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Mieux vaut préserver l’humanité que l’améliorer

1/03/2019 | par L. Hansen-Love | dans Philo Contemporaine | 12 commentaires

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BONNES FEUILLES : Dans son nouvel essai Simplement humains, Laurence Hansen-Love critique avec sévérité les prophètes de la posthumanité, comme l’écrivain à succès Yuval Noah Harari. Face à la crise écologique et à la révolution technologique, la philosophe plaide pour une responsabilité partagée qui prenne en compte le risque tragique de franchir en matière de catastrophe le seuil de l’inéluctable. 


Professeur agrégée de philosophie, Laurence Hansen-Love a enseigné en terminale, en classes préparatoires littéraires et à Sciences Po Paris. Aujourd’hui professeur à l’Ipesup, auteur de plusieurs essais et de manuels de philosophie, elle a récemment publié Oublier le bien, nommer le Mal (éd. Belin, 2017) et, dernièrement, Simplement humains (éd. de l’Aube, 2019). Nous vous conseillons son blog.


A bien des égards, l’humanité semble désormais en sursis (1).  Non pas l’humanité réelle constituée de plus de sept milliards d’individus et, encore à ce jour, en pleine expansion, mais l’humanité telle que nous l’avons connue, voire fantasmée, tout au long d’une histoire non moins imaginaire que factuelle. Or, depuis peu, la représentation de l’homme héritée pour une part des Lumières, et qui constituait le socle de l’humanisme, est en train de voler en éclat.

Lire aussi : Günther Anders et l’obscolescence de l’homme (Didier Durmarque)

Au XXe siècle, les caractéristiques dont nous considérions qu’elles nous étaient propres et qui expliquaient, tout en les justifiant, notre suprématie dans l’ensemble du règne animal, ont toutes été successivement remises en cause. Annoncée par le mouvement structuraliste et les philosophies post-humanistes, confortée par les dernières avancées des sciences biologiques et cognitives, la déconstruction du Sujet a porté ses fruits :  les motifs de nos illusions ont fondu au même rythme que la calotte glaciaire. Les raisons de la remise en question de l’exception humaine, assortie de la promesse de l’avènement du «Successeur» (2) relèvent  de deux types d’avancées distinctes, mais dont les conclusions tendent à converger. D’une part, les éthologues, primatologues – Frans de Waal (3) – et neurobiologistes – Georges Chapouthier (4) – nous apprennent que la proximité entre les humains et les autres primates est beaucoup plus grande que ne le supposaient les penseurs rationalistes. D’autre part, les savants et les chercheurs qui observent les bouleversements promis par les nouvelles technologies soutiennent désormais – pour la plupart – qu’il n’y a plus de coupure infranchissable entre l’intelligence biologique et l’intelligence artificielle, entre un cerveau et une puce synaptique, entre la vie et la simulation de la vie : «Séparer les domaines et tenter de sauver la «nature» ou l’intégrité de l’humain contre la «singularité technologique» ne mène nulle part»  tranche  par exemple Catherine Malabou dans son dernier ouvrage (5).

Le mythe du libre arbitre

Au nombre des «propres» de l’homme qu’il conviendrait de jeter aux orties toutes affaires cessantes se trouve – outre l’intelligence – la liberté, ou bien plus exactement le «libre-arbitre» qui, ainsi nommé, se prête particulièrement bien à la relégation voire aux sarcasmes.  Qui est encore assez ignare pour adhérer aujourd’hui au «mythe du libre-arbitre» ? Alain Resnais, dans un film fameux, Mon oncle d’Amérique (1980), établissait un parallèle osé entre le comportement des rats de laboratoire et celui de ses personnages. Mi-sérieux, mi-plaisant, il s’inspirait des thèses du biologiste Henri Laborit : la réaction des personnages aux diverses perturbations de leur existence ne ferait qu’obéir à des réactions chimiques et pavloviennes. Intervenant au début du film, Henri Laborit (1914-1995), biologiste alors réputé pour ses études sur le cerveau, expliquait doctement que l’animal humain, face à une situation de tension, réagit par la fuite, le combat ou l’inhibition. De façon plus générale, Homo sapiens satisfait des besoins de consommation et de gratification… tout comme les rats. Or il se trouve qu’aujourd’hui, les théories de ce type ne relèvent plus de la spéculation philosophique ni de la fantaisie d’un cinéaste farceur mais sont corroborées par de nombreux travaux scientifiques relativement consensuels. L’historien des idées Yuval Noah Harari (6), dans son dernier best-seller Homo deus. Une brève histoire de l’avenir (7) consacre un chapitre  aux études qui «démontrent» que le libre arbitre est une illusion (8) :  «Les expériences accomplies sur Homo sapiens, résume Harari, indiquent que, comme les rats, les hommes sont manipulables et qu’il est possible de créer, de  donner ou d’anéantir des sentiments complexes comme l’amour, la colère, la peur et la dépression en stimulant les points adéquats dans le cerveau humain» (9).

Lire aussi : Pour Darwin et au-delà (Georges Chapouthier)

Pour Yuval Noah Harari, le concept fumeux de libre arbitre repose sur le mythe de l’existence d’un moi substantiel qui, dans nos démarches délibérées et volontaires, serait capable de faire le tri entre ses désirs aléatoires – qui sont moi sans être moi – et ses orientations profondes : «Le moi unique et authentique, écrit-il, est aussi réel que le Père Noël ou le lapin de Pâques» (10). Ignorant  superbement les réfutations de ce type d’argumentations par quasiment tous les philosophes, depuis Epictète jusqu’à Karl Popper (11) en passant par Spinoza, l’écrivain conclut que l’idée de liberté ne constitue «qu’un mythe libéral de plus que la recherche scientifique la plus récente a discrédité». Et d’enchaîner : «La science mine non seulement la croyance libérale au libre arbitre mais aussi la croyance à l’individualisme» (12).

Irresponsabilité

J’établirai pourquoi il est impératif de rejeter ce type de conjectures :  tel est précisément l’objet de ce petit opuscule. Il est facile de montrer tout d’abord que les savants et les polémistes qui nient l’existence de la liberté se contredisent et décrédibilisent donc automatiquement leurs propres thèses. Tous nous expliquent en effet que la raison d’être de la connaissance en général, et des sciences cognitives en particulier,  est de maximiser le pouvoir des hommes sur eux-mêmes et sur leur environnement en développant indéfiniment leurs «performances». Un des ardents promoteurs de l’«homme augmenté», l’entrepreneur  français Laurent Alexandre, à l’occasion d’un débat sur l’avenir des robots écrit par exemple : «Qui dit humain dit libre arbitre». Selon ce partisan d’une redéfinition radicale de l’humain, il serait particulièrement malvenu d’employer «l’argument du déterminisme génétique pour tenter d’enrayer l’essor des biotechnologies» (13). De son point de vue, l’homme est perfectible, et si la liberté lui est même consubstantielle, on ne voit pas pourquoi on s’interdirait de l’améliorer … et par conséquent d’ouvrir ainsi la perspective d’une reconfiguration complète de l’humanité. Puisque l’homme ne possède aucune «nature»,  ou plutôt que sa nature est de n’en avoir aucune, il  n’y a  pas de raison de préserver ce qui n’existe qu’à titre très hypothétique – l’âme, la conscience morale, l’essence  humaine ou quoi que ce soit de ce genre. Le problème ici, c’est que les théoriciens qui se sont engagés dans cette révolution prétendent dans un premier temps démontrer l’inexistence de la liberté, mais ils ne s’interdisent pas pour autant de remodeler l’homme et de piétiner notre «nature» – ou ce qu’il en reste – au nom,  finalement, de cette même liberté.

La fatigue d’être soi

Même contradiction chez le talentueux essayiste Yuval Noah Harari. Contrairement aux chercheurs dont il se contente de rapporter – avec une feinte impartialité – les travaux et les conclusions, il tient à mettre en garde contre les prolongements possibles de toutes ces avancées scientifiques  («La bombe à retardement du laboratoire», «Le grand découplage» et, pour finir :  «La religion des datas») vers un  possible avenir  post-humain.  Mais quel peut être le sens de cette alerte contre les menaces qui se profilent si vraiment nous pensons que l’homme n’est pas plus maître de sa destinée que les rats de Henri Laborit et de Sanjiv Talwar ? «Tous les scénarios esquissés dans ce livre doivent être compris comme des possibilités et non comme des prophéties», précise-t-il. «Certaines de ces possibilités ne vous plaisent pas ? Libres à vous de penser et de vous conduire de façon à ce qu’elles ne se matérialisent pas» (14) ajoute-t-il au terme de sa cartographie des risques techno-scientifiques majeurs détectables à l’oeil nu.

Lire aussi : La déraison de l’économie (Jean-Pierre Dupuy)

Il est possible en effet que ces possibilités ne plaisent pas à nombre de ses lecteurs, parmi lesquels l’auteure de ces lignes. En bref, nos craintes portent principalement sur trois types de menaces : l’hypothèse d’une guerre ou bien d’une catastrophe nucléaire, le réchauffement climatique et la remise des clés de notre avenir à des algorithmes. Angoisse décuplée par l’idée que ces différentes perspectives ne s’excluent aucunement, mais pourraient tout au contraire se combiner. Selon le futurologue Didier Sornette (15), le scénario le plus sombre serait celui d’une mort lente de la planète. Cette pré-agonie serait amorcée, déjà, et révélée par de multiples signes cliniques comparables à ceux du développement d’un cancer : épuisement des ressources, surpopulation, dérèglement climatique enclenchant un développement systématique du terrorisme, distribution de l’humanité en deux clans, groupes de riches protégés dans des forteresses face à une foule de démunis nomades et de sous-humains désœuvrés, tout cela sous la houlette d’ordinateurs perspicaces. Après avoir débarrassé les hommes du «fardeau de la liberté» (Sartre)  et  de la «fatigue d’être soi» ( Alain Ehrenberg ) (16), nos algorithmes prendront les choses en main, pour  le meilleur…ou pour le pire. Bien entendu les chantres du futurisme technoculturel ont en tête, pour la plupart d’entre eux, des contre-scénarios optimistes fondés sur une foi indéfectible dans les ressources de l’imagination et de l’intelligence humaine, puis artificielle. Assorties d’une foultitude de dispositifs ingénieux, ces facultés permettront l’émergence de nouvelles cultures mondiales prolifiques et généreuses qui présenteront en outre un caractère durable. C’est ainsi par exemple que la disparition d’emplois dans les secteurs traditionnels sera compensée par leur démultiplication dans le domaine de l’art, de la création, de l’informatique, de la cybernétique, des médias, du jeu, de l’urbanisme etc.

Toboggan de la transgression

Libres à nous de décider quels sont les scénarios qui nous agréent. Encore faudrait-il pour cela faire le pari non pas de l’inéluctable  mais au contraire celui de la responsabilité. Non pas d’une pseudo responsabilité collective, laquelle dissout l’individualité, mais celle d’une responsabilité partagée – ni honteuse ni culpabilisante, mais tout au contraire respectueuse de nos inhibitions existentielles et de nos craintes. Une telle approche de la liberté resterait enracinée dans une vision « tragique» – au sens originel – de notre  condition. Tel est le parti pris du philosophe J.P. Dupuy qui se demande si les hommes peuvent encore prétendre «gouverner ce qui les gouverne», «déterminer ce qui désormais les détermine» (17). Or il observe que telle était précisément  l’approche des  héros de la tragédie grecque qui se considéraient  comme victimes et néanmoins – paradoxalement – comme responsables de leur destin. Quant à la question de savoir ce qu’il convient de  faire dans un tel contexte, autrement de ce qu’il en est de nos devoirs – «si je dois, je peux» (18) – à l’ère de la post-morale, du transhumanisme et du posthumain, elle ne se pose qu’une fois réitérée notre foi en la liberté :

«Il va nous falloir apprendre à penser que, la catastrophe apparue, il était impossible qu’elle ne se produise  pas, mais avant qu’elle ne se produise, elle pouvait ne pas se produire. C’est dans cet intervalle que se glisse notre liberté» (19).

Pour aller plus loin : Laurence Hansen-Löve, Simplement humains, éd. de l’Aube, 2019.

[1] «Maintenant nous sommes de fait des morts en sursis» Gunther Anders,   L’obsolescence de l’homme. Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle,  Editions Ivréa, 2002, p. 343.
[2]     «Successeur», tel est le nom de «cette forme de vie nouvelle susceptible de prendre la suite de l’homme  comme habitacle de la conscience» selon Jean Michel Truong, (Totalement inhumaine, éd. Les empêcheurs de tourner en rond, 2001, p. 49). Né 1950, Jean-Michel Truong est un écrivain en même temps qu’un théoricien du transhumanisme et du posthumanisme.
[3] Frans de Waal est un éthologue  né en 1948 aux Pays-Bas.  Professeur en éthologie des primates au département de psychologie de l’université Emory à Atlanta, il est un spécialiste mondialement reconnu du comportement et des émotions des primates. Il a publié de nombreux livres de vulgarisation dont La Politique du chimpanzé, De la réconciliation chez les primates et Le Singe en nous.
[4] Georges Chapouthier, né en 1945, est un neurobiologiste et un philosophe français, chercheur au CNRS, auteur de nombreux ouvrages sur l’homme, l’animal et la machine. Lire ici par exemple un résumé de ses idées:   «L’homme un pont entre deux mondes : nature et culture» : revue  Le philosophoire, p. 99, 2004.
[5] Métamorphoses de l’intelligence. Que faire de leur cerveau bleu? éd. PUF, 2017. «J’ai longtemps pensé que la plasticité neuronale interdisait toute comparaison entre le cerveau naturel et la  machine, en particulier l’ordinateur. Or les dernières avancées de l’intelligence artificielle, avec le développement des puces «synaptiques» en  particulier, a rendu cette position plus que fragile».
[6]  Yuval Noah Harari (né en  1976) est professeur d’histoire à l’université hébraïque de Jérusalem. Il est l’auteur d’un best-seller  international qui retrace d’une manière toute personnelle l’histoire de l’humanité  depuis l’âge de pierre jusqu’à la Silicon Valley.
[7] Homo sapiens. Une brève histoire de l’avenir, op.cit, p. 309., Albin Michel, 2017 («La bombe à retardement au laboratoire»).
[8] Pour une analyse fouillée, il recommande (op.cit. p. 314)  la lecture de Michael S.  Gannaziga, Le libre arbitre et la science du cerveau, Odile Jacob, 2013. Signalons aussi Jean Robin,  Le Libre arbitre scientifiquement réfuté, Ed. Tatamis, 2016.
[9] Homo sapiens. Une brève histoire de l’avenir, op.cit, , p. 309.
[10] Ibid, p. 313.
[11] L’univers irrésolu. Plaidoyer pour l’indéterminisme, Ed. Hermann, 1982, p. 105.
[12] Ibid, p. 312.
[13]  (Avec Jean-Michel Besnier ), Les robots font-ils l’amour ? Le transhumansisme en 12 questions » , Ed. Dunod,  p.49, 2016.   Jean-MIchel Besnier est un universitaire  français spécialiste des nouvelles technologies, qui enseigne  la philosophie à Paris-Sorbonne.  Laurent Alexandre, un médecin et entrepreneur,  est l’un des  promoteurs français du transhumanisme.
[14] Homo deus, op. cit,  p. 425.
[15] « Critical events in Complex Financial Systems » , Princeton University Press, 2003.
[16] La fatigue d’être soi. Dépression et société, Odile Jacob, 2000.
[17] Petite métaphysique des tsunamis, Seuil, p.102, 2005.
[18] « Tu dois donc tu peux », formule de Emmanuel Kant à laquelle je consacrerai le chapitre  4 de cet essai.
[19] Pour un catastrophisme éclairé, ed. Seuil, 2002, p. 165.

 

L. Hansen-Love

Professeur agrégée de philosophie, Laurence Hansen-Love a enseigné en terminale et en classes préparatoires littéraires. Aujourd'hui professeur à l'Ipesup, elle est l'auteur de plusieurs manuels de philosophie chez Hatier et Belin. Nous vous conseillons son excellent blog hansen-love.com ainsi que ses contributions au site lewebpedagogique.com. Chroniqueuse à iPhilo, elle a coordonné la réalisation de l'application iPhilo Bac, disponible sur l'Apple Store pour tous les futurs bacheliers.

 

 

Commentaires

Bonjour,

Toujours la liberté,concept ambivalent,n’arrêtera pas,l’irréductible penchant à la technique,l’envie du besoin de se perdre pour se trouver,l’humaine curiosité naturelle de l’homme qui,par esprit aventureux,veut toujours dépasser l’au-delà de sa condition.

Éprouver les vertiges d’ailleurs,se lancer corps et âme à la poursuite infernale du désennuie.

Soyons réalistes.Nous n’échapperons à ce nouveau dilemme ajouté à un autre qui perd son élan.Limiter la puissance de l’IH et celle de l’IA comme un vœu pieux qui se révélera irrésistible.

Comme toujours,il nous faudra choisir.Et nous n’aurons d’autre choix.Nous choisirons.

Suspendus au-dessous d’elle,l’exercice de la liberté sur un fil,est certes; périlleux.

Elle nous tient en haleine et nous vivons avec!

par philo'ofser - le 2 mars, 2019


Pourquoi les philosophes découvrent-ils seulement maintenant ce que les grands écrivains de science-fiction nous ont appris il y a plusieurs décennies déjà ? Relisez  » Un bonheur insoutenable  » !

par Philippe Le Corroller - le 2 mars, 2019


Pourquoi s’étonner que la nouvelle cosmogonie scientifique qui triomphe dans l’esprit de tant de nos contemporains comme… dogme, et PROFESSION DE FOI (un comble pour un esprit scientifique, on en conviendra) relègue l’Homme à une place insignifiante du côté de l’infiniment petit et dérisoire ?
Pourquoi s’étonner que cette relégation ne nous rend pas particulièrement.. heureux dans un monde où le bonheur est devenu une finalité individuelle ?
(Je pense que nous aurions le moyen de réaliser que le bonheur, comme la grâce, et la guérison, arrivent de surcroît, et pas par.. planification directe, volontaire, et consciente.)
Il est faux de dater la… CHUTE de l’Homme dans nos esprits du 20ème siècle, et du structuralisme post humaniste. La chute de l’Homme (dans nos esprits) est une des prémisses de la pensée darwinienne, qui en opposition avec notre héritage religieux, considère l’Homme comme un animal parmi d’autres. La place de l’Homme dans notre héritage religieux chrétien lui accorde une nature métisse, car il participe de l’animal ET du divin du fait de sa possibilité d’exercer son.. LIBRE ARBITRE. Le simple fait de considérer l’Homme comme un animal parmi d’autres est suffisant pour changer radicalement notre regard sur qui nous sommes. Cette question logique est en même temps une question de cosmogonie, ce qui est infiniment plus difficile à apprécier. La suprême ironie étant que « nous » avons élaboré cette nouvelle cosmogonie afin de nous « libérer » de l' »injustice » de nous sentir.. déchus, et.. pécheurs originels, par nature, et que nous retombons sur un nouveau… déterminisme. C’est cela qui me fait dire que quand on jette Dieu par la porte, « Il » revient par la fenêtre, et sous une forme qui ne permet pas forcément de voir qu’il s’agit d’un nouvel avatar de Dieu. (Ce qui ne veut pas dire que tous les… « Dieu » se valent, loin de là.)
Pour la citation des tragiques grecques, je vais revenir à « Oedipe à Colone », dernière formulation de Sophocles d’un thème qui le hantait, et continue à nous hanter : d’un bout à l’autre de la pièce, Oedipe ne change pas, et n’a aucun pouvoir de SE CHANGER ; il est coléreux, agressif, hargneux, et violent, mais… un précieux allié de la cité pour la défendre contre les envahisseurs, et ennemis. Oedipe dans cette pièce est un objet d’enjeu, sans pouvoir personnel ; son pouvoir réside dans ce qu’il représente pour l’avenir de la cité.
Le pouvoir d’Oedipe est un pouvoir d' »être », et non pas de « faire ». Il est capital de pouvoir faire ces distinctions.
Enfin, n’oublions pas que « nous » est polysémique, et… nous sommes en train de nous battre pour savoir ce que/ceux que le mot « nous » permet de rassembler.
Pour ma part, je crois que l’exercice de la liberté, comme du libre arbitre est possible mais périlleuse. Mais j’observe que depuis que le monde est monde, « nous » désirons exercer la liberté dans des lieux, sur des terrains, et selon des manières qui ne sont pas forcément… possibles, mettons, NI SOUHAITABLES d’ailleurs.
Et puis, quoi de plus puissant pour déterminer notre si grande inconséquence que de vouloir exercer sa liberté.. personnelle sur un terrain qui n’y est pas propice ? Quoi de plus inconséquent que de s’imaginer que le pouvoir, la puissance se résument à la question de FAIRE ?

par Debbie - le 4 mars, 2019


Voilà bien des inquiétudes et interrogations intellectuelles d’homme blanc et sans doute Européen probablement « baby boomer ». Nous avons permis ce monde nouveau qui se dessine et nous constatons notre inadaptation à évoluer avec lui et notre attachement nostalgique au monde de notre enfance empreint de certitudes démenties ou relativisées par une techno science triomphante qui prétend à une gouvernance absolue voire dictatoriale des existences humaines à venir. Laissons ces prévisions aux auteurs de science-fiction et rejetons ces injonctions de la modernité d’un haussement d’épaules. Chaque génération a saisi les possibles offerts ou les a créés en cassant les « codes », en rompant avec l’habitude et la tradition, en expérimentant les solutions nouvelles, et c’est le propre de l’évolution de nos sociétés humaines en contradiction du catastrophisme ambiant de notre vieille société « occidentale » nourri de pessimisme et de laisser aller et qui prophétise la fin de notre civilisation sous les assauts de « barbares » à nos portes. Vive la jeunesse et l’avenir qu’ils se créeront d’une manière ou d’une autre, eux seuls vont le maîtriser et le vivre.

par Abate Gérard - le 10 mars, 2019


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