bien utilisé ses simples yeux, et son esprit pour constater l’étonnante faculté de l’Homme de répéter ses expériences traumatiques, à l’encontre d’une théorie selon laquelle l’Homme ne chercherait que le plaisir dans son existence.
Mais c’est vrai qu’il y a un monde entre ce qu’on veut et ce qu’on peut.
Cet écart là n’est pas près de disparaître, (tout comme la nécessairement douloureuse conscience (de soi)), machines ou pas.

par Debra - le 19 août, 2017


André Comte-Sponville écrit qu’un philosophe « préfère une vraie tristesse à une fausse joie ».
Seulement voilà, nous ne sommes pas tous philosophe et ceci reste comme l’idéal du philosophe. Il semble évident que la plupart de nos contemporains choisiraient de fausses expériences (joyeuses) qui semblent vraies à de vraies expériences qui peuvent être douloureuses. Pour placer l’énoncé dans le domaine des projections : nous savons plus ou moins que notre civilisation industrielle va s’effondrer mais nous préférons nous réfugier dans le déni en vivant comme si cela ne se produira pas de notre vivant (ni du vivant de nos enfants) et dans la foi en la science qui trouvera bien quelquechose pour nous sortir de là. Le mensonge qui apaise (voire, qui rend joyeux) est amplement préfèré à la réalité qui peut se révéler tragique. Le divertissement pascalien est toujours la chose du monde la mieux partagée. Il suffit de comparer le nombre d’amateurs de foot au nombre de ceux qui cultivent la terre en permaculture ! On peut aussi aimer le foot et cultiver son potager bio, me direz-vous, mais ceux-la sont encore plus rare… Aujourd’hui il est possible de se faire greffer des puces afin de devenir « augmenté » cela viendra, immanquablement, le phénomène de mode incontournable, car pour la plupart d’entre nous: mieux vaut augmenter nos capacités de façon artificielle (sans se soucier des conséquences) que rester ce que l’on est de façon naturelle, d’accepter son humanité et de faire avec.

Pour revenir à l’énoncé, celui-ci ne précise pas si les expériences choisies viendraient se substituer aux expériences réelles ou si elles ne viendraient que s’accumuler à celles du patient. Dans ce dernier cas, et c’est heureux, il restera toujours au fond de lui ses propres douleurs nécessaires à toute véritable joie.

par Vincent Mouret - le 20 août, 2017


Comme d’habitude, plutôt que de m’imposer l’effort d’une véritable réflexion sur le sujet ( C’est les vacances, non ?), je relirai  » Un bonheur insoutenable « , superbe roman de science-fiction d’Ira Levin, publié au début des années 70. Merci de m’en avoir donné l’envie.

par Philippe Le Corroller - le 20 août, 2017


Lao Tseu nous dit « L’empreinte de la sandale n’est pas la sandale »

Oui L’humain souffre d’un manque qui génère sa libido qui génère ses actions, en se privant du manque, donc en désirant à tout prix éviter la souffrance du manque, de l’absence(Fedida) il peut s’abîmer dans le virtuel(cf: énoncé).

Non, certains préfèrent la sandale à son empreinte, ainsi préparer son sac, et partir en chemin, ou cueillir ses légumes pour préparer une bonne soupe, restera pour certains la vraie vie.

La question en soulève d’autres comme; celle du nombre, de la majorité et des exceptions, de l’intelligence, du conditionnement social, historique, des croyances, de la génétique, de la pathologie, de la résistance, de la résilience, de l’éveil spirituel… bref tout ce qui dans une vie humaine fait de certains des moutons et d’autres des résistants.

Merci à Philippe pour l’info livre.
tine

par chiarappa - le 21 août, 2017


Il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait.

par John-Stuart Mill - le 21 août, 2017


Bonjour,

Peut-être le concept virtuel se vit-il d’un état transitionnel. Comme un interlude,un intermède animés de rêveries éveillées.

Une fenêtre sur un avenir qui va nous confondre avec autant de possibles que de probables.

Peut-être nous perdre en toute conscience ou se laisser porter. Pour voir,se mesurer,s’étalonner et se consoler par comparaison.

Une nouvelle ère,erratique;autre combat contre l’ennui,la routine,l’habitude; à la recherche de connus inconnus.

Notre cerveau d’enfant
N’attendant que ça
N’en restera pas là!

par philo'ofser - le 23 août, 2017


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