Michel Juffé
Né en 1945, Michel Juffé est un philosophe français, intéressé aux questions d'éthique, de philosophie politique et d'écologie. Il fut conseiller du vice-président du conseil général de l'écologie et du développement durable (2003-2010) et a enseigné dans plusieurs grandes écoles et universités. Auteur d'une douzaine d'ouvrages, il a récemment publié Sigmund Freud – Benedictus de Spinoza, Correspondance, 1676-1938 (Gallimard, 2016), Café-Spinoza (Le Bord de l'eau, 2017), Liberté, égalité, fraternité... intégrité (L'Harmattan, 2018), A la recherche d'une humanité durable (L'Harmattan, 2018) et, dernièrement, Éclats d’un monde disparu (Élan des mots, 2020), Nietzsche lecteur de Heidegger (Élan des mots, 2021) et Vlad le destructeur (Élan des mots, 2022).
ANALYSE : Alors que les tensions entre Israéliens et Palestiniens restent très élevées, resurgit «la solution à deux États». Quelques voix osent pourtant parler de l’État «binational et laïque», dont Shlomo Sand, dans un entretien accordé à Médiapart le 9 janvier 2024. Dans cet article, Michel Juffé nous partage le fruit de ses réflexions sur ce délicat sujet d'actualité, qui pose sans doute autant de questions philosophiques que politiques.
La victoire du diable
ANALYSE : L'opposé du symbolique est le diabolique, ce qui divise (du grec διαβάλλειν/diaballein, de dia- à travers, et -ballein, jeter, c'est-à-dire diviser, disperser, et par extension rendre confus). Le diabolique est, au sens propre, pour les Grecs : le bâton qui semble rompu lorsqu'il est plongé dans l'eau ; au sens figuré, c'est l'apparence trompeuse. Or, mis à part les fake-news (cette appellation étant elle-même confuse), nous sommes victimes/auteurs de confusions à grande échelle, envahissant toutes les sphères de la vie publique et privée. C'est sur ce sujet que Michel Juffé apporte ici des éclairages à la fois philosophiques et sociopolitiques.
Le fanatisme de l’indifférence
TRIBUNE : Le 8 juillet 2013, le Pape François dénonçait «la mondialisation de l’indifférence». Depuis, rien n’a changé. Ainsi déclare-t-il le 22 septembre 2023 à Marseille : «Nous ne pouvons plus assister aux drames des naufrages provoqués par les trafics odieux et le fanatisme de l’indifférence. Ces personnes qui risquent la noyade lorsqu’elles sont abandonnées en mer doivent être secourues. C’est un devoir d’humanité, c'est un devoir de civilisation.». C'est cette impérieuse question, à la fois humaine, sociopolitique et philosophiqueque Michel Juffé souhaite ici mettre en lumière.
Le peuple contre les nations : le rêve impérial de Poutine
ANALYSE : Nous sommes tous les jours surpris par les nouvelles initiatives de Vladimir Poutine et de son armée. D’autant plus qu’elles semblent incohérentes. Pourtant son dessein ne varie pas : «rendre» à l’Ukraine son destin de composant inséparable du peuple russe. La prétention des Ukrainiens à former et demeurer une nation fait d’eux, pour les Russes, des banderistes ultranationalistes. Le philosophe et l'historien analyse cette opposition entre peuple (qui «justifie» l’invasion et la destruction) et nation (qui unit les Ukrainiens au-delà de leur convictions politiques et religieuses).
L’Armée et les armes nucléaires
LES BONNES FEUILLES : Le livre de Michel Juffé et Vincent Simon veut déméler les fils d’une longue histoire qu’on ne peut réduire à une invasion des bons Ukrainiens par les mauvais Russes. L’Ukraine a longtemps cherché une alliance avec son grand frère, qui ne lui a offert, de Pierre le Grand à Vladimir Poutine, qu’un statut de vassal. La question de la dévolution des armes nucléaires est l’emblème majeur de cette discordance, qui devient paroxystique, au détriment des habitants de l‘Ukraine. En conclusion les auteurs, qui évitent tout pronostic, plaident pour une indépendance accomplie par le biais d’une citoyenneté à la fois supranationale et post-impériale.
Et pour vous ce sera : un narratif ou une story ?
TRIBUNE : «Story» et «narratif» sont deux exemples de la novlangue politico-médiatique. Ils symbolisent un appauvrissement, celui des histoires et des récits, raconte notre chroniqueur, qui a convoqué pour l'occasion Aristote et Charles Sanders Peirce.
Du pouvoir d’achat à la qualité de vie
ANALYSE : En 50 ans, la consommation par personne a triplé. Le problème est qu’aujourd’hui, personne n’accepte de ne pas disposer d’une multitude de biens et de services qui auraient paru être un luxe à une époque antérieure. Or, un «pouvoir d’achat» plus élevé est parfaitement compatible avec une «qualité de vie» médiocre ou indigente. Et de cela il n’est presque pas question dans les discours des candidats à l’élection présidentielle d’avril 2022.
TRIBUNE : Alors que le chroniqueur de droite et pas-encore-mais-presque-candidat est donné à 15% dans les sondages, à quelques points seulement d'un hypothétique second tour, le philosophe Michel Juffé analyse les accusations de racisme portées contre Eric Zemmour, qui attire régulièrement les points «Godwin». Mais son opposition à l'islam et sa conception d'une France homogène ne sont pas vraiment similaires à la pensée national-socialiste, selon notre chroniqueur.
Ecologie politique : Luc Ferry et Bruno Latour, le vilain et le tricheur ?
LIVRES : Le philosophe Michel Juffé a lu «Les sept écologies» de Luc Ferry et «Où suis-je ? Leçons du confinement à l'usage des terrestres» de Bruno Latour et... n'a apprécié ni l'un ni l'autre, pour des raisons opposées. Le premier se veut adepte d’une modernité caricaturale. Le second prend constamment la pose du «déconstructeur» (et «reconstructeur».
«Fuck», «Sex», «Tech» and «Gender» : quand l’Amérique sombre
BILLET : Les séries TV américaines décrivent un rapport au sexe fait tant d'ignorance que de frustration, selon Michel Juffé. En réaction à cette uniformisation véhiculée par la Tech, le réflexe est alors de s'enfermer dans la recherche désespérée d'une identité singulière, particulièrement notable sur la question du genre avec par exemple les LGBT devenus aujourd'hui... LGBTQQI2SAA. Loin de dénormaliser le monde, cette lutte pour la singularité le renormalise au contraire dangereusement, note le philosophe.
Covid-19 : un million de vaccins… par jour !
ANALYSE : Le philosophe Michel Juffé, qui a longtemps travaillé sur la question des catastrophes naturelles, se livre à un petit exercice pour imaginer ce que serait (et devrait être selon lui) une véritable «mobilisation générale» pour parvenir à vacciner 50 millions de Français en quelques mois.
Pourquoi parler de «sécurité globale» (et pourquoi ce n’est pas le cas)
ANALYSE : Il manque en France une véritable doctrine englobant toutes les dimensions de la sécurité, laquelle excède de beaucoup les missions du ministère de l'Intérieur. Et ce n'est pas le projet de loi de sécurité globale qui apporte de solution. Dans une société qui doute, la première question à poser est la suivante : que signifie être en sécurité ?
Laïcité, autorité, sécurité et santé : le peuple dépossédé
ANALYSE : Remontant de l'Antiquité jusqu'au Covid-19 et au terrorisme djihadiste, le philosophe Michel Juffé propose une réflexion originale et puissante sur quatre concepts politiques-clé.
Réponse de Nietzsche à Heidegger, qui «s’est bien foutu de lui»
BONNES FEUILLES : Les lecteurs d'iPhilo connaissent bien Michel Juffé, philosophe atypique et brillant, qui avait publié en 2016 dans la prestigieuse collection «NRF» de Gallimard une conversation imaginaire entre Spinoza et Freud. L'auteur a récidivé cette année avec son excellent "Nietzsche lecteur de Heidegger".
ANALYSE : Michel Juffé reprend cette maxime romaine pour le «monde d’après» la catastrophe du coronavirus. Conscient de l'appel un peu vain à croire que «plus rien ne sera comme avant», le philosophe réfléchit aux conditions de possibilité des changements politiques à venir.
Joseph Roth, le clairvoyant
BILLET : Michel Juffé a lu "L'autodafé de l'esprit" (éd. Allia, 2019), un court essai écrit par Joseph Roth en 1933. Notre chroniqueur remarque la grande pertinence des observations que l'écrivain autrichien (1894-1939) né dans une famille juive de langue allemande fait l'année même de l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler.
La psychanalyse peut-elle faire plaisir ?
ANALYSE : Quoi de neuf en psychanalyse, cette discipline moins à la mode qu'il y a quelques décennies ? A la lecture de quatre ouvrages récents parus chez Gallimard, le philosophe de se poser une question : comment la psychanalyse peut-elle étayer la raison au lieu de l’obscurcir ? Peut-être est-ce une question de dosage entre le «principe de plaisir» et le «principe de réalité», argue-t-il.
«L’Europe ne sait plus où elle va»
ANALYSE : En cette année d'élections européennes, iPhilo publiera plusieurs textes sur l'Europe. En voici un premier à propos du dernier livre de Jean-François Billeter. Face à la Chine, aux Etats-Unis ou à la Russie, peut-il exister une République européenne qui ne soit cependant pas une nation ?
L’histoire bien humaine des super-héros
ANALYSE : Qui n'a rêvé de voler et d'être affranchi de toutes les faiblesses humaines ? Dans les contes de fées contemporains, les super-héros, modèles réduits et simplifiés des héros de l'Antiquité grecque et romaine, caricaturent des désirs réels et décrivent des idéaux.
Robert Misrahi, naissance d’un philosophe
RENCONTRE : Michel Juffé connaît de longue date Robert Misrahi, éminent spécialiste de Spinoza et penseur audacieux du bonheur. Il a eu la chance de s'entretenir avec ce professeur émérite de la Sorbonne qui, à 92 ans, conserve toute sa vivacité.
Neurologie, psychanalyse et philosophie : un triangle non-oedipien ?
ANALYSE : Michel Juffé rêve d'une union entre ces trois adultes consentants pour former une "psychologie stable en continuelle innovation". A cette fin, le philosophe, féru de psychanalyse et de sciences, conseille la lecture de l'ouvrage Le cerveau et le monde interne des chercheurs Mark Solms et Oliver Turnbull, qui réalisent dans leur essai de 2002, traduit en 2015, une formidable introduction à la neuropsychanlyse.
Frédéric Lenoir, vrai ou faux ami de Spinoza ?
ANALYSE : Pour le philosophe Michel Juffé, Frédéric Lenoir est un cas intermédiaire. Son best-seller, "Le Miracle Spinoza", est un bon livre d'initiation, mais l'historien des religions pèche néanmoins en faisant de l'auteur de "L'Ethique" un sage au sens religieux.
Les vrais amis de Spinoza
ANALYSE : Baruch Spinoza est à la mode. Le philosophe hollandais du 17e siècle est à l'origine de livres à succès et fait la couverture de magazines. Mais attention, car il ne faudrait pas qu'il devienne un "prêt-à-penser", explique Michel Juffé dans iPhilo. Pour éviter cette dérive, le philosophe en profite pour écrire trois articles sur les vrais amis, les faux-amis et les ennemis de Spinoza. Voici déjà le premier d'entre eux.